Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 26 février 2014

Mémoire et trauma

Mémoire et trauma sont intiment liés, le trauma est lié à la mémoire et c'est elle qui en garde la trace, l'empreinte.
Nous y reviendrons, ailleurs, dans un autre lieu
Je voudrai ici répondre à mon Amie Myriam Karsenty. à propos de la mémoire, du trauma, du devoir de mémoire, du cheminement de la mémoire, du travail de mémoire proche de celui du deuil qui s'opère aussi là, dans ces moments là, où la Mémoire prend une majuscule, celle de l'Histoire, de la vie, de l'Humanité
Myriam écrit, inlassablement pour ne pas oublier ceux qui étaient volontairement destinés à l'oubli, effacés des Livres de la vie, gommés, brulés, jetés...Aux oubliettes de la mémoire.

Voilà ce qu'elle a répondu au texte que j'avais publié, je te cite mon Amie.
"Il faut attendre longtemps avant de s'engager sur ce chemin de la mémoire. Être prêt... On pense que ça fera moins mal. Mais parfois, il faut souffrir pour être bien, pour trouver la sérénité. C'est ce que l'on croit.
Merci Brigitte. Magnifique approche.
"


Voilà ses mots, son cheminement à elle, sa représentation
Si je ne t'ai pas répondu de suite, Myriam c'est parce qu'il m'a fallu du temps à moi aussi, pour prendre, penser, analyser, comprendre tes mots et y mettre les miens, traduire ma pensée, mon ressenti, faire travailler ma mémoire. Ma mémoire pour ce devoir de mémoire. Cette même là qui ne voulait pas, qui ne voulait pas si frotter, comme tu le dis, il en faut là aussi du temps.
Il faut souffrir aussi pour retrouver, pour se retrouver.
Combien tu as raison.

Mais comment peut-on aller sur ce chemin là, faire comme je le dis la route en sens inverse. J'ai essayé de le faire ce chemin, dans la réalité. Insoutenable, indicible. Terrible. Terrifiant. Aucun mot. Des larmes.
Puis j'essaie de le refaire dans la mémoire, avec ma mémoire et celle de l'Histoire, retrouver la trace, retrouver ce qui reste. Requiem. Ce qu'il reste de l'histoire d'un homme, puis d'un autre, d'un autre encore. Il reste des numéros de convois, des papiers, des archives, des itinéraires, des sigles, des ... et puis parfois pas tout, rien, peu.
Historienne, je sais qu'on ne comble pas les vides, les manques, les failles... Ce n'est pas possible, on ne peut écrire l'histoire ainsi, pour l'écrire il faut chercher, les tessons, les brisures, les cassures, les morceaux, éparpillés, les bribes de l'histoire.
Mais comment fait-on quand ils sont brulés, réduits en cendres ? Quand la mort est encore une fois tuée. Quand la volonté est de ne rien laisser, d'effacer la moindre trace de l'éventuelle possible trace. Couvrir la trace ! Recouvrir encore les plis de la Mémoire.
Je peine à écrire, je peine à construire, je peine à rétablir, je l'ai dit déjà. Ces archives là me tétanisent. Je lis des extraits d'actes de naissances, des dates et des lieux, des métiers, des adresses au quatre coins de l'Est, celui qui est le mien, qui le sera pour toujours.
Tailleur d'habits.. Alors j'imagine le père d'Albert, puis Albert, qui croyait aux lendemains meilleurs, une Etoile qui brille, une étoile  qui s'est levée contre le fachisme, une étoile qui s'est éteinte dans les eaux froides de la Baltique après avoir survécu à l'Enfer. Injuste !
Kaddish.

Et puis toi : mort pour quoi ? Toi qui repose en "terre ennemie" tombé du ciel, en paix ? Je ne sais mais dans la verdure et quiétude de ces arbres centenaires...Tombes fleuries, mais par qui ? As tu trouvé ce soit disant repos ?

Il me semble parfois que les soldats
Qui ne sont pas revenus des champs ensanglantés,
Ne se sont pas couchés en notre terre, jadis.
Mais sont devenus de blanches grues.


Sont-elles passées,  Ont-elles ramené vos âmes..? ! Zhuravli.......

"Un jour viendra, avec le vol des grues,
De flotter dans la même brume bleue
Et depuis les cieux vous appeler, en langue d’oiseau
Vous tous, laissés sur terre."


Le temps viendra, il vient et arrive, tu m'y aides aussi, toi Myriam qui t'es donnée ce but, rendre un nom et une histoire à ceux qu'on nous a pris, trop tôt. Qu'on nous a confisqués.

A défaut d'écrire l'histoire d'Albert, d'Anatol, Ruth, et des autres, j'écris sur ces moments, cela se met en place, comment et pourquoi ? Le travail de cette autre mémoire qui parfois nous fait mal, nous aide surtout à ne pas oublier ce qui n'aurait jamais du être. J'écris, je décris, j'explore, je pars, je reviens, je retourne en arrière, vers ce passé pour comprendre le présent, notre présent.. et notre avenir.
Je fouille ce passé qui me fait mal, je vois défiler les noms, les images, les camps... Et c'est là que tes paroles prennent tout leur sens. Aller au bout de sa souffrance, exorciser une bonne fois pour toute, aller au bout de soi, pour sortir la douleur et trouver la paix, en leur offrant l'ultime sépulture : Celle de notre mémoire.

Et le trauma ? Que vient-il faire dans cette histoire de mémoire aussi singulière, ce trauma qui est celui de l'autre ? De cet autre disparu. De cet autre inconnu ? Trauma traumatisme ? Le trauma résultant de l'effroi de l'histoire, le traumatisme de sa représentation. Le trauma de l'autre que nous revivons par procuration... Effroi, souffrance... Trace ! Trace indélébile, et c'est peut-être tant mieux ! Cette souffrance nécessaire dont tu parles mon Amie qui nous mène à cette mémoire du non oubli.

Brigitte Dusch, historienne psychanalyste.

A Myriam Karsenty...Et ç tous ceux pour qui oubli et mémoire, mémoire et oubli interpellent.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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