Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 27 septembre 2014

Mots d'enfances...

Des bribes, des morceaux, des fragments épars, éparpillés, gisant ça et là... Revenant à la mémoire, hantant les mémoires des vivants, des adultes devenus grands, qui ne se défont pas des fantômes de ces enfances
Des mots et des phrases, d'hommes, de femmes, exilés, ici, et là, encore, qui se demandent pourquoi, qui cherchent à savoir, à comprendre, à retrouver la trace, les racines et l'origine...
Des mots et des maux.

"Je me souviens un peu de la petite fille que j'étais, je ne me sentais pas à ma place au milieu des autres enfants de l'école, je ne leur ressemblais pas..... Ou ils ne me ressemblaient pas. Nous n'avions rien en commun, ils ne me parlaient pas, et je n'avais pas non plus envie d'aller vers eux. Ils étaient "d'ici" et pas moi, je ne savais même pas d'où je venais, même mon nom, ils n'arrivaient pas à le dire.. A chaque fois c'était pareil. Ils se moquaient. J'aimais bien l'école, j'y apprenais une langue qui n'était pas celle de la maison, mais je n'aimais pas la récréation... "

"Petit déjà je ne leur ressemblais pas, il y avait eux et il y avait moi. C'était comme ça. Mon enfance en fait je ne m'en souviens pas, on ne sortait pas, on ne voyait personne, il y avait la peur, mais je ne sais pas de quoi, peur de manquer peut-être ? Mais je n'ai manqué de rien"

"J'ai grandi dans un petit village du nord de la France, je ne savais pas grand chose de ma famille car on n'en parlait pas à la maison, j'avais des copines, elles m'invitaient chez elle, ça ne ressemblait pas à chez nous. J'aimais bien. Elles avaient une famille, il y avait des fêtes, chez moi rien, personne. Je m'ennuyais, je n'aimais pas les vacances, c'était triste. Heureuse ? Lorsque j'étais petite ? Je n'en sais rien, je voulais grandir pour partir, ça c'est sûr, partir ailleurs, je ne savais pas où mais je rêvais de l'Amérique. J'y suis allée .. rires.. "

"Je n'ai jamais connu mes parents, ce sont mes grands parents qui m'ont élevés. Ma mère et mon père je ne sais pas qui ils sont, enfin qui ils étaient... Ils n'avaient pas eu le temps de venir, disait ma grand mère et elle se cachait pour pleurer. Venir où ? Aller où ? Je ne savais pas, c'est bien plus tard que je l'ai su. Je l'ai appris dans les livres, les journaux, les documentaires. Je vais de la généalogie pour retrouver leur trace, savoir qui ils étaient... ! J'espère trouver un peu de paix."

"Mon enfance n'était pas malheureuse, j'ai grandi derrière ce que vous appeliez le rideau de fer, le mur de la honte et plein d'autres choses encore. Je n'étais pas malheureuse car j'avais la chance d'avoir de la famille, ils étaient là tous, presque, pas comme mon amie, qui elle n'avait presque plus personne...Morts, morts tous morts. Disait-elle. Elle riait en pleurant, il ne restera plus que moi !"

"Petit ? Oh là là c'est loin tout ça -rires- puis soupirs, puis tristesse. Tiens je n'y pense jamais ou pas souvent. Mon père ? Il était sévère, il criait, en fait non, c'était ma mère, non je ne sais plus, les deux peut-être, en fait je suis parti très vite... C'est mon grand père qui m'a recueilli, il m'a élevé et m'a dit "maintenant mon gars, il faut que tu arrêtes de faire des conneries et que tu fasses quelque chose de ta vie".. je l'ai écouté et j'ai plutôt bien fait."

"L'enfance, c'était les foyers, vous savez ceux du même nom, j'étais un enfant placé, déplacé surtout. oui, déplacé, je le suis toujours, quand je bosse je suis en déplacement, c'est peut-être pour ça que je viens vous voir.. Pour trouver une place".......

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Enfance, enfances, mots d'enfants et paroles d'enfance, oubliées, reléguées parfois au fond des mémoires mais toujours toile de fond qui sous tend la vie, la peur, l'angoisse, les cauchemars.
On aimerait y revenir, y retourner, pour recommencer, oublier, faire autrement, gommer, refaire. C'est impossible.

Enfances blessures, enfances blessantes, enfances trauma, enfances traumatisantes, enfances effractions, enfances effractées, enfances traces, traces de l'enfance

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

jeudi 18 septembre 2014

Procrastination

Un mot savant, pas facile à prononcer, à écrire à retenir pour dire de manière technique ce qu'on ne fait pas aujourd'hui et qu'on remet à demain.  Ou à après demain pour ne pas dire aux calendes grecques.
Procrastiner est à la mode, pas l'acte, pas le faire, ou plutôt le non faire, mais le mot. On le voit, on l'entend presque partout. Mais au fond qu'en sait-on ?
Nous nous sommes tous trouvé confrontés à ces tâches ingrates, déplaisantes, mais qui néanmoins doivent être faites.
Certains sujets font au fur et à mesure afin de ne pas se laisser déborder par une pile de repassage, une vaisselle, un tas de papier à remplir, des lettres à faire etc..
Ce qui est fait est fait et n'est plus à faire. S'ils ne retirent pas un plaisir particulier à passer l'aspirateur ou faire une déclaration de revenus ils éprouvent cependant la satisfaction de l'avoir fait.
Un certain contentement
D'autres au contraire n'ont pas envie, mais alors pas envie, si peu envie qu'ils ne le font pas, se disant que peut-être d'autres le feront. Ou bien que demain, après demain ou un jour ils auront plus de temps, le moment sera plus favorable, ou pire que sous la pression se sera mieux fait
"j'attends toujours le dernier moment, la dernière limite, j'ai le couteau sous la gorge, là je ne peux plus reculer, alors je le fais" me confie un adulte d'une quarantaine d'années.
J'ai toujours fait comme ça, au lycée, les devoirs je les rendais à la dernière minutes, pas le temps de me relire mais basta !"
Dommage, se relire permet d'éviter des erreurs et de gagner quelques points. Mais faire dans l'urgence ne le permet pas. Le faire à temps, si.
Alors pourquoi ? Pourquoi remettre à demain.
Ce n'est pas me semble t-il une question de gestion de temps, ce n'est pas aussi simple. S'il est vrai qu'il y a un temps pour tout et que l'organisation est nécessaire, voire indispensable, certains sujet ne peuvent, ne savent ou refusent tout simplement de s'organiser
Je fais quand j'en ai envie. Quand je veux, quand je le désire, je déteste les contraintes.
Les contraintes, obligations, devoirs. C'est bien de cela qu'il s'agit. Toutes ces choses qui ne sont pas du plaisir, du bon temps mais qu'il faut faire. Alors remettons, laissons de côté. Pourquoi s'embarrasser à s'obliger à faire quelque chose de désagréable. Si tel n'est pas notre bon plaisir ?
Frustration.... Celle qui dit-on aide au développement
Frustration... Ne pas avoir tout de suite ce qu'on désire. Le plaisir, immédiat, l'immédiateté.
S'obliger.
Se frustrer, s'imposer. Se confronter au réel, ce qui cogne, ce auquel on se cogne disait Lacan... Ce réel qui fait mal qui rappelle à la réalité. Principe de plaisir et principe de réalité.
La frustration n'a rien d'agréable, c'est éprouver le manque, et le manque est insupportable pour ces sujets désireux et habitués surtout à tout avoir, tout obtenir d'un seul clic.
Ne pas faire alors car ce faire de suite serait source de déplaisir, ce déplaisir intolérable les poussant à différer ce faire, pour rester dans le plaisir et la satisfaction immédiate...
Une piste peut-être mais sûrement pas la seule. La paresse bien souvent invoquée, ne tient pas davantage... Laisser trainer, différer pour un demain aléatoire où peut-être...
Mais s'il n'y avait pas de demain ?
Laisser... Laisser pour un demain, un futur possible encore ?
Se dire qu'on aura encore le temps, la trace du faire, faisant à faire... Semblant de croire que plus tard ce faire sera fait ? Car demain "on" aura le temps ? Attendre toujours ce temps, ce soit disant moment pour ça. Qui n'est qu'un leurre, car de moment "pour ça" il n'y en a pas, et le sujet le sait, mais diffère quand même. Parfois une tâche qui somme toute n'est pas si ingrate que cela, mais qui lui pèse, car il n'a pas envie tout simplement. Trouvant qu'il est déjà sous pression tout le temps, alors pourquoi une de plus ?
Sur ce point il n'a pas tout à fait tort, la pression existe, elle est de plus en plus présente, il faut, on doit sont les leitmotiv de notre société qui ne prend plus le temps de et produit des sujets/objets de cette immédiateté des désirs satisfaits. Le sujet est réduit à la chose cliquant sur le bien convoité et notant les chiffres de sa carte bleue pour obtenir chaussure, CD, livre ou autre sans avoir même à sortir de chez lui, à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit.
Procrastiner n'est pas nouveau, le mot non plus, mais il est remis à la mode et fait même l'objet d'une pathologie, certains thérapeutes se propose m^me de rééduquer le sujet récalcitrant en le déconditionnant de ces mauvaises habitudes pour lui en inculquer de nouvelles, meilleures celles là. Dit-il
Seulement voilà, le sujet humain n'est pas un ordinateur, son cerveau n'est pas un logiciel et même si la Science (avec plusieurs majuscules) se penche elle aussi sur la Chose et en donne des explications plus ou moins scientifiques cela ne nous explique pas le pourquoi et le comment. Cela ne nous dit rien non plus sur la souffrance, l'anxiété et l'angoisse éprouvés par le sujet
Car rien n'est dit à propos de l'angoisse qui pourtant se situe au coeur de la problématique une fois encore et je le souligne, le surligne s'il le faut est bien là...
L'angoisse avant, pendant et après. L'angoisse qui serre et étreint, qui fait mal, qui questionne, interpelle le sujet.. Qui laisse et qui remet sans foi sur le métier son ouvrage.
Qui laisse l'ouvrage sur le métier, qui le laisse pour qu'il reste.
Abandon de l'ouvrage, pas tout à fait, pas toute, laisser trace de son passage, ici, et plus tard aussi, certitude de ce plus tard, de ce demain peut-être ou après demain. De ce futur, possible encore car il reste à faire
Il reste à être.
Il reste à être encore là...
Demain et après. Ne pas tout finir, terminer, c'est aussi quitter, ne plus revenir.
Laisser alors un peu ou tout l'ouvrage sur le métier, afin de savoir que partir n'est pas encore possible qu'il est encore trop tôt. Laisser un peu de soi. Pour l'autre, mais aussi pour soi
Trace.
Encore.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne


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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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