Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 30 mai 2012

Naître une fille ?

De la difficulté peut-être d'être une fille puis une femme... Parfois !
Une histoire de femmes, il y a très longtemps maintenant... C'est pourquoi je la livre aujourd'hui..
L'histoire de L... Elle !



"Petite j'aimais bien tout ce qui brillait, les bijoux, les dentelles, les volants, les couleurs, tout ce qui "était de mauvais goût" disait ma mère qui elle, n'arborait que des tailleurs gris perle, gorge de pigeon et plein d'autres noms ce couleurs improbables encore
Moi, je ne rêvais que de rose, de jaune, d'orange, de bleus et violets couleurs de créatures renchérissait elle encore !
Créature, ce mot me faisait rêver, j'imaginais les superbes actrices hollywoodiennes, blondes platines ou rousses incendiaires, ces femmes magnifiques aux robes féériques !
Je me rêvais un peu ainsi, voyante, outrancière et tapageuse, à l'inverse de cette mère transparente ou presque qui faisait tout pour qu'on ne la remarque pas, ou pas trop, une belle femme est celle qu'on ne voit pas !
J'imaginais alors comment elle pouvait être belle si personne ne la voyait ?
Pour être belle, je pensais qu' il fallait se montrer, montrer sa beauté quitte à tricher un peu, alors je passais des heures et des heures devant la glace essayant de trouver à ce corps malingre quelque chose de beau !
Je scrutais le miroir à la recherche de ce qui allait faire de moi une créature de rêve !
J'avais beau chercher, dans le genre c'était plutôt raté...
J'étais plutôt ratée, d'ailleurs ma mère, ne manquait pas de désigner mes jambes et mes genoux qui n'étaient guère harmonieux, heureusement que la jupe les cacheront disait-elle soulagée, les genoux, c'est comme les pieds on  ne les montre pas, le comble de l'indécence, juste bon pour les créatures !Encore ces créatures !
C'était décidé quand je serai grande je serai moi aussi une de ces créatures qui montrent leur jambes et leur genoux, qui mettent du rouge sur les ongles de leurs pieds et de leurs mains
Du rimmel sur les cils, et du rouge à lèvres, le comble de l'élégance !
Je me rêvais, j'en rêvais.
Puis, j'ai grandi, mon corps à changé, alors je en sais plus pourquoi je me suis mise à détester ce corps qui de malingre devenait difforme, difforme de formes que je ne connaissais pas, des formes qui me gênaient, me dérangeaient.
Pourtant en y regardant bien, les créatures que détestaient ma mère avaient elles aussi des formes, qu'elles mettaient en valeur dans des décolletés plongeants, des jupes moulantes et colorées...

Mais moi, je n'osais pas, je regardais ce corps, mal fait, et je n'imaginais pas ça. Non, cela ne m'irait pas. Puis je regardais ma mère, dans ses tailleurs bien coupés qui ne montraient rien, et je me disais que peut-être, elle avait raison, ne pas voir, ignorer ces formes là, ses formes et les cacher, ne pas les montrer car c'est laid, indécent, pas convenable !
Il fallait alors gommer, ne pas manger, peut-être qu'elles disparaitraient. Mais je grandissais, rien n'y faisait !
Je ne savais pas vraiment ce qui m'arrivait... Puis je me suis mis à détester les robes, les jupes et les chemisiers, dentelles et volants, je n'en voulais pas , je n'en rêvais plus, je voulais des vêtements difformes, sans vraiment de formes qui puissent cacher mes formes, m'envelopper et me protéger.
Me protéger de mon regard et de tous les regards !
Je voulais oublier qu'elles étaient là, les noyer sous le tissus..
Plus de paillettes ni de bijoux, de rimmel et de rouge... De ces pantalons uniformes  qui finalement ne montrent pas, ne dévoilent pas, je me suis mise à détester tout ça, tout ce qui faisait fille, car je n'osais pas dire femme, J'aurai voulu être un garçon, je n'osais pas dire homme,  faire du vélo, sortir au cinéma, sortir tout court !
Uniforme et unisexe, ni trop, ni trop peu, pas vraiment comme, mais..
Mais voilà, je ne savais plus vraiment, j'avais pourtant un jour de colère coupé mes longs cheveux pour ne plus faire partie du monde des femmes. Femme, féminité ou cette monstruosité dégradante, rien n'y faisait...
Les années passèrent, et je ne savais pas qui j'étais, je ne le sais pas encore tout à fait, même si j'en ai une petite idée, mais venir ici m'aide un peu, du moins, je sais au moins que je suis une femme, et que j'aime ça ! Et je peux en parler, raconter tout ça, cette histoire là, d'une jeune fille folle qui n'osait plus grandir car elle ne reconnaissait pas dans le miroir la petite fille aux genoux cagneux que sa mère moquait ! ... Elle riait.."


Puis un jour, le dernier...Avec un immense sourire !

"Voilà pour vous, parce que je sais que vous saurez quoi en faire et le lirez comme il faut"
Elle me tendit alors un petit paquets précieusement  emballé
"Vous l'ouvrirez chez vous, plus tard" me dit elle encore, en souriant
"Ca vous plaira.".
Nous ne nous revîmes plus L. m'envoya plusieurs cartes postales de ses voyages, pour me dire qu'elle allait bien.
J'ouvris le petit paquet qu'elle m'avait offert, un livre de Simone de Beauvoir, Le livre
Et un petit mot en souvenir de nos rencontres," On ne nait pas femme on le devient", j'avais oublié mais vous m'avez aidé à m'en souvenir, soyez en remerciée "

A L... Que vous soyez remerciée Madame !
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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