Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 25 février 2013

Les mots de l'oubli

Souvent je pense à elle, mais à elle avant !
Avant qu'elle ne soit malade, enfin si on peut dire ça...

Malade ? Il y a tant et tant de mots et de maux qui se fourrent dans ce mot valise, tant et tant qu'elle déborde, éclate, car elle ne peut tout contenir..
Et puis même le mot de la maladie, de la pathologie, mot savant, nom de celui qui l'a mise à jour. Qui l'a mise au monde et qui l'a nommée !
Quelle paternité ! Quelle éternité....Pour ne pas oublier !
Elle, c'est ma mère, elle oublie, elle oubliait tout, tout le temps, elle qui n'oubliait rien, jamais, qui pensait à tout, ordonnait tout, rangeait tout.
A la fin, mais quelle fin ? elle ne se souvenait plus de rien.
Plus de tout, mais pas vraiment de rien
Les souvenirs ne se perdent pas tous, si elle ne savait pas si elle avait déjeuné elle se souvenait bien de cette promenade avec son frère, de ce petit chat quand elle était enfant.
Elle ne se souvenait plus du nom de mes enfants, du mien parfois !
Il fallait du temps pour dire, redire, remettre en ordre sa pensée, remettre de l'ordre dans sa tête.
Mais pour combien de temps ? Pour quoi faire ? Car c'était aussi vite oublié...
Alors il faut apprendre à renoncer, bannir certains mots, certaines expressions, mentir peut-être, masquer, aller dans son sens, ne pas la contredire, ne pas la contrarier. Ne rien dire.
Se taire.
Le silence.
Maladie de la mémoire, de la langue, des mots, des souvenirs qui se mêlent et se nouent pour finalement se loger dans le trou noir. Dans l'abîme inconnue dont plus rien ne pourra sortir !
Une bouteille à la mère, parfois, pour tenter de faire émerger ce désespoir, cette solitude, cette absence ce départ avant l'heure. Un SOS pas vraiment entendu, ou quelques bribes seulement qui donnent une lueur d'espoir tenue et fragile qui s'effrite si vite que les lambeaux des souvenirs ne peuvent avoir du sens
Avoir du sens, faire sens et donner du sens, faire des liens, tricoter, assembler, raccommoder, accommoder, reconstituer un chant de ruines !
S'évertuer à cimenter, pallier, remplacer, puis a mère, renoncer ! Car ?
Pour qui et pour quoi ?
Certains choisissent le silence pour vivre à l'écart du monde, taisent la parole, la retiennent et s'arrêtent sur le pas de la porte, refusant une bonne fois pour toute de l'ouvrir et d'entrer
Elle non, elle n'a pas choisi ça.
Toute sa vie pourtant elle n'a  jamais prononcé un mot plus haut que l'autre, trouvait le mot juste, pertinent, savait aussi se taire,  retenait les mots et les émotions, par pudeur, éducation peut-être ?

Maintenant elle parle une langue que je ne connais pas, des mots inventés qui n'ont de sens que pour elle, je n'ai pas accès à son monde cet espace vide et obscur qu'elle s'est crée, inventé pour se réfugier
Pour se mettre à l'écart d'une vie qui l'a sûrement mal menée
Je n'en sais rien, car à vrai dire je ne sais rien.
Sa vie et ses souvenirs lui appartiennent tout comme le choix qu'elle a posé. Celui d'oublier...

jeudi 7 février 2013

Faire le deuil

Le français est une langue riche  disposant d'un registre de noms communs, verbes, adjectifs impressionnant. Mais une langue moins précise peut-être que la langue allemande si redoutable parfois dans sa rigueur.
Le français offre aussi des représentations imagées, des figures de styles mais aussi des clichés.
Des clichés qui si on y regarde bien n'ont pas vraiment  de sens en soi, mots assemblés qui ne vont pas forcément bien ensemble, incongruités parfois, paradoxes qui heurtent l'acception.
Il en va ainsi de faire le deuil, ou faire son deuil, le possessif mille, dix mille fois de trop !
Son, le sien... ?
Quel deuil appartient à qui ? Qui peut en réclamer la propriété, un peu comme la maladie, qu'on fait sienne à défaut de s'en défaire. Amour et haine n'arrivant pas à se départager mais continuent à se lier et se délier interminablement, inlassablement !

Faire son deuil
Trois mots qui me heurtent;
Comment faire ça.... ?
Faire, agir, poser un acte.. Action qui suppose et entraine une autre action.
Mais laquelle ?
Fabriquer le deuil ? Faire pour accepter de défaire ce qui a été fait, détricoter ce qui a été longuement avec soin élaboré... Faire en sorte que... Ce qui a été n'est plus, ne sera plus jamais
Accepter alors ce qui peut sembler inacceptable ?

Ce qui signifie quoi au juste ? Qu'on s'habitue à la perte, qu'on l'accepte ?
La perte, le renoncement. Accepter que plus rien ne sera comme avant, mais quid de l'avant, car demain ne peut être identique à hier, ou aujourd'hui." On ne se baigne jamais deux fois dans les eaux du même fleuve" disait Héraclite, car si l'eau n'était plus la même l'homme qui s'y baigne à nouveau a lui aussi changé.
L'homme est impermanent, l'existence l'est tout autant.
Chaque jour nous faisons en quelque sorte le deuil -pour reprendre l'expression- du jour précédent, nous en acceptons sa perte pour tenter parfois bien difficilement de vivre le moment présent.
Alors est-ce bien de cela dont il s'agit ? Accepter ce renoncement, se faire une raison afin de poursuivre le chemin. Seul comme Oedipe sur la route ?
Perdu peut-être car le compagnon ou la compagne n'est plus ? Disparue, morte ou partie ce qui est fort différent mais revient finalement au même car celui qui reste est seul, face à son être seul et faire avec sa perte. Faire avec
Vivre avec l'absence. C'est mieux que rien ?
Car l'absence n'est pas rien !
Elle est souvent de trop, le quelque chose qui fait déborder la peine et la transforme en souffrance insidieuse qui ruine le coeur et l'âme
Pourtant dit-on et dit-on encore et toujours il faut faire son deuil, il est temps ! Il faut apprendre à vivre, à re vivre, encore à avancer sur le chemin de cet enfer pavé de bonnes et mauvaises intentions qu'il faut là aussi affronter seul !
Car le problème est là aussi faire le deuil de ça également... Mais au fond ?
N'est-on pas vraiment seul , Cette solitude, cet abandon originaire qui nous tenaille tant et tant qu'il en devient parfois intenable n'est-il pas la toile de fond de l'existence humaine ?
Le sujet humain qui se leurre et s'égare dans l'imposture d'un lien social, tellement tenu qu'il s'effondre et s'effrite au moindre sourcillement ? Pas besoin de tempête pour s'en rendre compte
La solitude n'est-elle pas le propre de l'homme, sa vieille compagne ? Vieille et sinistre maitresse qui exige à chaque fois le sacrifice ultime. Le renoncement ?
Alors de quoi, de qui fait-on vraiment le deuil ?
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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