Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 30 mars 2015

Le mal de l'autre

La mal de l'autre, le mal qui nous fait mal. Ce mal qui n'est pas nôtre.
Que faire ? Que dire ? de ce mal qui fait souffrir, qui ronge l'autre, de ce mal que l'on reçoit en pleine face, car ce mal, là, nous est montré à voir
C'est peut-être ça qui est insupportable, ce "montré à voir" là, insoutenable, qui nous renvoie à nous même, à notre mal possible, passé, présent ou à venir. Peut-être ?
Ce mal qui nous renvoie, à la douleur, à l'impermanence, l'incertitude, l'insécurité, à tout ce qui nous prive de sérénité, qui nous oblige au questionnement de la souffrance, de la déchéance et de la finitude
De la finitude de l'autre.
De notre finitude.
Le mal de l'autre.
Ce mal évoqué, exprimé par les proches des patients atteints de maladies graves, ces proches qui attendent, qui sont à l'affut, du moindre signe, de la moindre douleur, du symptôme qui peut dire, souligner, rappeler que le mal est là, ou qu'il n'est pas loin, qu'il revient.
Hypervigilance, éveil, écoute, tous les sens sont là actifs, furtifs, surveillant intensément trop peut -être ce qui peut les inquiéter;
Proches, trop proches en effet. Mais peuvent-ils être autrement, en être autrement ?
Etre là ? Ou pas.
Car n'être pas là, se défendre de voir, de regarder, d'entendre, dénier, pour ne pas souffrir, car à quoi bon s'infliger ça encore, puisqu'on ne peut rien faire.
Que faire d'autre face à l'impuissance ?
Cette maladie, ce mal être qui use, fatigue aussi bien le malade que son entourage, qui peu à peu s'habitue au mal, à la souffrance à la plainte
Car il n'y peut rien. Alors il feint, se réfugie dans un état proche de l'indifférence, ou qui montre à voir, à comprendre ça... Mais qui n'en n'est pas peut-être. Il faut bien vivre, à défaut de vivre bien.
Alors que faire de ce mal qui n'est pas le sien, mais le Sien, celui de cet autre qui nous le montre à voir parfois si cruellement, ce mal lancé, balancé à la figure qui finit par faire mal. Aussi.
"Je n'en peux plus, alors je ne demande plus rien, je fais comme si je ne voyais rien, comme si je n'entendais rien, sourde, muette et aveugle pour ne pas souffrir, mais vous savez au fond, j'ai tellement mal"...
"Que voulez vous qu'on fasse, chaque matin on se demande, comment, dans quel état"
"A vous je peux le dire, mais nous n'en pouvons plus de le voir comme ça, s'il pouvait partir sans trop se rendre compte"
"Qu'est ce que le médecin va encore dire ? C'est reparti on recommence le cirque infernal des examens de contrôle... "
Tous ces mots, ces plaintes des autres, proches de cet autre qui lui est LE malade, encore une fois, qui les entend et les prend en compte. Et qu'en faire ?
Leur dire que oui, ils ont le droit de ne plus en pouvoir, de ne plus en pouvoir d'entendre, supporter ce poids et ce fardeau. Une fois encore. Entendre tout ça pour alléger un peu la plainte car on en peut en soulager le mal. Comment ne pas compatir ?
Leur dire qu'ils n'ont pas à culpabiliser d'en avoir assez, de ne plus avoir envie d'entendre la plainte de cet autre qui se meurt alors qu'eux sont en vie
Eros et Thanatos encore, la mort et la vie, l'un donnant l'autre, car donner la vie, c'est aussi donner la mort, un jour ou l'autre, mortels, nous le sommes tous.... Alors ?
Le mal c'est aussi un rappel de la vie à la mort, que la vie est mortelle, qu'elle passe... Aussi.
Mais le mal, la douleur de l'autre, montrée à voir, lancée à la figure, une douleur qu'ils ne peuvent apaiser. Les voilà confrontés à l'impuissance, l'inéluctable, l'impermanence, la non possibilité d'agir. Solitude !
Etre confronté à ce qu'on ne peut maitriser, contrôler, régir, être confronté à ses limites, celles qu'on ne peut franchir, car elles sont indépendantes de la volonté de l'être, du sujet humain, qui est humain juste pour cette raison, celle là même qui fait qu'il n'est pas la "main divine". Qu'il n'est pas au dessus de ces Lois. Lois hors du champ de l'humain, de la science qui promet tout, mais qui ne peut rien tenir.
Face au néant, au vide. Sidéral et Sidérant

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

vendredi 13 mars 2015

Ecriture.

L'écriture, Ecrire, écriture. Du journal intime au roman il se passe quelque chose, il passe quelque chose, quelque chose passe.
Ce quelque chose c'est les mots, des mots assemblés qui jouent et se jouent en formant une curieuse farandole qu'on nomme la phrase. Des mots qui ont un nom, commun, singulier, propre, pluriel. Des mots qui ont une fonction, verbe, sujet, complément, attribut, épithète.
Adjectif, adverbe, conjonction, pronom... toutes ces pièces d'un puzzle qu'il nous faut assembler à la langue et dans la langue afin de dire ou ... D'écrire. Décrire.
Ecrire c'est dire, dire est aussi écrire
Alors qu'est ce que la "création littéraire", ce message singulier qui à force de mots tient discours et langage. Tient discours à la langue, tient à la langue...
Est à la langue ?
De quoi l'écriture alors est-elle le lieu ? L'espace ? Qu'est ce qui se loge dans ce creux ?
Est-elle le lieu de l'intime, de ce "ça" qui vient questionner l'autre, le bousculer ? L'interpeller ?
A t-elle une fonction exacte ? précise ?
L'écriture dévoile et se dévoile, elle est le lieu où se dépose l'inter-dit. Aussi.
Que trouve t-on dans ces mots écrits par l'autre, pas forcément pour l'autre ? S'y retrouve t-on ? Y puise t-on de soi, de son histoire ? Que découvre t-on à travers ce récit  au miroir des mots de cet inconnu qui m'est étranger comme je lui suis moi ; cet étrange inconnu ? Cet étranger  qui exprime ce que JE ne peux exprimer, ce qui ne peut sortir au dehors : ces mots, ces quelques lettres qui sont au fond de mon âme ? Ce que je ne peux mais que lui peut au détour d'un autre chemin mais que je croise à son insu ?
Improbable rencontre.
C'est donc en ce lieu que s"opère cette curieuse alchimie ? Singulier laboratoire que cet espace qui n'offre de silence que le son parfois amer de cette perception endormie et qui ne demande qu'à se réveiller ?
Est-ce alors ce besoin d'aller au devant de l'autre, cet autre qui sans peur, peut-être expose son intime en toute intimité et impudeur, qui me met dans le coup au moment même où je m'engouffre dans la brêche entrouverte ou béante là devant moi ?
Ecriture ?
Et crie ture
Ecriture sienne qui devient alors mienne et que je m'approprie en toute liberté, transgressant cet inter-dit qui ne demande peut-être pas à être ravi. Kidnappé. Est-il en partage cet intime là, ce lieu de l'écrit mais pas forcément de l'écriture, car ça ne va pas de soi
Y a t-il cette réciprocité de la conversation de l'échange qui fait que nous sommes au moins deux. Même  dans cette expérience là les deux sont réunis, ils ne cohabitent pas, ne partagent pas non plus, car y a t-il mêmeté dans ce partage qui n'en n'est pas un . Qui n'en n'est plus un ?
Imposture et illusion ; Malentendu
Nous n'en savons rien, nous supposons, nous pensons savoir qu'en ce leu même de l'écrit nous sommes touchés par les mots de toutes les couleurs qu sont une douce ou triste musique qui résonnent à n'en plus finir à défaut de raisonner.
Peut-on offrir mais peut-on aussi accepter cette mêmeté en partage ?
A qui parle t-on dans l'écriture ? A qui s'adressent ces écrits, ces mots fragmentés mais assemblés ? Que livre t-on par là ? Quels moments ? Quels souvenirs, quelles émotions cèdent-on, concèdent-on ou non à cet autre qui s'en fera le lecteur, l'écouteur.  Cette écriture est-elle égoïste, altruiste, livrée, déchargée, jetée en pâture à la face de cet inconnu dont on n'attend rien pas même la moindre connivence ou ben est-elle savamment étudiée, composée, mise en forme afin d'être présentée à ce même autre, dont on n'attend guère plus et qui en fera ce que bon lui semblera.
Impudeur ? Certes il en faut, car il faut se mettre à nu, dévoiler le caché, le sombre et l'obscur dans cette pseudo clarté qui n'est en réalité qu'un leurre, montrer à voir cette authenticité pas si vraie que ça mais qui même sous le masque transpire à grosses gouttes ou pointe le bout de son nez pour narguer la fragilité la plus fébrile qu'on souhaite pourtant cacher, tenir scellée. Ces petits fragments épars qu'on ne peut recoller, même sous la forme d'écrit. Car il y a et il y aura toujours du manque dans l'écriture, dans l'écrit ce manque qui fait la faille où celui qui reçoit parfois malgré lui peut s'y loger, s'y engouffrer, mais pas trop au risque de s'y perdre.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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