ll
y a la mère et la mer,
ll y a la mère source de tous les
mots, ceux de l’analyse, ceux pour qui peut-être l’analyse est nécessaire,
vitale parfois, puisque souvent le sujet arrive en souffrance avec le poids de
sa mère qu’il traine malgré ou avec lui sans savoir où le déposer.
La mère, la sienne de mère !
Celle qui l’a laissé ou pas au bord du rivage ou du gouffre. Celle qu’il a laissé
au bord de sa vie, de ses rêves, de ses cauchemars. Celle qui le hante, ombre
fantôme qui l’enveloppe et l’empêche ; Peut-être ?
De
toutes les façons il y a la mère.
Elle est la source de tous les maux ou presque ; de ceux qui empêchent de
mettre tout de suite les mots : ceux qui restent coincés au fond de la
gorge, qui ne peuvent sortir, indigestes, inavalables, imbuvables, qui ne
peuvent être déglutis, engloutis, stagnants et répugnants qui emportent au fond
de l’âme la douleur sous jacente et inavouée ; car inavouable !
Ces maux que le sujet répète et se répète pour
se sécuriser ou se mettre en danger pour exister, pas seulement au monde mais
pour sa mère. A sa mère. Ces mots qui lui sont dédiés pour être à elle et s’en
séparer. Tout à la fois
Les mots et les maux sont ceux de la mère et pour la mère, et parfois il n’y en
a pas ou trop ce qui revient presque au même car le trop ou le pas assez font
que ça déborde.
Que ce qui coule au dehors n’est que la partie visible de l’iceberg, celle qui
veut bien se montrer à voir. Mais le reste ?
Car il reste toujours quelque chose, des vérités, ses vérités ; celles du
sujet sont les seules qui vaillent et qui valent, elles résistent au temps et à
l’analyse, au temps et au tempo de l’analyse.
ll y a cette mère aimée, aimante, délaissée, détestée, abandonnée, humiliante,
haissante et haissable mais pas seulement encore ! Elle peut être tout à
la fois, elle peut être toute à la fois. Elle peut ça aussi, elle peut tout et
rien.
Elle aurait ce pouvoir là ! Du moins on le lui prête. Elle est mère de
tous les vices la mère c’est une perverse polymorphe capable de tout : du
pire mais aussi du meilleur. Ce qui n’est peut-être pas suffisamment dit. Mais
cette « bonne mère » l’est toujours trop : présente, bienveillante,
étouffante. Soit elle coupe le cordon trop vite, soit pas assez, soit pas du
tout. Dans tous les cas il y a quelque chose de toxique, quelque chose qui
cloche, qui fait que l’enfant, sa fille ou son fils reproche, n’aime pas, est
en souffrance, en colère, malade. Malade de sa mère ; Avant de devenir
mère à son tour.
C’est une drôle d’histoire que celle là : mère et fille ; un éternel
complot une guerre froide ! une paix parfois qui ne peut pas s’assumer,
car l’étincelle est là, prompte à rallumer la flamme et le feu pour reprendre
le combat. Les hostilités sont à fleur de peau.
Au bord du rivage, aux flancs de la falaise. Les vagues grondent et le tsunami
approche : La mère est un mythe, une mythologie que le sujet ne cesse
d’écrire, de réécrire au fil de l’histoire de sa vie, des souvenirs qu’il pense
vrai témoignant de ce passé obscurcissant son présent.
Mais la mère, les mères se doivent-elles d’être bonnes ? Qu’est ce que ce
« être une bonne mère » ? Winnicott la préconisait « good
enough » et c’est déjà ça ! C’est déjà pas mal.
ll faut être une bonne mère, une mère parfois sacrificielle se mettant toujours
au second voire au dernier plan pour ses enfants, qui comble de l’ingratitude,
(mais les enfants sont de par nature ingrats) ne leur en sont pas reconnaissants.
Mais pourquoi le seraient-ils puisque la « bonne mère » se le doit
d’être ainsi
Certes on peut avoir mal à la mère, ce mal de mer à la limite du vomissement et
de la nausée qui parfois empêche la maternité de peur d’être mauvaise ou de ne
pas pouvoir donner ce qui ne l’a pas été, ou pour se protéger de
l’anamour ?
Qui sait ? Que sait-on de la mère et de ce goût amer de l’être mère dont il
n’existe aucun mode d’emploi.
Es war ein mal die Mutter.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne