Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 31 mai 2016

lls ont piétiné nos morts

 
lls ont piétiné nos morts.
 
Commémoration, devoir de mémoire, édification, des mots désuets dans un monde en déliquescence. Des mots qui n’ont plus guère de sens, mais qu’on instrumentalise à des desseins inavouables : détruire une société en en sapant les fondements. C’est commencé depuis longtemps déjà. Une guerre des tranchées qui ne portent pas son nom mais s’affuble de celui de progrès avec comme leitmotiv « ll faut vivre avec son temps ». ll y a un temps pour tout, notamment pour la mémoire et le respect.
Je ne reviendrai pas sur les ignominies mises en scène et surtout en actes pour le 29 mai. Un jour pour rendre hommage à nos morts, tous, sans distinction de races, de religions, de nationalité car la mort et l’horreur n’ont pas de frontières, la tragédie non plus. Je me suis longuement exprimé à ce sujet en ma qualité d’historienne, de psychanalyste et au nom de mes ancêtres : soldats blessés, morts pour la France, l’Allemagne ou la Russie dans cette boucherie de 14. Alors Verdun… On ne touche pas ! On ne salit pas ! On ne passe pas ! E t justement, pour moi comme tant d’autres ça ne passe pas. 
 
Examinons pourquoi. 
 
Ne clivons rien, ne rentrons pas dans le piège gauche/droite, facho, réacs/ intellectuels, gaucho, bobos. Ce serait me semble t-il faire le jeu de ces politicards qui n’ont qu’une chose en tête : le pouvoir, le fric et le chaos qui vont avec. 
 
Nous sommes au dessus de la mêlée, justement parce que nous avons d’autres valeurs, celles qui ne s’achètent pas ; la morale et l’éthique, le devoir et le respect. Désuet aussi me direz vous ? Non, juste une question de transmission, donc d’éducation. La guerre ? Qui aime ça ? Les gouvernements, les marchands d’armes (peut-être les mêmes) les psychopathes, mais aussi les entreprises, qui tranquillement font de la mort un marché. ll suffit de jeter un coup d’œil sur le dernier conflit… pour savoir qui s’est considérablement enrichi et continue à vendre costumes, voitures et autres « futilités » en s’en remplissant encore et toujours les poches. 
 
 
Alors ? Ce qui ne passe pas ? C’est l’indécence, le manque, l’absence de respect, le déni du sacré, du symbole, nécessaire à la construction de toute civilisation : le tabou. Et c’est ce tabou qui a été transgressé, celui de la mort… Envoyer une horde de jeunes fouler une terre de sang et de chair relève de la plus parfaite irresponsabilité, inconscience ou… de la perversion. Car il y a de la jouissance dans cet acte là, une jouissance perverse, il y a de la manipulation, de la déconstruction, du saccage, de la violence, de la haine, du mal. On a tué une fois encore, on a souillé leur tombe et leur mémoire, on a massacré leur sacrifice, on a craché sur leur cadavre. On a humilié l’offrande de leur vie à une Patrie qui n’a rien compris. Honte à elle ! on a permis tout ça. On a laissé faire, on a encouragé, on s’est amusé, on a dansé. Une danse festive, un sacrilège ! On a dansé sur la mort ! On ne danse ni sur ni avec la mort, on ne transige pas avec ça, on ne joue pas avec ça… C’est ça qui ne passe pas. On ne profane pas les morts, les cimetières, les lieux sacrés où peut-être certains l’espèrent, ces pauvres âmes ont trouvé la paix. On ne dérange pas ce silence. On se tait. 
 
Alors j’accuse ce ON ! Je l’accuse de trahison, celle de notre mémoire à tous, celle de notre société et des valeurs de ce que je j’arrive pas à traduire « Heimat », c’est fort… Ce mot. C’est beau ce mot, c’est l’honneur, l’amour, le respect c’est tout ça en quelques lettres. Ce ON se reconnaitra, mais n’aura nulle envie d’entendre la plainte de nos morts et de ceux qui sont les gardiens de leur mémoire. Au contraire, il s’en réjouira, car le tour est gagné, nous sommes choqués et meurtris, mais nous sommes en colère, il ne faut pas sous estimer la colère sourde d’un homme qui dort !
Devant cet immense gâchis, je suis restée longtemps sans voix et sans mots, tétanisée. Mais il est de mon devoir de dire, pour eux et pour moi également, c’est essentiel, ceux qui me connaissent savent mon implication dans le travail de mémoire, restituer un visage, une vie, une histoire à ces hommes de France et d’ailleurs afin qu’ils ne soient pas seulement un matricule, un dossier militaire, parler d’eux avant de leur métier, leur village. Cela fera bientôt deux ans que mon fils m’a entrainée dans cette aventure… Sans fin et je l’en remercie. 
 
Pour eux, pour ces hommes, ces gamins, à qui la guerre, à qui ce ON d’alors à volé la vie, l’amour, la jeunesse, l’espoir, pour leur famille je proteste et j’écris : Verdun, Douaumont, le Chemin des Dames, Soupir… On n’y danse pas, on n’y fait pas la fête, on ne chante pas… on fait silence, on se recueille… Humilité. 
 
Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste

jeudi 19 mai 2016

L'impossible deuil

L'impossible deuil, ou le deuil impossible !
La mort d'un enfant est terrible, la mort de son enfant n'est pas possible. Car la mort d'un enfant est impensable.

Personne ne peut l'imaginer, l'envisager... La mettre en scène, la projeter.
Le bon sens commun précise que ce n'est pas dans l'ordre des choses, de la vie, que le parent doit mourir avant. Avant son enfant. 
Puisque celui ci doit normalement lui survivre. C'est pour çà qu'il ne doit pas mourir avant. C'est comme ça.
Il doit continuer... Perpétuer la lignée. Il en est ainsi, aussi.

Il est, disent certains le prolongement de ses parents, qui continuent à vivre en lui, qui ainsi ne meurent pas... Vraiment.
Immortalité encore !
Comme si mourir était impossible, simplement impossible. Inenvisageable. Inimaginable. Intenable. La mort, la fin, pour toujours elle aussi ?

Un tel attachement terrestre, laisser une trace de son passage sur cette terre, ne pas être oublié...! Rester. Encore, toujours.
Trace, empreinte, une simple ligne, quelques mots... Bref passage, pourtant immortel.

Alors la mort d'un enfant ? La mort de son enfant peut-elle se résumer à ça ? Bien sûr que non, nous le savons tous, et ceux qui ont perdu un enfant le savent mieux que les autres.

Car oui, cet enfant n'est jamais tout à fait mort, il vit et vivra toujours dans le coeur de ses parents, de ses proches, parfois il vit encore tellement fort, que la vie en devient impossible. Cette absence est tellement présente qu'elle en devient insupportable. Une présence absente mais qui hante, qui est, ombre qui plane.... Et ces question à n'en plus finir : Pour quoi ? Comment ? Pourquoi ?
Pourquoi lui et pas moi ? Peut-être ?

Chaque jour est un calvaire, chaque objet nous rappelle qu'il était là, mais qu'il n'est plus là, aussi... Surtout, plus là, plus avec, plus contre, plus... Du tout.
Un retour impossible !
Un départ pour toujours !
Un deuil impossible et indécent, un deuil qui ne peut être. Un deuil qui peut-être serait une trahison, celle du non espoir ?

Et pourtant !
Il faut continuer, pour les autres, enfants, peut-être, pas pour soi, sûrement, la vie devient un enfer et son chemin est pavé de misères.
Douleur, pleurs et souffrances. Même si par décence et respect de l'autre et des autres, on ne montre rien, ou presque.
Celui qui sait regarder, celui qui souffre du même mal, reconnaitra, la fêlure, la blessure, la faille, au creux du coeur et de l'âme.
Ce qui fait mal !
La blessure pour toujours, celle qui ne se referme pas, pas tout à fait, qui s'ouvre lentement aux dates anniversaires... Le mot lu
i même est insoutenable, car il évoque une fête, des réjouissances... Alors !
Cette date, ce moment préc
is devient un calvaire, la pire des blessures ; rouvrant la plaie impossible à cicatriser,

Blessure, coupure, rupture, tragique... Mais qui fait vivre pourtant, malgré tout, celle qui fait froid au coeur mais qui lui montre encore qu'il est capable de battre.
L'autre, cet enfant nous manque, nous manquera toujours, chaque jour qui devient un jour de plus mais sans lui encore.

Etre là, sans lu
i, se réveiller avec ce manque, cette présence de l'absence, cette prise de conscience de la nouvelle solitude. Etre sans, mais être avec ce sans. Etre car il n'y a plus d'avoir.


Br
igitte Dusch, psychanalyste, historienne.

jeudi 5 mai 2016

L'emprise

L’emprise
« Le salut de l’homme est dans le choix » Freud (mars-avril 1923)
L’emprise On parle plus couramment de pervers, des pervers narcissiques, on en parle tant que le terme en est devenu quasiment banal, comme le mal, qu’il fait et qu’il est.
J’ai donc choisi de parler « d’emprise » pour reprendre le concept freudien de « pulsion d’emprise ». La pulsion (Trieb) caractérise l’humain, elle lui est propre et singulière. Freud en donne la définition suivante (elle) nous apparait comme un concept limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme, comme mesure de l’exigence de travail qui est imposé au psychique en conséquence de sa liaison au corporel »[1], il la distingue de l’instinct (lnstinkt). C’est une manière d’investir le monde. Il s’agit d’une force inconsciente entre le psychisme et le corps qui oriente le sujet vers un objet qui va lui apporter satisfaction, mais pas seulement, car elle vise toujours au-delà de l’objet. Freud la situe dans le registre du mythe. « Les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination »[2] Et l’emprise ? Qu’est ce que ce « mal » là, cette orientation vers laquelle le sujet tend et se tend, pour tordre, se tordre et distordre les liens mis en place avec l’autre ; sa proie, sa victime, son objet. Avant de faire la une des magazines, le méchant ou/et pervers narcissique est une notion développée par Racamier et Eiguer. « lnstrumentalisation”,” ustensilisation” sont des néologismes pour expliquer, représenter et mettre des mots sur des actes, ceux d’hommes pourtant advenus à la civilisation, à l’humanité qui comme l’à souligné à moultes reprise le père de la psychanalyse « ne va pas de soi ». Cette pulsion est originaire nous explique t-il, ‘la pulsion des pulsions… Une pulsionnalité, une pulsion de pouvoir » une racine du comportement humain en quelque sorte. Un sentiment de toute puissance.
L’emprise de l’autre, la main mise sur l’autre qui de sujet devient objet. En est réduit à cette condition d’instrument pour mieux être utilisé par son « agresseur ». Deux personnes, un lien qui se tisse et qui au fil du temps se tord. Un lien tordu qui s’impose et qui enferme le sujet/objet au cœur d’une immense toile d’araignée, un labyrinthe sans issue, une prison dont on a jeté la clé. Un espace qui se réduit de jour en jour telle une peau de chagrin. L’un domine et l’autre se laisse dominer, utilisé, maltraité, réduit en esclavage mental par son ‘agresseur ». lsolement, maitrise, humiliation, violences sous toutes ses formes, rien est épargné à un sujet qui se laisse entrainer dans cette spirale infernale, dans ce cocon dont il ne sortira, s’il peut le faire pas indemne. On s’attache beaucoup à décrire le méchant, le pervers, celui qui use de tous ces/ses artifices y compris les plus séduisants pour arriver à ses fins, au mécanismes, aux symptômes, à tous ces items qui font tirer la sonnette d’alarmes aux proches, inquiets, terrifiés par l’attitude d’un père, frère, fils, fille, amie qu’il ne reconnaissent plus depuis un certain temps, depuis que ce proche a rencontré untel ou unetelle. Il ou elle n’est plus le même, ils ne comprennent pas. Ce ll ou elle n’entendent pas, ne veulent, ne peuvent rien entendre, car le mécanisme s’est instauré, subrépticement, doucement, par des petits riens, des remarques, conseils au début, flatteuses parfois qui deviennent rapidement des injonctions, des menaces ! ll est trop tard, la toile est tissé le piège refermé, les proches dangereux car pas dupes écartés, le jeu pervers peut commencer. On s’attache souvent moins à la personnalité de la victime ou plutôt de l’instrumentalisé. Comment en est-il arrivé à tomber dans un panneau aussi grossier. Car il est souvent intelligent, doté d’un bon sens critique (du moins le pense t-on), issu d’un milieu et d’une éducation favorisée, indépendant… Alors quelle est la faille ? Ce n’est hélas (ou pas ) pas aussi simple que ça, car il ne s’agit pas seulement d’individu, de sujets humains, mais d’une relation , un lien entre deux personnes (dans le cas qui nous intéresse, mais le cas s’applique aussi à l’emprise sectaire) qui devient malade, pathologique et pervers. C’est de ce lien qu’il s’agit, de cette rencontre là, de ce rendez vous qui ne pouvait pas se rater, qui a bien eu lieu pour jouer ça, cette mise en actes et en scène Je vous proposerai lors de prochains articles plusieurs « vignettes cliniques » issues d’observations de ces liens singuliers, de rencontres diverses depuis une bonne vingtaine d’années, afin d’illustrer et de tenter de comprendre ce mal.
 Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
[1] S. Freud, nouvelles conférences sur la psychanalyse p. 130

[2] Au delà du principe de plaisir pp41-112, p. 80
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