Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 25 octobre 2015

Moïse, le livre, l'homme


Je partage aujourd'hui cet article écrit il y a deux ans, en réaction peut-être à ce que je viens de lire hier matin.. Encore, bien malheureusement... Freud imposteur, antisémite et antisioniste aussi,  et de lui opposer ce livre comme témoin, témoin ultime pour se dédouaner... Mais de quoi ? Quels besoins incitent ces détracteurs à un tel acharnement ?

Moïse...

Celui de Michel Ange
Celui de Freud également
J'ai lu et relu cet étrange ouvrage à différente périodes de ma vie, je l'ai lu une première fois sans vraiment trop comprendre ce que voulait dire Freud, se dire et nous dire, à nous lecteurs.
Pourquoi il avait écrit ce texte.
Puis je me suis demandée quelle fable, quel comptes il voulait peut-être régler en écrivant ce conte... Comme cette histoire métaphorique de la Horde nous enjoignant à devenir des sujets du lien social.
Les tables de la Loi du Père, celles qui fondent l'Humanité, qui posent les Interdits fondamentaux.
Mais Moïse ?
L'homme Freud a écrit l' homme Moïse...
Je suis aussi historienne, j'aborde souvent l'oeuvre du Père de la Psychanalyse avec ce double là, cette dualité qui permet une lecture duelle, autre, étrange et singulière aussi.

Historiquement, comme la Horde bien sûr que ça ne tient pas, et puis quid du "personnage" ? De son Moïse à lui, de cet homme qu'il a mis en scène.
Moise.
Controversé, d'ailleurs, par les historiens, archéologues, scientifiques et als. Moïse n'existerait pas... Du moins disent-ils, nous ne pouvons le prouver "scientifiquement'"," les fouilles ne donnent rien", "les dates n'ont pas de sens"...Moïse serait alors une "invention" de l'homme pour expliquer, démontrer, donner naissance à une croyance, des religions.
Il ne serait alors qu'un mythe, une fable, héros d'une épopée....N'en déplaisent à ceux qui y voient le fondateur du monothéisme...
Les scientifiques pensent avoir la preuve de tout, ce qui existe ou pas ! La science se veut parfois garante de la vérité... De la vérité scientifique. Qui tient ? Ou ne tient pas !
Mais la Science veut, se veut d'avoir le dernier mot. Mais la Science a aussi l'heureuse idée de remettre, se remettre en cause.

Mais là n'est pas la question, ici du moins.
Moïse une métaphore ?
Tout comme Freud je ne crois en rien.... La religion serait une "névrose infantile", une sorte de rituel visant à conjurer le sort, à se rassurer,  se convaincre qu'on n'est pas seul, seul face au monde, face à son être seul, face à l'univers. Cette solitude là n'est pas rassurante j'en conviens, elle n'est pas aisée à assumer, je sais bien...
Mais libre à chacun de croire, en qui il veut, en qui il lui semble bon de croire.
Là n'est pas la question non plus. Ici aussi.

Mais cette position là de Freud, me plait bien.
Et puis comment un dieu pourrait-il être là, entre lui et l'homme Freud qui cherche à comprendre non seulement le monde mais surtout le sujet...Le Sujet du Monde
Freud part à la découverte de l'Inconscient, ce vaste territoire inexploré, ce continent soupçonné, mais où nul ne s'est aventuré.
Lui, seul, y va, guidé par sa foi... Mais sa foi en qui ?
Toute sa vie il fera fi de la religion, mais ne reniera pas son identité, "Juif" c'est ainsi qu'il se présente, fils de Jacob, né Sigismund Schlomo Freud... Il devient Sigmund, prénom d'origine scandinave  définitivement en 1875, mais il ne reniera jamais ses origines, ce "là" d'où il vient.
Il sait qui il est, de qui il est le fils... !

Freud est juif, mais n'est pas religieux, il ne pratique pas.. Il n'adhère pas non plus vraiment aux idées de Théodor Herzl.. Considérant qu'on pourrait fonder le territoire d'Israël, sur une terre peut-être un peu moins chargée d'histoire.  Donc Freud n'est pas "sioniste" selon certains. Comme tant d'autres juifs d'alors ! Pourtant il est attaché à cette notion de "Terre Promise" comme l'homme Moïse !

Il est juif, imprégné par les valeurs de sa culture, il en garde le goût pour l'interprétation, le sens caché des choses... la découverte de l'inconscient
"Juif infidèle" ! c'est ainsi qu'il se définit...
Alors pourquoi Moïse ?
Pourquoi écrire sur cet "homme" là ? Justement ?
Pourquoi veut-il  s'attaquer à ce symbole ? Faire de Moïse autre chose que ce qu'il est habituellement, religieusement
Religieusement ? C'est peut-être ça
L'Homme Moïse se veut être un "roman historique"
C'est ainsi que le présente son auteur. Oxymore encore, comme son mythe scientifique ! Totem et Tabou
Historique, scientifique, mais roman ? En aucun cas il n'y a quelque chose de religieux, de référence religieuse.
La religion... Freud...

La religion, c'est pour lui une "névrose obsessionnelle de masse, un rituel pour se protéger de l'angoisse" pour éviter de se retrouver face au Su moi...La Loi, l'autorité, le cadre... Nous y voilà, presque ?
Autorité, loi, loi de Moïse ?
Pourtant.
La religion serait elle alors une sorte d'illusion, qui n'a aucun besoin de preuves réelles pour exister. Pour être. C'est ! On ne peut la ou le réfuter...
Ainsi en serait-il de la religion ?
Les dieux, ou dieu seraient-ils des substituts de pères, de Père, justifiant alors l'interdit, les interdits posés par les nécessités du lien social. Justifiant les contraintes imposées par toutes les cultures de l'humanité ?
Ce sont dit-il des "créations humaines"..

Il écrit à Lou Andréa Salomé en janvier 1935, "les religions doivent leur puissance contraignante au retour du refoulé, ce sont des réminiscences des processus archaïques disparus"
Puis "Ce qui rend les religions fortes, ce n'est pas sa vérité réelle, mais sa vérité historique"
Alors, un roman historique ? Roman de l'exil aussi et surtout, cela fait des années que Moïse, l'homme, son histoire le fascinent, l'intrigue, le questionne... l'impressionne.
Il est quasiment obsédé par la figure de ce patriarche, celui là même qui conduisit Son Peuple hors d'Egypte, vers la lumière...Qui le conduisit vers la Terre Promise et leur imposa des Lois, terribles auxquelles ils ne surent ni ne purent se soumettre...

Roman historique. Vérité historique, celle de démontrer, prouver que Moïse n'est pas juif, mais égyptien...Ce qui n'est pas simple dans un contexte social aussi mouvementé, dans un pays, l'Autriche où les juifs sont malmenés avant d'être déportés... Les juifs, dont il est.
Justement, il lui faut également ménager, du moins ne pas heurter ce peuple en le dépossédant de son Origine...
Certains on dit, écrit même que Freud, avait voulu par cet acte posé,  détruire l'image du patriarche dans la Bible.Je ne le pense pas.
Du moins ce n'est pas aussi simpliste et caricatural que cela, au contraire. L'entreprise de Freud est complexe, intelligemment et brillamment menée.
Roman historique, c'est discutable, mais métaphorique et identificatoire sûrement...

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

vendredi 9 octobre 2015

Blessures, traumatismes et trauma 1

14-18... Quatre chiffres, deux nombres séparés seulement par un tiret.
Une mince filet d'encre... Pour ne pas nommer le temps, les années qui séparent ces deux là...
1914-1918.
Un tiret qui à lui seul exprime quatre années.
Un tiret qui à lui seul symbolise LE conflit qui a ravagé un vingtième siècle naissant.
Naissance et mort, promesse et retour aux ténèbres, Eros et Thanatos ? Encore ? Toujours ?
Un tiret qu'il faut lire, décoder, déchiffrer, raconter. Avec ce qui reste, car ceux qui restent ne sont plus.
Raconter, dire, transmettre...

Ce qui s'est passé... Ceux qui sont passés, là, par là, au détour de ce tiret, tir fatal qui d'un seul trait les désunit des autres, d'un monde.
Un tiret meurtrier qui assassine des milliers d'hommes. Un tiret qui meurtrit à jamais les années qui suivent...
Mort, morts. Combats, tragédie, boucherie, sang, sanglant, carnage...

Il faudrait presque inventer de nouveaux mots pour en dire toute l'horreur... Mais suffiraient-ils ?
Depuis plusieurs mois maintenant, je parcours ce chemin... Involontairement presque au début, pour répondre à une question de mon fils, passionné d'histoire contemporaine, plus savant que moi en la matière.. Puis je me suis laissée emporter dans la tourmente.. Celle de ces hommes des tranchées, du Front, celles de ces Anonymes, de ces presque sans nom, morts au combat, sans combattre, en combattant, en hurlant, en avançant, en reculant, en pleurant, sous la pluie des obus, des grenailles et des mitrailles, s'empêtrant dans les barbelés, ravagés par la peur, la vermine, la faim, la colère, le désespoir..
Mes recherches me mènent sur des chemins que j'avais jusque là évités. Mais il est temps, il est temps d'aller y voir, de s'y confronter, de s'y cogner. C'est le Réel. ll est temps de rendre un visage, un nom et une histoire. L'histoire d'un homme est celle des hommes, de l'humanité, comprendre un homme c'est comprendre le reste, du moins essayer...
Aller au devant de ceux qui ont rencontré l'in nommable et l'impensable, vu le visage de celle qui en général ne rend pas sa proie.. "celle qui n'a besoin d'ouvrir aucune porte" écrivait Cocteau..
Ceux qui en sont revenus, mais pas indemnes. Mais revient-on indemne de l'Enfer ?
Revient-on vraiment de l'Enfer ?
Blessures, blessures de guerre, blessures de l'âme, plaies béantes de ce coeur qui néanmoins continue de battre sous une carcasse félée, fracassée, déchirée, déchiquetée, écartelée.. Morcellée ?

Le trauma de guerre, la névrose de guerre, Freud en a parlé, les a constatées. Les a dénoncées dans le sens où "ces gens ne mentent pas, la souffrance montrée à voir est bien réelle, ne peut se dire". S'il n'y a pas de plaies à suturer, à panser, à recoudre, à soigner, c'est parce qu'on ne les voit pas au premier coup d'oeil, ces plaies là s'entendent, s'écoutent, il faut prêter attention, regarder certes mais aller au delà de ce qui est peut-être montré à voir

C'est une rencontre avec le sous entendu, le non dit parfois, le crié, le hurlé, le beuglé, le pleuré, le révolté. C'est une rencontre choc avec l'horreur, la souffrance niée car elle est le déshonneur. Le mot est dit, ouf ! Enfin
Ce mot qui empêche, musèle la vérité. Aller à la guerre, faire la guerre est nécessaire, il faut se battre et combattre pour des valeurs, un bout de terre, quelques mètres devant la tranchée, tuer des hommes qui sont des maris, des frères, des pères. Tuer, l'autre, le réduire à néant, le déshumaniser, faire de lui non plus un homme mais un ennemi. C'est plus simple à abattre un ennemi.

C'est oublier un instant ce qu'est l'Humanité, en sortir pour accomplir la mission, l'ordre exigé, aboyé, pour servir les intérêts d'une poignée d'individus qui se remplissent les poches à l'arrière.
Car qui est le gagnant, le vainqueur ?
Le premier des traumas n'est-il pas dans ce cas bien précis cet abandon là, ce nécessaire oubli, ce manque essentiel qui paradoxalement permet de rester en vie ? A quel prix ?
Le premier des traumas n'est-il pas cet abandon, ce retrait, cette mise en marge de l'Humanité, pour faire face, s'adapter à une situation qui ne l'est pas dans une Humanité qui se définit comme telle ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.


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