Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 26 avril 2013

Ecrire

Ecrire, écriture... Elle est au centre de ma pratique professionnelle, depuis de nombreuses années, presque depuis toujours... Ecrire, lire cet écrire.
Ecrire c'est dire, c'est vivre, c'est être et c'est faire
C'est prendre la distance, le recul de l'événement, de l'histoire, de l'action.
Ecrire, mettre, poser, déposer les mots, c'est offrir, c'est donner, c'est se débarrasser, c'est laisser, abandonner, se délester, se rendre plus léger..
C'est tout ça et ce n'est pas encore tout à fait ça.
Distance et recul, la parole laisse, casse, crée la rupture..
L'écriture laisse la trace, le passage, la cicatrice pour mieux peut-être dire, puis partir, car il restera témoignage du dit.
Dédit, se dédit et dédie cette écriture à soi, ou à l'autre, l'adresse, destinataire connu ou inconnu, étrange ou étranger, les mots sont lancés, c'est un coup de dés, parfois comme une bouteille à la mer, donner, faire croire, s'illusionner de l'insolitude, pour ne pas se perdre, se perdre dans les maux, se perdre alors dans les mots !
Peut-être ?
Aventure singulière que de coucher sur le papier, taper sur le clavier ces/ses mots qui s'inscrivent sur la page ou l'écran blanc.
Qui le déchirent, le recouvrent, l'imprègnent de la saveur, de l'odeur, du parfum de cette solitude, de ce désir du partage ?
Cri, SOS, j'é cris, le cri qui tue, tu ne l'entends pas, et tu le tues !
Cri encore, inscrit et décrit les maux par les mots qui se mettent ensemble alors que plus rien ne s'assemble, puzzle détruit, champ de ruines déconstruit encore ! Ravagé ! Ravages.
L'écrit
C'est tout ça et ce n'est pas ça, vraiment, parfois, peut-être ? L'écrit qu'on laisse derrière soi, avant de partir, pour peut-être ne pas revenir.
Partir sans laisser d'adresse, ni à l'un ni à soi, ni à l'autre...
Partir sans rien dire........
Dernières volontés, reconnaissances, explications, je te dis, je dédis ce message à ceux qui resteront peut-être pour ne pas qu'ils oublient ?
Qu'ils gardent peut-être dans les replis de la mémoire l'écrit chiffonné car il n'ont pas su entendre les cris.
Cris du vivant, écrit du survivant qui veut graver les mots et transmettre ses maux.
Ecriture, écris-tu ?
Ecris vain ?
C'est aussi sûrement le laisser passer cet ausweiss de l'au delà qui transcende les mots dits car ceux là ne sont pas assez forts pour marteler la pensée ?
Ce billet qu'on glisse au gardien des Enfers ?

"Je te glisse ce billet sur lequel je crie mes maux, car les mots que j'aurai pu te dire ne veulent pas sortir".
"Comme ça quand tu seras partie, tu me liras et tu penseras à moi, en lisant tout ça"
"C'est tellement dur et sale à dire, que de l'écrire je ne crie pas pour rien"
"Ecris, écris moi de temps en temps, moi je te donne ces mots, mais tu n'es pas obligée.....
.."

A Dora.

lundi 22 avril 2013

Vieillir

Vieillir ?
Ne pas vieillir surtout, comment masquer les marques de ce vieillissement terrible ?
Tout le monde s'y met, surtout à l'approche des beaux jours. Se montrer sous son meilleur jour. Montrer à voir un visage lisse, un corps svelte, une allure sans reproche
Un peu comme le bonheur !
Beaux, jeunes, bronzés et heureux
Les injonctions incontournables
Pourtant, vieillir c'est comme mourir, nous n'y pouvons rien
Alors bien sûr nous pouvons faire un effort, s'entretenir, faire de l'exercice, marcher, nager, garder un esprit sain dans un corps sain
Que le vieux ou la vieille soit acceptable, présentable
Beau et belle à voir !
Quand même !
Vieillir....
Vieillir sinon serait une insulte, une violence faite à cette société de jeunisme poussé à l'extrême, ou le vieux est encombrant, objet délabré dont il faut se débarrasser au plus vite, remisé dans les maisons de retraites perdues au fond des campagnes, loin de la cité, mais affichant des tarifs indécents.
Car vieillir a un prix, il faut avoir les moyens d'entretenir cette fin de vie, cette vieillerie qui non seulement dépouille le sujet de sa jeunesse, de sa beauté, de sa santé, mais aussi de ses économies : s'il en a.

Il y a quelques jours une de mes amies parlaient de la vieillesse, elle illustrait son message avec les propos de Marie de Henezel, qui proposait une certaine vision de la vieillesse, cette douceur peut-être de la vie vécue, l'assurance de l'expérience, la sagesse...!
Une vision idéaliste, irréelle de la vieillesse, souvent!
Une vieillesse comme la vie, réussie...

Mais l'épreuve du réel me semble tout autre, la rencontre avec le devenir vieux n'a rien d'idéal, de sublime, de magnifique, de magique, ni de serein
Du moins pas toujours, pas pour tout le monde ! Hélas
Ce qui est montré à voir de la vieillesse, antichambre de la mort n'a rien de magnifique.
Vieillir est un naufrage, inéluctable fin du voyage, sans aucune chance de retour en arrière
Tout comme la mort, nous le savons, mais n'y pouvons rien, rien n'efface les marques du temps, les ravages des ans.
Si certains vieux résistent à l'épreuve du temps, du chômage, de la maladie, de la souffrance, ils occupent alors un espace qui n'est plus fait pour eux !
Quelle place alors pour ces vieux, ces séniors, comme on dit pour ne pas choquer.. Comme les non voyants, mal entendants... On n'ose plus poser les véritables mots. Dire !
Comme on n'ose plus regarder le visage que le miroir renvoie ! Celui de l'âge, du temps qui passe !
Vieillir devient l'obsession de ne pas vieillir à tous prix, malgré tout.
C'est le début d'une lutte, d'un combat contre les rides, les kilos superflux... Ce qui est montré à voir, puis vient ce qui ne se voit pas, du moins tout de suite, la mémoire qui flanche, les mots qui passent et se perdent dans les oubliettes ! les gestes moins sûrs, les pas difficiles... Comme si avancer ne pouvait plus se faire qu'à reculons.
Avancer... Oui, mais pourquoi ?

mardi 16 avril 2013

L'impuissance thérapeutique 1

Corps et esprit ; accepter l'impuissance thérapeutique 1

C'est en ce sens, être appelé pour pallier cette impuissance, ce manque. L'appel au tiers, quand la tâche pour le soignant devient impossible, qu'il n'y a pas ou plus grand-chose à faire pour le patient et qu'on ne sait pas trop comment lui dire, le dire à ses proches. Il m'est arrivé d'assister à des scènes surréalistes, où le médecin expliquait à la femme d'un patient à grand renfort de schémas et de termes techniques l'évolution du cancer de son mari. Elle n'avait pour seule réponse "mais je ne peux pas, j'ai rendez-vous chez le dentiste..." Qu'elle répétait inlassablement ! Défense, déni, identification projective.
Accompagner, être là, ce qui est demandé à ce tiers qui est le clinicien ou/et le psychanalyste. Celui à qui on adresse car le soignant, le médecin n'a ni le temps ni les mots, ne peut, ne veut ou ne sait s'embarrasser de ce discours qui le bouscule, qui peut le renverser, le bouleverser. Il préfère souvent se cacher derrière le masque, celui de la dureté, de l'indifférence... Ne pas voir, ne pas écouter, ne pas se laisser aller à l'ouvert.
Fermé, fermer la porte, fermer les sens, ne pas donner de sens aux SOS aux mots, au désespoir.
Etre à l'écoute, du présent, mais aussi du passé et de l'avenir aussi terrifiant soit-il ! Peut-être ! Souvent.
Au lit du malade, tout près, très près, dans cet espace intime où le cabinet et le divan du psychanalyste sembleraient peut-être une injure ?
Mots chuchotés, saccadés, ponctués de larmes et de sanglots ! des questions n'appelant aucune réponse "pourquoi moi ? pourquoi maintenant ?"
Entendre l'ultime injustice, le combat qu'on sait le patient et moi perdu d'avance.. Mais pas toujours, car que sait-on vraiment ! Mais ........
Parfois on joue, on joue à se le cacher, tout en sachant que l'autre sait qu'on sait. Puis le masque (encore) tombe !
Nous nous retrouvons alors devant la nudité triviale et sordide de la vérité, celle qu'on ne veut entendre qu'on s'efforce de travestir, toujours !
C'est aussi être là lors de cette annonce là, celle de la maladie incurable, de ce mots meurtriers, assassins, meurtres presque parfaits !
Diagnostic fatal, qui ne laisse que l'issue d'un temps toujours trop court, d'un temps pas suffisant pour faire, être, avoir, devenir.. Il faut déjà se préparer à partir !
Rester encore dans le monde des vivants, mais un pas seulement, l'autre déjà dans celui de la souffrance et de la mort. Vivre ?
Entendre alors la colère, la douleur, la violence, les mots crus et durs à propos d'un corps qui trahit, entendre le découragement, le non espoir, la peur, la terreur.
Entendre le désir de mort, d'en finir au plus vite, une mort qui soulage, qui met fin à tout ça enfin !
Entendre, mais aussi et surtout écouter... Accompagner, disent les soignants, un mot qui mérite qu'on s'y arrête, si je puis dire, faire quelques pas, un bout de chemin avec... Et puis ?
Seul le patient ira au bout de ce chemin pavé de misère, de souffrance, de douleur et de solitude. Seul il franchira le pas, ira de l'autre côté.
Seul ! C'est sûrement cette solitude là qui est terrible, terrifiante pour celui qui reste, qui fait ces quelques pas, qui tient la main mais qui ne peut rien faire d'autre !
Impuissance...........

mercredi 3 avril 2013

Le mal dit

Mon dernier article a suscité des commentaires sur certains réseaux sociaux et c'est tant mieux ! Je ne peux y répondre en 140 signes cela me semble un exercice un peu difficile, alors je vais tenter en quelques lignes quand même, d'apporter quelques éléments, non de réponse, mais peut-être de réflexions prolongeant les interrogations.
En effet l'annonce d'un diagnostic se révèle toujours une épreuve, parfois un soulagement : Enfin un mot pour mettre sur tous ces maux. Une explication qui rassure car  "je ne suis pas fou"..
Comprendre, faire des liens, associer. Savoir, car il faut bien quand même savoir !
C'est de soi, de sa peau dont il est question...
C'est essentiel, mais ça ne suffit pas, car il faut à présent faire avec, avec ce mot, inconnu, absent de la pensée il y a quelques instants.
Ce mot qui bouleverse, qui transforme et qui tue parfois ! Aussi !
Tumeur... Tu meurs !
Injonction infernale !
Un seul mot qui suffit non seulement à envahir l'être mais à le bousculer, le renverser, le déséquilibrer, car après une telle annonce, plus rien ne pourra désormais être comme avant.
Tous les cliniciens ont décrits les différentes étapes, de cet accueil singulier et extra ordinaire qu'est celui de la maladie, des émotions, états d'âme, ce que je nomme une "crise"
Car c'est bien de crise qu'il s'agit, une crise qui se constitue dans le quotidien du sujet qui se sachant mal, se sait à présent malade !
Un pas est donc franchi... Brusquement, parfois ! Mais ce pas ne donne pas forcément accès au pire, même si c'est ce pire qui arrive aussi brutalement à l'esprit.
Comme je l'ai écrit, cancer, malgré toutes les avancées de la médecine signifie encore dans bien des esprits (grand public mais aussi médecins hélas) une condamnation à une mort certaine, lente, douloureuse, pénible.. Un parcours du combattant, au mieux, car le soldat s'il combat, ne se rend pas forcément sans avoir épuisé ses ressources ni tiré sa dernière cartouche !
Et c'est là que se situe la différence, je crois.
Nul n'est forcé de se rendre... D'obéir à l'injonction qu'est cette condamnation mal nommée encore, mais pire sous entendue
Etre positif n'est pas possible m'écrit-on ! J'en conviens c'est difficile, voire impossible ! Comment être positif en sachant que le couperet peut tomber !  Va tomber, penser ça à chaque instant... Mais nul besoin d'être malade pour mourir ! Et qui sait quand ? Comme me disait un patient "voilà, je sais que la mort est au bout, mais je n'ai rien appris de nouveau, car ça je le savais déjà.. "
C'est peut-être ça le plus difficile, être brutalement confronté à sa propre mort, sa propre finitude, qui est le lot de chacun, mais comme l'écrit Freud, l'inconscient ne connait ni le temps ni la mort, et l'homme se pense immortel ! Alors l'annonce fait figure de rappel, nous place face à l'épreuve du Réel qui est sans appel !
L'homme est mortel ! La mort, sa mort impensée et impensable... Comment faire avec ça ?
Pourquoi penser la mort alors qu'on est en vie ? Pourquoi ne pas se penser en vie, avoir cette envie... ?
Etre positif semble en effet bien dérisoire face à ce danger, face à cette menace, brandir cette étincelle d'espoir, cette injonction aussi peut-être indécente, ridicule et grotesque, pourtant ! Conserver une lueur d'espérance ne peut qu'aider, soutenir le désir.
Se battre ! Souvent le langage guerrier est de mise, une lutte s'engage entre soi et l'intrus, celui qui squatte le corps, pour en déposséder le sujet, faire son lit, son nid dans ce lieu pour mieux y déployer la mort ! Trahison, le corps lâche, accueille cet ennemi, collabore et ne résiste pas ! Engager un dialogue, faire des compromis ? Mais lesquels ? L'un veut la peau de l'autre ! L'un l'aura, l'autre pas !
Une sorte d'histoire dont certains affirment connaître la fin, une histoire qu'il convient pourtant d'écrire, en laissant chacun d'y inscrire sa fin, comme il la souhaite, comme il le désire.
Car qui connait la fin ? Qui sait quand l'histoire s'arrête ? Qui peut décider de ça et dire ça ?
Résister n'est pas seulement se battre les armes à la main, il y a les combattants de l'ombre eux aussi, tout aussi efficaces.. Ceux qui usent d'autres armes, d'autres outils, car tout est bon dans ce combat là, dans cet affrontement là. On fait feu de tout bois car c'est de sa peau qu'il s'agit, et qui mieux que soi peut savoir comment la sauver.. ? Laisser à l'autre, celui soit disant supposé tout savoir décider que ceci ou cela doit se faire, doit être... ? Lui laisser, lui donner se pouvoir là ? Démissionner alors de sa propre vie et en confier les rennes à un parfait inconnu qui hormis le nom de votre maladie ne sait rien ou si peu de vous ?
Que faire : Résister, combattre, se battre avec, apprivoiser l'intrus, s'en faire un ami, comprendre ce qu'il fait là, pourquoi soi, se laisser aller, laisser faire, attendre, avoir mal, culpabiliser, se fâcher, être en colère, démissionner, se taire... ?
Oui que faire ? Ce faire là est tout aussi singulier car qui va dire quoi faire ? Qui sait mieux ce qu'il faut faire, ce faut qui est la faux qui se profile au loin pour rappeler que le jour approche, ce dernier instant tant redouté mais qui disent certains malades viendra enfin mettre un terme à tout ça ?
Espoir ! Lequel ? Qui donne, transmet cet essentiel, fondamental sans lequel toute vie n'est pas possible, cet espoir là qui permet de vivre avec, d'être soi, simplement soi...
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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