Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 12 juin 2017

Violette a enterré sa mère.




Violette a enterré sa mère, elle était presque seule au cimetière, elle était seule pour « vider la maison «.
Violette ne pleure pas sa mère, elle a trop pleuré sur son chagrin à elle, celui de ne pas avoir été aimé par sa mère.
Violette a fait le deuil de sa mère depuis longtemps. Très longtemps.
Violette pensait en avoir fini avec sa peine,  sa douleur,  ce manque d’amour. Là. Elle pensait avoir fait la paix avec sa mère, avec elle-même, avec son enfance, avec sa vie. Etre qu
itte.

Violette s’était même persuadée que sa mère l’aimait, l’avait aimé à sa manière « en ce temps là les parents ne manifestaient ni leur amour, ni leur tendresse ». Cette idée là rendait tenable sa vie, lui permettait de tenter de s’aimer un peu. Elle s’était apaisée, avait pardonné l’abandon, la différence, l’indifférence, l’absence de regard. Le tout. Le rien
ll n’y avait presque personne ce jour là, un jour d’hiver sinistre, froid, pluvieux, pas de famille, quelques femmes de ce village perdu au fond d’une campagne d’un autre âge ;  Dans ce cimetière où reposent depuis des siècles les corps laissés là, au gré du vent et de la neige, oubliés, car plus personne ne vient, ne vient plus. Seules les vieilles nettoient les tombes tout en se racontant les dernières nouvelles, elles mettent des fleurs, époussettent, puis font le tour de ce jardin singulier en égrainant leurs souvenirs et remarques « c’est y pas malheureux de voir ça ! la tombe, y a
pu qu'des éronces, ; les enfants ces manches à rin s'en occupent pas, les manoqueux ». Qui en effet vient perdre son temps pour fleurir un carré de terre aujourd’hui ?



Violette n’a pas de peine, elle fait son devoir de fille, dévouée, elle l’a été, aides à domicile, passages réguliers, maintien à la maison comme sa mère le souhaitait ;  Elle rentre à présent dans cette maison qui lui est étrangère pour nettoyer, jeter, emballer, ranger, faire le tri, de ce qu’a été la vie de cette femme, de cette presque inconnue. De sa mère.

Dans un tiroir, elle trouve au milieu d’un fatras, des cahiers, des lettres, des feuilles éparses, des fragments de poèmes, de mots… Elle n’ose regarder, lire. Doit-elle pénétrer cette intimité ? Elle feuillette néanmoins et au fil des lignes voit se dessiner son nom… non ce n’est pas Violette, mais Violaine… lntriguée elle lit…
Violette a ouvert la porte, aurait-elle du ? Là n’est pas la question, elle a ouvert la porte. Il lui faut aller jusqu’au bout. Elle lit, debout. Tremblante.

Sa mère, « cette femme » dit-elle a écrit sa vérité ; la vérité. Elle écrit ne pas aimer cette enfant, cette Violaine pas désirée, pas voulue « elle a brisé ma vie, je n’en voulais pas, je n’en n’ai jamais voulue »…. « Ce fardeau, ce poids qui ne voulait pas partir…. » « Elle était là, je l’ai caché, je ne voulais pas de cette abominable chose»… des mots forts, violents… « Si elle avait pu partir… «  Toute ma vie gâchée fichue, j’aurai pu faire tant de choses… «  « elle sa vie ! la voir est une épreuve…. » «  On me l’a retirée… je l’aurai peut-être tuée qui sait ? » « mais elle ne voulait pas mourir, malgré moi, «  je ne crois plus en dieu il m’a infligé ce fardeau »…  « Elle m’a emprisonnée, cette enfant a été mon tombeau ». Des lignes et des lignes…
Violette n’est pas effondrée ;  Violette est soulagée, confortée, rassurée. Elle sait qu’elle ne s’est pas trompée, qu’elle a toujours su. Enfin : la Vérité.

Puis : «  ce n’est pas Violette, mais Violaine, cette petite fleur c’est trop beau pour elle ; cette vilaine ne mérite rien, je ne l’aurai d’ailleurs pas appelée, je n’avais pas de nom pour elle.. Puisque je ne voulais pas d’elle »
 
……………….. C’est la sage femme qui l’a appelée………………..  Violette… 

C’est joli. Violette a toujours su que quelque chose clochait, que son prénom sonnait faux dans la bouche de « cette femme/mère mais pas de moi » Je suis sa viol haine, elle n’est pas de moi ma mère, et ça me fait du bien. Je vais enfin aller, advenir.
Violette n’a pas d’enfant, n’a pas fait d’enfant.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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