Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 23 août 2012

L'anamour maternel

L'amour maternel... souvent évoqué et invoqué, glorifié, loué.Il va de soi. Cela va de soi.
Un amour souvent décrit et considéré comme inconditionnel, instinctuel, voire pulsionnel. Une norme sociale. L'amour par excellence !
Il semble ainsi naturel que toute mère aime son enfant, qu'elle doit l'aimer, que c'est dans le cours, la norme des choses, que cet amour s'inscrit dans l'ordre naturel de l'humanité. Humanité dont nous sommes.
Ne dit-on pas d'ailleurs d'une mère qui n'aime pas son enfant qu'elle est "dénaturée" la plaçant ainsi hors la nature, en marge de l'ordre qui prévaut même à la civilisation ?
Je ne parlerai pas ici des mères coupables de crimes, de meurtres de leur enfant, de leur nouveau né, de sévices envers leur progéniture, mais de celles coupables quand même d'un autre crime, et pas des moindres,  un crime du quotidien dont l'actualité ne parle pas, ou peu, celui  qui meurtrit à tout jamais le coeur et l'âme de celui qui en a été la victime : Le crime de de ne pas aimer son enfant.
Coupable de ? Est-ton coupable de ne pas aimer ?
Une mère doit elle, se doit elle d'aimer son enfant, et si elle ne le peut pas pourquoi ?
l'anamour, le manque d'amour, l'impossibilité d'amour....
L'amour ? Aimer.
Ne pas aimer, l'anamour, l'anamour maternel, cette privation là qui fait blessure, coupure dans le réel du sujet. Sujet qui doit vivre avec ce manque, avec ce moins...
Puis qui vient tenter de comprendre parfois sur le chemin de l'analyse l'origine de cette blessure qu'il traine comme une langueur, comme une infinie tristesse qu'aucune réussite, aucun amour ne pourra combler,en venir à bout.
A l'origine était la mère, au commencement le regard de la mère
Un regard bienveillant, maternel, maternant, aimant, un regard qui fait de l'enfant, son enfant, être unique au monde, sujet singulier advenant à l'humanité, venant au monde, naissant à la famille, fils ou fille de... Son père et de sa mère
Mais à l'origine était la mère, était cet amour là.
Sauf qu'à l'origine cet amour là, ne fut pas, ne fut jamais.
J'ai souvent entendu ce manque là, cette souffrance là, ce mal là, le mal de mère, le silence de la mer, ou les mots qui tuent, ceux là même qui refusent le regard, qui refuse de reconnaitre, de connaitre
Tu n'existes pas parce que je ne te regarde pas, ce qui t'arrive alors ne me regarde pas.
Débrouille toi.
Des histoires d'histoires, mal commencées et jamais finies, non pas un abandon, celui ci aurait peut-être disent certains infiniment plus simples, aurait "arrangé les choses", non, mais un anamour au quotidien, absence de regard, d'égards et de mots aimants, d'amour tout simplement !
Ce n'est pas grand chose, pourtant que le regard !
j'ai souvent entendu au travers des larmes, des sanglots et des silences ces histoires de cet anamour là.
Raisons y a t-il ? Celles ci sont-elles nécessaires, ou essentielles, existent-ils des conditions entre ces deux là : la mère et son enfant.
Il n'appartient à personne et surtout pas à moi, de juger, mais de tenter peut-être de comprendre, non le pourquoi, car cela qui sait ? Qui le sait vraiment au fond ? ni le comment, mais ce qu'il en advient
Il n'y a pas de remède, on ne force quiconque à l'amour, les filtres sont alors un mythe qui rassurent peut-être. L'amour est ou n'est pas, il advient ou pas...
Qui est vraiment coupable, La mère coupable de ne pas éprouver d'amour, d'amour pour cet être qu'elle a porté et mis au monde parfois dans la culpabilité et la souffrance ?
La mère incapable d'éprouver de l'amour car elle aussi en manque de cet amour là, un amour qui lui a fait défaut ? Nous n'épiloguerons pas nous ne savons pas? Nous n'en savons rien
L'anamour maternel presque toujours présenté comme une anomalie de la nature, une abomination, une monstruosité, qu'il conviendrait presque de punir, car cela fait peur !
Cet anamour là terrifie, renvoie à l'impensable et l'insoutenable, cette absence d'amour pour un être qui doit être forcément aimé par la femme qui la mise au monde....
Anamour versus de l'amour ? Les deux sont-ils complémentaires et inséparables ? L'anamour ne se parle pas, ne se dit pas, il n'est pas. Il n'a pas.
Etre et avoir ne feraient alors qu'un ? Ne pas être pour ne pas avoir, ne pas être pour ne pas avoir à aimer, ne pas aimer pour ne pas être ?
Etre au monde et n'avoir pas su naitre... Donner ou infliger une vie que personne n'a vraiment désirée ?
Anamour ?

mercredi 8 août 2012

Prendre Langue

Hier dans la soirée je regardais l'émission d'Arte consacrée à la littérature israélienne, une occasion pour moi de découvrir des auteurs inconnus, d'explorer d'autres mondes littéraires de nouveaux auteurs. Passionnée de littérature étrangère je ne rate jamais aucune émission de ce genre...
Pourtant ce n'est pas la littérature en elle même qui m'a interpellée, mais plutôt la langue. La question de la langue.
J'ai écouté attentivement Aharon Appelfeld parler de la langue et de son identité, comment cet homme qui avait survécu à l'Holocauste se vivait dans le pays qui était à présent le sien, où il vivait depuis plus de 60 ans : Israel.
Il évoquait son mutisme, cet arrêt de la langue, des mots qui ne voulaient, ne pouvaient plus sortir après le traumatisme de la mort de sa mère, de l'arrestation de son père, de sa fuite pour rejoindre les forêts de Roumanie et sa vie parmi les bandits... Il ne pouvait dire, mettre des mots, sans risquer sa vie, parler, dire était se condamner à mort, les mots qui tuent ! Seul le silence pouvait le garder en vie ! Envie de silence, sans mot dire, pour ne pas être maudit. Les mots de la mise à mort.

Il parlait de ce silence, de ce désir de vivre qui ne pouvait être et passer par et seulement par l'absence de langage ! A l'encontre de tout, de cette langue qui lie, qui fait lien, qui fait lien social.
Lien social ? Un lien social défait, qui ne tient plus qu'à un fil, celui de la langue et de la bouche qu'il ferme qu'il scelle du sceau de l'alliance...Celle de ?
Une langue perdue, enfouie, tapie au plus profond de son être, une langue qu'il n'arrivait plus à mettre au monde une fois le danger passé, là dans ce lieu et cet espace où les mots devaient être posés pour dire et expliquer; Plus de mot. Des mots qui ne viennent plus, qui ne s'ordonnent plus, qui restent coincés au fond de la gorge, qui ne peuvent franchir la bouche, les lèvres, pour aller au dehors. Au dehors des limites de soi.
Les mots de l'intérieur ne pouvant être mis au dehors.
Il explique ensuite pudiquement le conflit intérieur, celui de l'Heimatsprache, la langue de la mère, celle même de ses bourreaux, comment dire sa douleur avec les mots des assassins ?
Un conflit terrible et terrifiant que celui là. Une langue que beaucoup se sont alors interdit de parler, qu'ils ne pouvaient plus parler, comment dire sa souffrance avec les mots de ceux qui les ont conduits à la mort ? Comment ?

Une histoire de langue encore ! D'identité, Toujours :  D'être au monde, d'accoucher encore à ce monde dans une douleur inouïe, puis vivre, vivre avec tout ça.
La langue encore !
Aharon Appelfeld raconte les langues, toutes celles qui venant de partout résonnaient dans ce pays si vieux mais si neuf ! Les langues de tous ceux qui sont arrivés là avec pour seul bagage la langue de ceux qu'ils veulent oublier, qu'ils quittent pour tout recommencer.

C'est alors que le miracle encore une fois opère... Et la langue, celle d'un peuple oubliée, langue de quelques initiés, langue oubliée comprise uniquement par quelques uns renait alors de ses cendres pour unir, pour réunir un peuple dispersé et meurtri qui dans une force ultime est venue là chercher l'avenir et l'espoir ! Est venu par là rechercher la Langue. Est venu prendre Langue
La langue !
Trait d'union... Trait qui surgit pour unir, réunir ceux là mêmes qui éparpillés au delà des terres et des mers, sont revenus après des siècles d'errance.
La langue a bien été ce trait d'union entre les enfants d'une même mère ! Ces frères venus des quatre coins du monde pour retrouver enfin leur âme. Renouer avec le passé pour construire l'avenir !

Parler enfin la même langue, celle du Livre mais celle aussi de la Vie, du Livre de la Vie
Miracle ? Ou seulement volonté des hommes, celles de construire, de bâtir, de se relever pour exister encore ! Etre au monde toujours.
C'est aussi ainsi que le concept de langue maternelle prend ici tout son sens, sa valeur, sa vraie valeur,celle de la langue mise au monde après une longue gestation dans la matrice, Une histoire de femmes encore en quelques sorte, la langue de la Mère, celle de la Matrie !
Filiation divine mais aussi et terrestre à la fois, cette langue de la Mère, de la Terre Mère donnée et transmise pas la seule mère...
La langue.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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