Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 24 octobre 2013

Si j'osais !

"J'aimerai bien, si j'osais, si je m'écoutais...
Je ferai, j'irai, je dirai...
Mais...
Mais ?
C'est plus fort que moi, je n'ose pas, je ne peux pas...
C'est trop difficile, il y a comme une boule là, au fond de la gorge, à l'estomac, au ventre
Il y a quelque chose qui me retient, qui m'empêche, qui m'interdit presque !
Alors ?
Je n'ose pas, je ne dis pas, je ne fais pas.
Et pourtant, ce n'est pas l'envie qui manque !
Le désir peut-être ?
Oser, dire ce que je pense, ressens, perçois...
Me dévoiler...
C'est ça peut-être qui m'empêche, qui m'interdit ?
Dire des choses sur moi, faire des révélations sur moi, donner des informations à l'autre ?
L'autre, nous y voila...
Encore lui... Décidément ! Cet autre qui empêche, n'autorise pas, fait que je ne fais pas"

Autre ? autre ?

Dire, donner son avis, parler, communiquer, choisir, renoncer, oser, aller... Autant de verbes simples, d'actions banales mais qui pour certains d'entre nous sont difficiles, compliquées, complexes, parfois même impossibles.
Choisir ? C'est renoncer. Faire un choix c'est prendre l'un et ne pas prendre l'autre, c'est laisser l'un pour l'autre, c'est abandonner. Prendre et laisser.
Dire c'est aussi abandonner, laisser des mots glisser hors de soi ! Communiquer à l'autre, son avis, son choix, sa pensée.
Oser c'est aller de l'avant, c'est avancer, c'est se dire j'y vais, mais je peux peut-être me tromper, c'est prendre ce risque, savoir qu'il existe, décider ! Agir...
Etre acteur ? Seulement être acteur de sa vie n'est pas un rôle de théâtre ou de cinéma... Etre acteur de sa vie, c'est décider de faire ou d'aller, de dire oui ou non. C'est être en capacité de le faire, sans crainte, sans anxiété, en acceptant le risque de se tromper. Un risque qui  remet seulement en question une décision,mais pas son être tout entier.
Se tromper est possible, le sujet humain n'est pas parfait, nul n'est parfait.. Quid d'être parfait ?
Se tromper est un risque qu'il faut décider aussi de prendre ou pas, mais ne pas agir peut aussi se révéler être une décision, celle de ne pas accepter de prendre ce risque... Mais c'est agir ! quand même.
Alors être acteur de sa vie n'est pas si compliqué que ça, c'est un challenge à la portée de chacun nous, être acteur, décider d'agir pour soi, c'est se connaitre et s'aimer au moins un peu, avoir cette estime nécessaire qui fait que l'on se pense aimable.

Pourtant c'est là, que ça coince, que ça bloque, l'estime et l'amour de soi, ce narcissisme nécessaire, indispensable. S'aimer, se trouver des qualités est simplement naturel, savoir quelles sont ses forces et ses faiblesses est essentiel. Savoir qui on est.
Aller à la rencontre de soi, de son être soi... Une aventure qui vaut le coup d'être tentée, un rendez-vous qu'il faut se donner, et qu'il convient de ne pas manquer !

Brigitte Dusch, psychanalyste.

dimanche 13 octobre 2013

Confiance en soi ? 1

Elle n'est jamais vraiment sûre d'elle, la moindre remarque, réflexion, le moindre regard, tout peut tout remettre en question, en une fraction de seconde.
Elle se retrouve alors démunie, pas bien, comme elle dit, avec une boule, au ventre, dans la gorge, ça dépend, mais ça coince quelque part, des suées, froides, chaudes de la tête aux pieds, un mal aise, un mal être...
Il est complétement déstabilisé, le film qu'il a tant aimé a reçu une mauvaise critique, ses collègues en parlent négativement et surtout raillent ceux qui l'ont aimé.
Il se tait, ne dit rien, mais ne se sent pas bien, ses pensées n'arrêtent pas de tourner, tourner en boucle, en disque rayé, il n'arrive pas à arrêter cette machine infernale qui l'abasourdit, il ne s'entend plus, il n'entend plus rien, ça le serre, lui fait mal, il devient rouge, blanc, à l'impression d'avoir des sueurs froides, il  n'ose plus rien dire et dans ces cas là, il quitte la pièce...

Sûr de soi, confiance en soi.. Des expressions à la mode, presque des injonctions, il faut être affirmé, mais attention, pas trop, juste comme il faut, juste... Le juste milieu...
Mais ce n'est pas facile, comment faire, car "à chaque fois qu'un autre n'a pas le même avis, je me dis que je suis une idiote" confie Sophie* et de poursuivre, "j'adore manger ma tarte aux pommes avec une boule de glace, l'autre jour, une collège explique que ce sont les imbéciles, les rustres qui la mangent de cette manière... Vous comprenez j'ai été terriblement blessée, je n'ai rien osé dire, je n'ai pas osé dire que... "
Que quoi ?
Qu'elle, elle aimait la manger de cette manière avec une boule de glace ?
Pourquoi ?
Par crainte de rentrer dans la catégorie mentionnée par cette collègue en apparence bien sûre d'elle ?
Cet exemple banal semble caricatural et pourtant, hélas il ne l'est pas.

C'est une foule de petits détails de petites anecdotes comme celles là qui mettent mal à l'aise qui font que des hommes et des femmes tout comme Sophie se retrouvent brutalement remis en question, déstabilisés. Bien sûr on pourrait analyser le comportement, il y aurait matière, on pourrait noircir des feuilles et en écrire un livre entier. Mais ce n'est pas le but de ce billet. L'objectif étant de souligner la fragilité du sujet humain, une fragilité parfois insoupçonnable, car ces hommes et femmes ne sont  ni timoréees, ni timides, ni... ni...
Seulement, la moindre remarque, réflexion constitue une effraction, elles se sentent remise en cause et en question dans leurs convictions, leurs croyances, leurs pensées, pas une seule fois il leur vient à l'idée que l'autre qui parle avec un tel aplomb n'a pas tout à fait raison, qu'il se trompe ou bien que simplement c'est son avis, à  lui et qu'elles ne sont pas obligées de le partager... Heureusement !
Car nous sommes différents, nous sommes tous des sujets singuliers, et chacun a le droit de manger sa part de tarte comme bon lui semble, avec ou sans glace, son thé avec ou sans lait.

Tolérance ? Respect de l'autre..
Bien sûr ces notions entrent en ligne de compte, mais ne nous intéressent pas et n'interpellent pas nos sujets là immédiatement, dans cette situation, car ce sont elles qui se trompent, qui sont persuadées de faire fausse route, qui sont dans l'erreur. ELLES sont le problème, c'est chez elles que quelque chose ne va pas et les autres :... Eux, ces autres ont forcément raison, ils savent ce qui est bien, bon, ce qui se fait ou non. Ils détiennent forcément cette vérité, la vérité, la seule vérité qui soit. Ils donnent le ton, disent ce qui doit être ou pas. Eux ils savent... !

Alors qu'elles ?

Elles, elles sont nulles ! Forcément. Elles ne savent pas, leur avis est mauvais, elles n'ont rien compris, alors elles n'osent s'exprimer, discuter et encore moins dire ce qu'ils pensent, elles se taisent ou parlent pour acquiescer, même si elles ne sont pas d'accord au fond d'eux mêmes. Mais qu'importe  leur avis puisqu'il est forcément mauvais, puisqu'il n'est pas comme ceux de ces autres qui savent tout.

Alors pourquoi ce regard  ? Ce regard sévère et injuste sur elles mêmes ? Pourquoi ce manque de bienveillance, d'indulgence ? Pourquoi ce manque de confiance ? D'amour, d'estime ?

* le prénom est bien sûr fictif.

samedi 5 octobre 2013

Histoire...Mémoire.

Historienne, on me demande souvent " sur quelle période ?"... Et je réponds : "Je suis dixseptièmiste"...
Un peu le hasard ? Passionnée d'histoire et de lettres classiques, formée au latin grec dés mon plus jeune âge, je me destinais à l'étude de l'histoire ancienne, pourtant j'avais choisi cette mention singulière en licence "paléographie médiévale et moderne".... Hasard ?
Le sujet d'histoire moderne traité cette année là, le sérieux, la rigueur et le talent de mon professeur m'amenèrent à candidater pour une maitrise d'histoire moderne.. Et je me retrouvais embarquée dans une histoire singulière, d'amour et de passion, celle éprouvée pour ce siècle bouillonnant et  tout aussi singulier qu'est le XVII° siècle. Un coup de foudre !
Je ne le quitte plus depuis... tant d'années.


A mon amie Myriam Karsenty je disais"'j'ai longtemps évité l'histoire contemporaine pour ne pas souffrir ?" sûrement, certainement...
Pourtant cette histoire là, ces moments si précis et cruels de cette période là étaient sous mes yeux, sur les étagères de la bibliothèque familiale, sur la table de chevet de mon père, dans la mémoire des mes grands parents, sur leur chair, dans leur coeur, gravée à tout jamais...
Pourtant ! Même si on n'en parlait pas, les silences valaient plus que les mots, il n'y avait pas le poids de ce silence, mais plutôt celui de ces mots, enfouis, qui ne peuvent être dits, mis à nus, parlés....
Alors ?
J'ai longtemps cherché... Le goût de la psychanalyse aussi sûrement ! Chercher à expliquer à défaut de chercher à comprendre, me disant que l'un éclairerait peut-être l'autre !
Pourtant... J'ai regardé, feuilleté ses livres, en cachette parfois, comme si j'avais petite fille conscience de transgresser, de passer outre ce silence tacite, ce voile d'ombre, cette aura mystérieuse et douloureuse qui entourait les miens, mince cellule familiale ! mince, comme ce qui reste, ceux qui restent..Encore...
On n'en parlait pas, pourtant on parlait de la guerre, de la milice, de la France des collabos, des résistants, des Justes, tout cela me semblaient des mots avec une consonance et un contenu terribles, Des mots scellés, tenus dans une crypte cachée que je ne pouvais pas ouvrir car je n'avais pas la clé, mais qui possédait ce sésame ?
Qui pouvait me dire, me conduire, me mener seulement au seuil de cette porte ?
Et serais-je alors entré ? Aurais-je poussé cette ultime barrière qui m'aurait conduit à ?

Entre deux, deux langues, deux guerres, deux valises, deux cartons, deux ?

Je me suis intéressée à l'histoire de la France, à sa littérature, même si enfant j'ai été imprégnée de littérature russe, contes et légendes de Grimm, berceuses yiddish, mélanges et langues, entre deux...
Un mélange tellement familier que je peux parler, penser, rêver avec toutes ces bribes, ces mots qui s'assemblent et forment un joli patchwork.

Puis peu à peu, j'ai cheminé essayé de lire en entier les livres de mon père, sans y parvenir...Prenant et reposant ces volumes.
Il a fallu recomposer l'histoire, la sienne, mais il n'en parlait pas, bribes volées et morceaux assemblées tels les fragments retrouvés sur ces champs de ruines, pour tenter de comprendre !
Archéologie de la mémoire.
Champ de ruines..Eparpillées, en éclats. Au milieu, je suis là, j'écoute, entends, relie, assemble et tricote, prend du recul sur ce curieux ravaudage et essaie de mettre cette histoire au coeur de l'Histoire.
Depuis quelques temps, j'essaie de retracer le parcours de certains des miens, le dossier est là, numéros de matricules, de convois, dates, archives, copies adressées par les mémoriaux.. Le dossier est là.. .mais je n'y parviens pas. Pas encore. Je crois au temps, au moment. J'attends.

Souvent je pleure en lisant comment Albert est mort, fils d'un tailleur d'habits ; Rien ne le prédisposait à mourir sur les rives rouges de sang de la Baltique... Marches de la mort ! Ton nom sur un mémorial, une stèle, tout ce qui reste, une médaille et quelques images qui restent dans la mémoire de ton fils !
Puis Anatol ? Je ne sais ce que tu es devenu toi qui cumulait tous ces terribles handicaps, toutes ces tares ! juif, hongrois et communiste !Où es-tu ? Es-tu retourné à Pertersburg où tu es né ? J'ai lu et compris que tu avais survécu à Mathausen, aux Kommando et puis à quoi encore ?
Puis ce D, qui git en "terre ennemie" enrolé de force par l'armée soviétique tu es venu finir ta vie là, pourquoi ? Tu étais si jeune ! J'ai vu notre nom, en entier et non le nom de l'exil, là sur cette plaque... j'ai déposé une fleur sur ta tombe l'an passé dans ce cimetière, sous les arbres de l'ancienne DDR, et j'ai prié moi qui n'ai jamais appris à le faire.
Kaddish....
Et les autres ...?
Vous êtes là, êtres de papiers, êtres vivants qui attendent que je fasse vivre votre histoire, que je raconte votre courte vie pour certains, bien trop courte..Vous attendez que je fasse mon devoir, mais je n'y parviens pas, je n'y arrive pas à chaque fois je repose ces documents "historiques". Je n'ose vous demander de m'insuffler la force !
Devoir de mémoire, de votre mémoire, de ma mémoire, de notre mémoire.

La première fois que j'écrivis à un mémorial, je le fis en français, refusant d'user de la langue de leurs bourreaux, en réalité je ne pouvais pas, cela m'étaient impossible...Les mots ne venaient pas, ils s'étaient enfuis, enfouis. Puis peu à peu les échanges se firent plus intimes, et je repris alors la langue... Histoire encore ! Entre deux toujours.!

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste

Je dédie cet article à Myriam Karsenty, et  la remercie pour tout le travail de mémoire qu'elle fait, qu'elle a le courage de faire. Nous te sommes tous redevables Myriam.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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