Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

dimanche 9 février 2014

Le rire pervers 2

Alors le rire ? Autorise t-il tout ? S'autorise t-il de tout ?
Le rire pervers... Dévoyé, qui sort de la voie, qui par la voix et la portée qu'il lui donne la fait dérailler.
Le rire ?

C'est bien là toute la question, une autre question, une interrogation qui se situe au delà du rire de tout, de ce "peut-on rire de tout" ?
Nous avons vu à quel point le rire était nécessaire à l'homme, le libérait du quotidien, lui permettait de franchir certaines contraintes imposées par le cadre social, tout en créant et renforçant le lien social, ces périodes de rires organisées tel le carnaval, ces fêtes et mascarades ou chacun se déguisent, pour laisser aller les pulsions... De vie. Eros.
Mais ce qui questionne n'est pas ce débordement de l'Eros, mais plutôt celui de son jumeau, jamais bien loin Thanatos. Ce rire tanatique qui libère lui aussi des pulsions et surtout expulse ce qu'il y a de plus sombre en l'homme.
Rire et faire rire. Provoquer ce réflexe chez l'autre.
Dire pour faire rire, montrer à voir pour faire rire, donner à entendre pour faire rire. Il y a de la mise en scène et de la mise en actes. Un objectif à atteindre, rire et divertir !
Cela parait séduisant et l'est au premier abord, mais c'est avant de se demander si il est possible, si on peut rire de tout, donc faire rire de tout.
Si dans le faire rire l'autre et si pour faire rire l'autre on peut user de tous les artifices ?
Si tout est matière à rire ? Risible. Irrisible indécence... !
Faire rire pour libérer les pulsions et faire sortir du cadre l'autre, tout en y posant d'autres limites imposées par la décence, l'éducation et les tabous.
Tabous. Ce qui ne doit pas être transgresser, ces interdits fondamentaux qui règlent, régissent la vie en société, ce qui fait que les êtres sont, deviennent et adviennent des sujets humains, des êtres civilisés
Alors faire rire l'autre c'est se situer aussi dans ce cadre hors cadre là.
Lourde et bien complexe tâche. Pari difficile à tenir, pour qu'il ne devienne ni intenable ni une imposture
A moins que ?
A moins qu'à dessein faire rire devienne insidieusement ou pas, le moyen permettant cette décharge pulsionnelle et émotionnelle singulière... toxique.
Que ce faire rire ne soit pas drôle, même plus sarcastique.
Que ce rire qui signifie parfois/souvent que son objet même ne peut passer par la parole soit instrumentalisé, ustensilisé à des fins inavouables. Ou presque.
A des fins... A défunts...A dessein.
L'instrumentalisation du rire, après celui de la parole, nous y voilà.
Une parole pour faire rire, mais pas n'importe quels mots, ceux qui viennent lever l'inhibition, la pulsion de l'autre, dans ce qu'il y a de plus mortifère.
Thanatos convoque et interpelle Thanatos, et il y a du répondant, de l'écho.
Une communication au delà de la parole, celle des pulsions archaïques de destruction et de Mal qu'il y a chez chacun de l'être qui se veut malgré tout humain. Ce tout petit verrou qui saute qui fait craquer le vernis de culture et renvoie à la Horde primitive.
Alors il s'en suit entre celui qui dit pour faire rire, et celui qui tend l'oreille pour rire, une sorte d'harmonie sauvage et brutale qui vient réveiller ce qu'il y a de plus obscur au fond de l'âme, de plus cruel et destructueur. La parole du rire en est le vecteur et banalise le mal, puisqu'il n'y a pas de mal à en rire encore une fois, perversité ! Perversion. Le mal est exorcisé, exalté par cette parole qui s'adresse directement à la pulsion pour la libérer, libérer le monstre, le conduire hors du Labyrinthe.
Le rire pour extirper l'indicible.
le Mal parle au Mal, le Mal libère le Mal... Ce n'est pas bien difficile.
Le crime rode et n'est jamais bien loin. Il est la base même sur laquelle repose notre Humanité.
Alors s'installe ce lien singulier toxique et pervers. Ce lien qui se tisse par les mots qui font rire, qui piquent et qui tuent, l'autre. Il est infiniment plus simple et plus cruel de rire de cet autre, ce désigné d'office qui cristallise la peur, la haine et le rejet. Ce Bouc émissaire décrit par Girard
Ainsi le groupe retrouve une cohésion. l'objet du rire en est le but, unis autour de !
Rire pervers, instrumentalisé pour renforcer une fraternité fragile qui a besoin de ce ciment pour être encore plus forte ! Hélas !

C'est ainsi que le rire devient une arme. Une arme d'une force inouïe car elle se propage, ça ne fait pas de mal de rire, même du mal, ça fait même du bien. Et puis en rire ! Ce n'est pas grave !
Le rire a rempli sa fonction de lien social, de cohésion des hommes. A quel prix et comment ? Au détriment de qui ?
Peu importent ces dommages collatéraux, peu importe puisqu'on rit. Le rire ne peut pas représenter un danger.. Il est le propre de l'homme
Le mal aussi.

Brigitte Dusch Historienne, psychanalyste.
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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