Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 3 février 2014

Le rire pervers.1

"Le rire est le propre de l'homme" : Commentez. Je me souviens de ce sujet de dissertation comme si c'était hier.
Le rire : Alors j'ai repris Gargantua et j'ai lu une fois encore.

AUX LECTEURS :
Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection ;
Et, le lisant, ne vous scandalisez :
Il ne contient mal ne infection ;
Vray est qu'icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire ;
Aultre argument ne peut mon cueur elire,
Voyant le dueil qui vous mine et consomme
Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l'homme.


Le rire en effet le propre de l'homme, même si la science nous dit que d'autres mammifères en ont la capacité. Il faut rire pour vivre, vivre pour rire, sauf que la vie se révèle parfois être une tragédie : celle du drame de l'homme. Alors pourquoi rire ? Et de quoi rire ? Y a t-il de quoi rire ?

Freud
écrivait que le rire était un moyen d'atteindre une autre dimension de soi, qu'il créait du lien social il soulignait aussi qu'il fallait d'abord rire de soi même, ce qui est tout un art, de l'humour...  Cet humour là est presque un luxe tant il est difficile, rare et précieux, mais tellement libérateur !
Il est souvent hélas infiniment plus simple de rire de l'autre, des autres que de soi même.
Peut-être aussi plus rassurant ?

Rire ?  Se moquer ? Rire ou sourire ? Préfixe malin qui modère et tempère pour atténuer l'éclat et le rendre plus sociable, plus social, moins bruyant mais tout aussi dévastateur s'il est inconvenant.
Rire de rien et de tout ? C'est justement là que l'épineuse question heurte l'entendement. C'est également là que les convenances et ce qu'il convient d'appeler les compétences sociales (qui relèvent autant de l'éducation que du bon sens)  interviennent et interdisent. Il y a des sujets avec lesquels on ne plaisante pas. Dont on ne rie pas. "Tout le monde" le sait. Cela va de soi.
Mais pas seulement, cela va aussi de la décence, de la morale et de l'éthique... De la civilité en quelque sorte, ce petit quelque chose jamais vraiment acquis qui laisse penser que le sujet humain est vraiment sorti de la Horde ; Qu'il a accompli à grand peine ce long chemin pas facile, semé d'embuche, qu'il a sublimé ses pulsions de destruction, de haine, de violence et de mort, pour faire partie de ce fameux lien social qui relie les hommes et fonde l'Humanité.
Pulsions ? Encore elles !
Freud a tout d'abord pensé que la civilisation permettrait à l'Homme de s'élever au dessus de ces/ses pulsions dévastatrices avant de découvrir avec horreur qu'il n'en n'était rien. Non, décidément sous ce vernis de culture la bête sommeille et ne demande qu'à se réveiller, il l'explique longuement dans la réponse qu'il fait à Einstein "Pourquoi la guerre".
Non décidément non, l'homme malgré l'art, la musique et les bonnes manières n'est pas à l'abri de ces/ses débordements, le crime rode, et le fantôme du père assassiné et dévoré le hante. Le crime originel et fondateur.
Ainsi de rire il n'y a pas moyens, toujours. Pourtant certains se rient de tout, et de l'interdit. Se pose alors la question de la limite,du contenant de ce rire libérateur, ce plaisir interdit nous dit encore Freud mais socialement permis, lorsque la société autorise et s'autorise, celui qui permet à l'homme de supporter les contraintes, celles là même du lien social et de la Loi. Ce rire "honnête" disait Descartes qui met de la distance entre soi et les autres. "Ce fameux mécanisme plaqué sur du vivant".
Y aurait-il alors un cadre, des limites, une frontière entre ce rire sain dont parle Freud, ce rire qui permet de ne pas tout prendre à la lettre, cette sorte de parenthèse, ce moment hors monde et ce rire "malin" toxique et malsain ?
Y aurait-il une frontière ? Un rire singulier qui casse l'inhibition et transgresse les interdits, convoquant alors ces inter-dits, le jeu avec ce que les hommes bannissent du registre du permis en élevant une barrière une ligne jaune à ne pas franchir. Ce rire si particulier brise alors tout ça, fait voler en éclat et exploser le cadre. Transgressant allègrement morale et tabou, pour expulser cette pulsion dévastatrice qu'il ne peut ni contenir ni retenir. Pulsion de rire, pulsion de détruire, pulsion de tuer par le rire ce qui est déjà mort, à dessein sûrement. Pulsions ? Perversions ?
Le rire peut alors être pervers, et perverti.... (à suivre)

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.




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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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