Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 20 septembre 2012

L'enfant différent

L'enfant différent ne se voit pas toujours au premier coup d'oeil, son handicap n'est pas toujours apparent, il n'est pas forcément en fauteuil roulant, comme le malade grave...
la maladie, le handicap ne se montrent pas forcément à voir à entendre à l'autre.
La maladie, le handicap se font parfois discrets, tant et tellement qu'ils ne se remarquent pas, qu'ils ne se voient pas, et que cet autre les ignore.
Pourtant !
La maladie, le handicap sont là, discrets mais sournois, présents et encombrants.
L'enfant différent... Il ne se remarque pas, toujours ! Parfois même on ne le croit pas, parfois même on se demande si son handicap, sa maladie sont bien réels, s'il ne simule pas.. Pour ?
Bénéficier de quoi ? Mais quand même, j'ai rencontré des adultes qui se demandaient ça....
L'enfant différent qu'il se remarque ou pas souffre, il souffre de cette différence justement, de cette singularité tellement singulière qu'il aimerait pour une fois, rien qu'une fois, rien que cette fois être pareil, être le même, être identique aux autres à ces autres auxquels ils ne ressemble pas
Car c'est bien de ressemblance, de similitude qu'il s'agit, la différence,le handicap la maladie se loge là, dans ce creux là.
Alors l'enfant différent s'inscrit dans le manque, dans ce manque qu'est la différence, qui elle même devient le handicap, ce plus avec lequel il faut faire, il faut être.
Cela fait des années que je rencontre ces enfants là, que je les accompagne, et leur handicap ne se voit pas forcément, mais leur souffrance, leur douleur, elles crèvent les yeux et le coeur !
Comment rester insensible à ce moins qui fait tant et tant de plus...
Et que dire de leurs parents,de ces adultes qui parfois sont démunis devant ce manque là, ces difficultés là, qui font ce qu'ils peuvent comme ils peuvent, mais qui parfois ont envie de baisser les bras, de laisser tomber, de laisser aller, même s'ils savent qu'ils ne peuvent pas, qu'ils n'en n'ont pas le droit.
Handicap, différence, c'est ce cortège de petits moins, de petits plus qu'ont ces enfants dés leur entrée dans le monde de l'Ecole, un monde pas fait pour eux, du moins tel que ce monde là est fait. Ce qui ne signifie pas, bien au contraire qu'ils n'ont rien à y faire, ce qui veut dire surtout que ce monde là, celui de l'école ne leur ouvre pas ses portes, ne les accueille pas, et parfois même les rejettent les laissent sur le bord de la route, en leur signifiant qu'il n'y a pas de place pour eux !
Ils ne manquent ni de volonté ni d'intelligence, sauf qu'ils raisonnenent autrement, que les mots et les chiffres résonnent d'une autre manière, un peu comme le cancre de Prévert !
Les dys ne se voient pas d'un simple coup d'oeil, elles font souvent l'objet de longues recherches avant objectivations, pendant ce temps ces manques là deviennent le socle de la méprise intenable, du mal entendu qui s'installe entre ces enfants là, soit disant différents et leurs enseignants.
Un terreau fertile que celui là, qui conduit à l'indifférence, l'humiliation parfois, la transparence et cette sorte de violence dont on ne parle que trop peu, ce mépris qui laisse penser qu'ils n'ont pas leur place là, au sein de cette Education qui se veut Nationale, mais qui ne craint pas de laisser ses propres enfants sur le pas de sa porte !
Il faut en effet comprendre l'origine de ces difficultés qui ne s'ancrent pas dans la paresse ou autre "défaut" mais dans un dysfonctionnement cognitif qui constitue un réel handicap et une vraie souffrance, celle d'être différent, car cette singularité est difficile à assumer. Il faut comprendre également la fatigue résultant de l'énergie fournie pour compenser le manque.. Car être dys, diff, est coûteux ! Là aussi.
Il faut aussi comprendre la fatigue des parents, leur lassitude parfois, l'envie de baisser les bras, de laisser tomber, de lâcher prise... Car toutes ces années à tendre le dos, à se faire du souci pour cet enfant qui est le leur et qui est "différent", du souci de cette différence et de ses conséquences pour leur présent et leur futur !
Il faut bien comprendre ça, car tout repose ou presque sur leur fragiles épaules, sur leur foi, leur confiance en eux et en leur enfant... Une confiance qui quoi qu'il arrive doit tenir bon. C'est être là tout le temps, être disponible toujours, prêts à se battre pour contester une décision administrative, veiller à ce que leur enfant ne soit pas abandonné au bord du chemin, laissé pour compte car au fond tout le monde ou presque s'en fout ! Ces enfants différents encombrent, empêchent le système de fonctionner, faussent les statistiques et je ne le répéterai jamais assez remet en cause une très vieille dame qui hélas refuse de faire son autocritique à défaut de son mea culpa.
Les enfants différents ont leur place, celle qu'ils doivent prendre, qu'ils se doivent de prendre au sein de l'Education de notre pays, de l'Ecole s'il appartient aux parents de se battre, il est de notre devoir de les y aider et de les épauler dans ce combat. Nous le devons, nous leur devons.
A eux !
Brigitte Dusch

mardi 11 septembre 2012

Chez soi.

Ce matin là elle avait décidé de me parler, de m'expliquer pourquoi elle voulait rentrer chez elle.

Mme C était là depuis quelques jours, elle était tombée dans son jardin, son voisin avait appelé le médecin qui l'avait fait hospitaliser... Ce n'était pas vraiment grave mais aux dires des infirmières elle perdait la tête, elle était désorientée...Il serait peut-être bon qu'elle ne rentre pas chez elle.
Depuis son hospitalisation elle avait tenté de s'enfuir de l'hôpital, alors le personnel l'avait attaché. "Pour elle" m'avait-on précisé, car elle pourrait se faire mal !
Puis d'ajouter," vous comprenez nous ne sommes pas assez nombreuses, s'il faut surveiller tous ces vieux qui veulent retourner chez eux !"
Non, à vrai dire je ne comprends pas, je ne suis pas là pour comprendre ça, ces doléances là ne me concernent pas vraiment. Ce n'est pas à moi qu'il faut expliquer ça !
Elles le savent pourtant que je ne suis pas de leur côté sur "ce coup là"...

Alors elle veut me parler, sans doute pense t-elle que je pourrai être une alliée ? Il y a, m'avait-elle dit la semaine dernière des alliés et des ennemis, comme pendant la guerre qu'elle avait traversé. D'ailleurs elle était en guerre.
En guerre contre tous ceux qui pensaient à sa place, que ceci ou cela serait bien pour elle. "comme s'ils savaient eux ce qui est bien pour moi...Les imbéciles, que peuvent-ils bien savoir de moi ? " soupirait-elle assise dans son fauteuil, affaiblie mais n'ayant rien perdu ni de sa prestance ni de son humour parfois cynique.

Mme C ne demandait rien à personne, elle ne voulait rien de personne. Elle vivait tranquillement chez elle, dans sa maison, quelques aides passaient pour l'aider à faire le ménage, mais elle les supportait mal. Elle en avait assez de ces "étrangères" qui venaient lui dire que et quand manger !
Je mange quand j'ai faim, et ce que j'ai envie.
Ses voisins lui faisaient quelques courses car elle avait de plus en plus de difficultés à se rendre dans les magasins. Elle passait ses journées dans son jardin et sa maison, regardait la télé, faisait des mots croisés, tricotait, lisait, ou ne faisait rien. Après tout "j'en ai suffisamment fait toute ma vie".

Elle ne voulait recevoir personne, toute intrusion troublait son intimité, son rythme, sa vie. Bouleversait son quotidien. Faisait du bruit. Cette "invasion" disait-elle la dérangeait et l'empêchait de penser, de rêver, de se souvenir...
Elle se levait lorsque le jour traversait ses volets. Comme elle ne pouvait plus monter facilement dans sa chambre, elle s'était installée dans son salon, sur sa banquette, pas loin de la cuisine, elle pouvait dit-elle voir la télé de son lit.
Le médecin passait de temps en temps renouveller les ordonnances et s'indignait qu'elle soit encore chez elle, alors qu'elle avait largement les moyens de s'offrir une place dans la meilleure des maisons de retraite
"Le meilleur des mouroirs reste quand même un mouroir !" assénait-elle !" Jamais, je veux mourir chez moi, dans cette maison dont je connais chaque mur et chaque pierre, je suis née ici et mourrai ici."

Elle tenait avant tout à sa liberté, manger et dormir quand elle le voulait, lire le journal et voir ses voisins, un peu moins vieux et un peu plus valides.
Cette fois elle était tombée et n'avait pu se relever, le voisin n'avait pas pu faire autrement ! Elle sourit :"dites lui que je comprends".
Elle m'assure ensuite qu'elle ne perd pas la mémoire, qu'elle va bien et me raconte sa vie passée avec souci de détails. Elle ne se souvient plus très bien de l'âge de ses enfants, mais n'a pas oublié sa dernière année de lycée.
Ses enfants ! Elle n'a aucune envie de les voir, ils ont leur vie elle a la sienne, et c'est bien différent tout ça. Elle les aime, elle sait qu'ils vont bien et c'est le principal, ils n'ont plus vraiment besoin d'elle, et elle n'a pas besoin d'eux.
Elle refuse d'aller chez eux, même pour une simple visite, elle n'est pas dans son univers, se sent déplacée, intruse elle aussi et mal à l'aise. Elle n'a plus ses habitudes "là bas je suis vraiment perdue, vous comprenez". Elle a peur de déranger, de ne pas être à sa place...
Elle m'explique aussi, que là bas chez eux, c'est comme si elle retombait en enfance, ils me prennent "pour une gâteuse" je suis quand" même leur mère, et c'est encore moi qui décide."
"Ce n'est pas bon ça que les parents soient chez leurs enfants... Avant c'était le contraire, maintenant tout fiche le camp et ça avec."

"Vous allez me laisser rentrer chez moi ?"...
Je ne détiens pas ce pouvoir (ni aucun autre du reste) et le lui dit....
Mais qui peut décider de garder quelqu'un contre son gré. Il lui faut néamnoins être sûre que son état de santé soit bon.
"Je ne suis pas malade, je suis vieille, alors j'entends moins bien, je vois moins bien, je fais tout moins bien... mais je ne suis pas malade, sauf si la vieillesse est une maladie"'
La vieillesse en serait-elle une ? A t-on fait de ce processus naturel une pathologie qu'il faut encadrer, diagnostiquer, mais qu'on sait incurable ? Comme la maternité ?
Ainsi la naissance et la mort sont de nos jours médicalisées, on ne nait plus chez soi...On nait et meurt dans des salles aseptisées, neutres et hostiles... Loin des siens, loin de tout. Seul déja du début à la fin ?

Mme C retournera chez elle pour y vivre et y mourir dit-elle, car tout le monde meurt, les fleurs fanent et refleurissent l'année suivante."Mais nous non, quand c'est fini c'est fini".

A J.C

lundi 3 septembre 2012

Dire non

Aimer ce n'est pas tout permettre !
Dire non. Pouvoir, savoir et oser dire non, stop.
Mettre des limites, un cadre, définir une zone qu'il ne faut pas dépasser, transgresser.
Il y a quelques jours j'écrivais ces quelques lignes sur un réseau social à propos de l'indignation suscitée par des lois qui risqueraient de venir trop permissives.
Permettre ! Laisser faire... Sans réprimer, sans rien dire, sans punir !
Punir ! Voilà un mot qui fait peur, qui fait fuir et qui suscite à lui tout seul bon nombre de réactions.
Mais avant de punir il convient peut-être d'expliquer et d'interdire.
D'expliquer la nécessité d'interdire. L'interdit garant des libertés et de la liberté.
D'expliquer ensuite pourquoi la punition, dernier jalon, dernière réponse à la transgression de l'interdit.

La société qui est nôtre repose sur l'Interdit, sur les interdits fondamentaux qu'il convient de ne pas transgresser afin de ne pas sortir de l'humanité.
L'humanité, celle là même où nous tentons tant bien que mal de subsister, au sein de laquelle nous nous efforçons d'évoluer. Car ce pas n'est pas définitif, loin de là, il se remet en jeu en permanence, chaque jour ! On advient à l'Humanité chaque matin...à chaque instant !
Et ce n'est pas rien.
Ainsi, aimer n'est pas tout permettre, dire oui tout le temps, satisfaire désir et envie, donner raison, faire plaisir pour ne pas décevoir.
L'éducation est avant tout et surtout affaire de dire non ! Dire non.
Et c'est là que ça coince, car dire non, c'est renoncer, c'est "ne pas être gentil" comme disent les enfants à qui les parents interdisent ou refusent. C'est se heurter à '"tu ne m'aimes pas" ou pire peut-être "je ne t'aime plus car tu dis non"...

Refuser n'est pas chose simple, c'est faire preuve de courage. "Non je ne veux pas, non tu ne peux pas, non c'est impossible".
C'est introduire la frustration.
Dire non est un acte d'amour puisqu'il conduit justement à poser ces limites essentielles au développement de tout enfant au risque de lui déplaire. Dire non c'est aussi le conduire, l'aider, l'accompagner sur le difficile chemin de l'autonomie, sur le devenir adulte.
Dire non suppose beaucoup d'amour, de renoncement, de compréhension et de tolérance.
C'est aussi transmettre ce message là, d'amour, de renoncement, de compréhension et de tolérance.
Apprendre à renoncer, à ne pas tout obtenir ni tout de suite ni parfois jamais.
Savoir que tout n'est pas possible.
Dire non et ne pas tout permettre, dire non et laisser aller, laisser faire pour laisser être.
Ce dire non ne doit pas être absurde, intransigeant et comporte dans tous les cas une explication.
Le "ce n'est pas possible" n'est pas une injonction totalitaire, loin s'en faut, car si tout est possible le monde sombre dans le chaos, ou dans la parole d'un seul, ce qui revient pratiquement au même.
Partout il y a des règles, même les jeux en possèdent !
Notre société est une société régie par la loi, la loi des hommes, celle là même qu'ils ont instituée pour vivre ensemble, pour tenter de vivre au mieux, ce qui est loin d'être gagné ! Pourtant tous les jours ces lois sont transgressées et bafouées parfois même par ceux qui les ont mis en place, et qui ne s'en dispensent, ne se croyant pas concernées...
Le non nécessaire pour apprendre à vivre ensemble, construire et habiter le lien social, se respecter et respecter les autres... Une utopie ?


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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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