Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 31 décembre 2012

Causes perdues ; histoire d'un Zek

Ce jour là je ne l'attends pas c'est lui qui m'attend, comme les matins où quelque chose de grave est arrivé. La veille, la nuit.
Il est là, ils sont là devant la porte fermée.. Ils attendent mon arrivée et s'engouffrent dans la petite pièce, ils  m'expliquent qu'il faut que je fasse quelque chose, absolument...
Ce matin là, il m'attend mais n'attend rien de moi
Il est venu me dire au revoir.
Il est venu me dire qu'il part... Pour combien de temps ? Il ne sait pas
Aujourd'hui il est grave...
Il part à la guerre, m'explique t-il, il parle doucement, lentement, pour que je comprenne bien, les mots pourtant se mélangent, français, allemand russe..
Mais nous nous comprenons, c'est l'essentiel
Il sort des papiers, me les montrent.. Me dit qu'il part là bas, qu'il y a une guerre à faire, encore une et que son métier, c'est ça...
Il me l'avait dit déjà...
Cette fois c'est définitif, il s'en va.. Au loin.
Mais il reviendra, il revient toujours..  "Sibérie" me dit-il !
Nous buvons un café, ses amis attendent un peu plus loin.
Il sort de sa poche une photo, celle du temps où dit-il en riant il était zek.
Mama dit il.. Il me montre une vieille femme... Et me montre le chat
Il m'explique alors que sa mère, venue là sans doute pour le suivre dans cette contrée lointaine et froide, n'en n'est jamais partie, elle est restée.. Pour lui..
Elle donne du lait au chat..Il m'explique.
Il sait que j'aime les chats, nous en avons parlé déjà... Et il est heureux de me montrer ça..
L'image du bonheur... Le sien, les siens
Nous nous sommes vus souvent, quelques temps, un long temps.
Il venait pour parler, raconter, dire, mettre des mots, des mots colorés, rythmés, je l'écoutais.
Une histoire, la sienne, qu'il voulait raconter, la violence, souvent.
Il protégeait les siens, ceux qui ne savaient pas se battre. Survivre, dans le froid hostile et rude il savait trouver les refuges, les endroits, la chaleur, l'humanité aussi.
Violence, sourire, cris, rires ! Il parlait fort et souvent faisait peur. Je me souviens de ce collègue qu'il manqua d'étrangler car il voulait lui faire une injection avant de le soigner...Pour qu'il ait moins mal...
Mal !
Il est venu me dire au revoir, il ne pouvait pas partir sans me dire au revoir...
C'était comme ça..
Il partait se battre, pour qui ? Pour quoi ? Peu importe la guerre...
Il enverrait des sous à sa mère, comme les mandats qu'il adressait déjà... Il me montrait les reçus..
Des adieux difficiles...
Des larmes
Il me serra dans ses bras... me serra très fort, me remercia...

Je ne l'oublierai pas, jamais....
Peu avant mon départ, quelques années plus tard,  un compatriote me donna de ses nouvelles...Il me donnait le bonjour, voulait venir me voir.. Il avait donné mon adresse, il savait que j'étais là, encore,  même si ce n'était plus au même endroit
Il était revenu et attendait à nouveau de partir encore... De repartir encore pour une contrée lointaine
Pour une cause perdue..
A Guennadi... Aux autres..

vendredi 14 décembre 2012

Le non de l'enfant.

Samedi en revenant de la bibliothèque j'assistais à une curieuse scène
Comme toujours lorsque je veux éviter le centre ville je passe par les petites rues de la vieille ville, ruelles sombres mais somme toute très sympathiques.
C'est alors que je vois une petite fille seule au milieu de la placette qui mène directement aux rues piétonnes de la ville. Plus loin à l'entrée d'une ruelle, des adultes qui la regardent et s'éloignent. Un de ces adultes lui lance "tu devrais venir, sinon un méchant monsieur va venir te prendre"
La fillette ne bronche pas, puis elle continue à s'éloigner.
"Il va te prendre et te faire du mal si tu ne viens pas.." poursuivent les grands tout en s'éloignant.
J'avance et je dépasse à la sortie des ruelles une femme tenant à la main une poussette vide... Fumant une cigarette.
Je ne connais pas la suite de l'histoire, ne sait s'ils sont allés la chercher ou si la fillette les a rejoint.
Ce n'est pas là que ce situe le questionnement, encore que... !
Et ce n'est finalement pas l'issue de la scène qui m'a interpellée.
Voilà une fillette qui décide d'aller vers des rues animées, bruyantes, éclairées, où les piétons se promènent ...Où il y a du monde, le monde. Puis des adultes qui préfèrent prendre un raccourci éviter ce bruit, ou voir simplement des ruelles d'une vieille ville, trouver un peu de fraîcheur...?
Deux décisions, deux actes posés. Une fillette qui manifeste son opposition, son désir d'ailleurs, de curiosité peut-être, désir d'explorer ce qui est vivant, l'endroit où il y a de la lumière,des gens, du bruit, un endroit animé... Une fillette qui dit non.
Des adultes qui pour faire revenir cette enfant "dans le droit chemin" le plus court peut-être lui oppose une menace, terrifiante. Celle de ce "méchant monsieur qui va venir la prendre pour lui faire du mal"
mettant en mots des fantasmes, des peurs... mettant en scène les terribles faits divers que les journaux nous servent chaque jour... Mettant en scène un réel possible.
Mais ?
Est-ce vraiment le message ?
Que voulaient-ils dire ? Lui dire ?
Ecoute tes parents, écoute l'adulte, tu dois lui obéir... ?
Alors pourquoi cette menace ?
Pourquoi ne pas expliquer clairement les choses à une fillette qui visiblement ne voulait pas les suivre ?
Quel est le rôle de l'adulte ? Alors
Pourquoi avoir lâché la main de cette enfant ? Ce "'laisser faire" constituant ici un "laisser aller" pour justement découvrir et explorer n'est-il pas non plus une possibilité de non, de poser un acte différent, de faire un choix ?
L'enfant doit faire des choix, et par là s'opposer à l'injonction parentale. La transgresser... Mais quand et comment ?
C'est tout le problème du non, de ce non que l'enfant se doit d'opposer pour marquer sa singularité, sa différence, son être autre, qui n'est plus en symbiose avec le parent, l'adulte.
L'enfant se détache pour vivre sa vie, découvrir, explorer... Mais comment doit-il le faire, comment peut-il le faire ? Sans les yeux, sans le regard de cet adulte ?
Sous le regard de cet adulte qui se doit de laisser faire, tout en gardant "un oeil" sur ce laisser aller, ce laisser faire, qu'il se doit de laisser transgresser afin que l'enfant puisse accéder à une progressive autonomie, puisse partir à la conquête de son "moi" ?
Aller explorer d'autres territoires, découvrir d'autres lieux, sachant qu'il existe et qu'il y a le lieu sècure où nous attend l'adulte tout aussi sècure. Ulysse a fait un beau voyage...
Mais comme nous le savons tous il fut très heureux de retrouver sa maison !
L'adulte se doit d'encourager l'enfant de le laisser aller, tout en étant à ses côtés, il se doit tout autant de l'avertir des dangers de tous ces territoires inconnus, car l'inexploré peut-être hostile, mais pas de l'en effrayer, de l'en décourager, de le menacer des pires scénarios. Comment l'enfant alors, curieux et avide d'expériences pourra t-il explorer le monde qui l'entoure ? Comment pourra t-il avoir confiance, en lui et en les autres ?
Il ne s'agit pas de laisser l'enfant aller, faire, sans surveillance, au contraire, et c'est là que tout est complexe, difficile voir presque impossible. Laisser sans tout permettre, laisser aller sans tout abandonner. Car c'est bien de perte encore dont il est question dans cette histoire
Qui s'avance sur un territoire étranger s'il découvre perd aussi, fait le deuil, le deuil d'une méconnaissance pour accueillir un savoir et une expérience. Deuil aussi pour le parent, d'un enfant qui se détache qui s'éloigne et qui dit non, Qui affirme sa singularité, et sa vie propre !
Cette histoire m'a interpellée vivement, l'attitude détachée et la menace de ses adultes ne sachant ocomment faire obéir leur enfantN'osant dire non,  et n'ayant pas trouvé d'autre solution que de la mettre en garde contre un éventuel autre, "méchant,qui lui ferait du mal".. Evoquant alors le danger et aéglement leur impossibiltié à l'en protéger... Ne sachant pas comment construire ce cadre de confiance, éducatif,ni mettre les limites nécessaires à chacuen des parties pour que la relation puisse s'y construire et s'y épanouir, ce fameux cadre sécure.
Nous savons le mot de Freud, lorsqu'il répondit à une mère désireuse de bien éduquer son enfant :
" Faites comme vous voudrez : de toute façon vous ferez mal"
Est ce encore vrai ? Ne pouvons nous pas tenter de faire "good enough" ? seulement.


samedi 8 décembre 2012

Soin de soi.

Prendre soin de soi.
Prenez soin de vous, prends soin de toi !
Une phrase qui ponctue une conversation, qui la termine, mais qui devient parfois une injonction;
Prendre soin de soi...
L'un à l'autre, l'un et l'autre dans la relation, de bienveillance, de souci, d'interrogation.. L'un pour l'autre.
Prends soin de toi !
Expression devenue courante.
Galvaudée parfois comme tant et tant de mots, verbes, expressions...
Sans qu'on sache ce que ça signifie vraiment, ce que l'autre veut dire, sans que celui qui l'entend et le dit en saisisse tout le sens, toute l'essence.
Le sens ?
Prendre soin de soi.
Soin... voilà un mot qui a lui tout seul fait encore couler beaucoup d'encre, impliquant la maladie, le mal aise qui réclame un acte précis, déterminé : le soin, qui nécessite d'être soigné pour aller, être, faire mieux
Une sorte d'exhortation à aller mieux, ne pas aller mal ?
Mais pourquoi ? Pourquoi demander à l'autre de se prendre lui même en charge ?
Quid de cette prescription là ?
Faut-il simplement que cet autre là soit simplement gentil avec lui même et j'insiste sur le pronom réfléchi qui prend ici toute sa valeur symbolique, cet "himself "!
Gentil ? Bienveillant ? Chaleureux ? Amical ? Aimant...
Aimant nous y voilà peut-être...
Car il y a de l'amour la dessous, l'amour de l'autre qui passe par l'amour de lui même, et par conséquent et projectivement peut-être aussi de soi même
Ne faut-il pas s'aimer juste un petit peu soi même  pour être en capacité d'aimer juste un petit peu aussi l'autre ? Celui là même à qui on demande de prendre soin de lui...
Une amour "suffisamment bon" ? "'Good enough" ? Encore ?
Parce que quoi ? Nous ne pouvons pas prendre soin de lui ? Tout entier ? Il faut qu'il y mette un peu du sien pour que ça prenne ? Il faut qu'il prenne un peu le temps de regarder, de regarder sa vie, et son self, son je .. Qu'il apprenne à l'aimer et à le trouver beau.
Qu'il prenne soin, qu'il enveloppe son "Je" d'un hâlo de douceur, de gentillesse, de tendresse et d'amour
Qu'il prenne soin de ce je comme et en même temps qu'il prend soin de son corps, cette enveloppe montrée à voir à l'autre sous le plus beau jour qui soit.
Montré à voir, car de cela aussi il est question. L'image donnée, offerte au regard de cet autre...
Quelle image ? Quelle image donnée, quelle image veut-on, doit-on donner ?

Ainsi ce temps pris chaque jour au soin de soi... Ce temps pour se vêtir, s'apprêter, passé au choix de la couleur de l'habit qui fait celui que nous serons ce jour là, le maquillage, la coiffure, toute cette mise en scène destinée à produire une image soumise au regard de l'autre, qui renvoie en miroir une image aimable ou détestable ? Est-ce bien de cela dont il s'agit ?
Ce montré à voir, ce je extérieur, cette carapace, ce costume endossé pour le rôle? A jouer ? A mettre en actes pour la journée où il sera peut-être mis en pièces ?

Ou est-ce autre chose ?
Un autre chose plus intime ? Plus secret ?
Un lieu infime où se joue la rencontre de je avec soi ?
Une invitation alors pour cette rencontre ? Ce rendez-vous  singulier ?
Peut-être...
Comme toute expression devenue 'fourre tout" on peut y mettre ce qu'on veut, répétée à tort et à travers elle perd son sens et sa puissance. Et pourtant si on y prend garde le poids des mots nous enseigne
Pour prendre soin de soi, au pied de la lettre peut-il faut-il aussi s'écouter, prendre ce temps là. S'écouter vivre, aimer, souffrir, rire, prendre conscience de son existence, de sa vie, de son souffle.. Avoir envie d'être, mais être en vie.
Se sentir vivant, aimable et fragile, fort et aimant.
Poser un regard bienveillant sur ce "Je" qui parfois est en souffrance, n'en peut plus de toutes les injonctions auxquelles il doit non seulement répondre mais aussi et surtout se conformer pour être, exister et faire partie de ce lien social, espace devenu étriqué et sans concession.
Sujet tiraillé, toujours aux prises avec une singularité devant trouver sa place au sein de la Cité, sans trop y laisser de plumes, sans trop lui concéder, tout en gardant son âme !
Déchirement, renoncement... Un prix parfois fort à payer !
Alors il faut prendre soin de soi... Prendre soin à ne pas trop perdre, laisser un peu trop de soi pour ?
Mais pour quoi ?
"Prends soin de toi" Cela peut-être tout ou presque, banalité, politesse, injonction, invitation, prescription, bienveillance, compassion, empathie, sympathie...
A nous seul appartient ce choix.

dimanche 25 novembre 2012

L'enfant qui part

Son dernier enfant vient de partir, il vient de quitter le nid.
Cette fois, ce départ, cette perte lui semble insurmontable
Pourtant ce n'est pas la première fois qu'un enfant s'en va, qu'il quitte la maison pour partir, pas si loin, mais trop loin quand même
Elle ne sait plus trop où elle en est, elle se sent seule, elle n'a plus personne à attendre, à qui préparer les repas.
Pourtant ce dernier enfant, ce tout petit qui a grandi est encore là un peu, il n'est pas parti vraiment.
Elle sait pourtant que ce départ, ce départ à demi est le premier pas vers le Départ, le vrai cette fois, celui où il n'y aura presque plus de retour, ou alors seulement quelques jours, par çi par là, une visite, des vacances... Mais un départ !
Elle savait pourtant, elle s'était préparé, ce n'est pas la première fois, mais il restait encore trois enfants, puis deux, puis un. maintenant il n'y a plus d'enfant, plus d'ado, plus de cris, plus de bruit, plus de musique, plus de rien...Puisque maintenant il n'y a plus rien.
la maison est triste, vide, elle dort, en sommeil...
Elle se demande pourquoi se lever, le matin, il n'y a plus de petit déjeuner à préparer, plus de linge à laver, repasser, plus de livres, cd, magazines à ranger. Il n'y a plus rien à faire. Plus rien.
Elle vit alors dans l'attente, celle de cette fin de semaine, où l'enfant, les enfants aussi parfois sera là, reviendra, où les mots, les rires résonneront dans la maison !
Elle attend !
Elle se demande si cette attente est bien raisonnable, elle sait bien que non, mais c'est comme ça, plus fort qu'elle !
Non qu'elle était davantage attachée à cet enfant là, mais elle n'était pas seule, sa vie, sa présence à la maison avait encore un sens, une utilité
Elle parle alors de ce vide, de ce gouffre et de ce rien qui l'entourent, qui la cernent et paradoxalement l'étouffent, l'enserrent et l'angoissent.
La tenaillent...Cette peur du vide, ce vertige qui l'entraine elle ne sait où
L'inconnu, étrange et dangereux...
Elle sait que tout ça est "fou" dit-elle, mais c'est "comme ça .. C'est pour ça que c'est fou"
Son dernier enfant vient de partir, pour pas très loin, quelques dizaines de km les séparent, elle est heureuse, puisqu'il l'est, puisqu'il construit sa vie, son avenir, il a quitté la maison, comme son frère, et ses soeurs, pour étudier, apprendre, vivre
Elle n'a jamais considéré que ses enfants lui appartenaient, qu'ils étaient les siens, elle les a toujours laissé aller, découvrir, le monde, les autres, partir..
Mais elle se sent dèsespérement seule abandonnée presque à elle même et à cette solitude qu'au fond delle même elle redoute plus que tout !
Ce face à face avec elle même, avec son être seul lui semble terrible, presque insurmontable
Elle n'est pas oisive loin de là, ses journées sont remplies, mais c'est autre chose, indicible, imperceptible aux autres, mais une douleur intérieure qui la terrasse et l'empêche presque de réagir..
Un peu comme si elle n'avait rien à se dire, ou peut-être parce qu'elle a trop à se dire, et c'est ce trop là qui lui fait peur, dont elle ne veut pas vraiment, mais qui arrive et revient tel un boomerang.
Ce trop qu'elle a mis à distance pendant ces années, où elle n'était pas seule, vraiment. Un trop mis de côté auquel elle ne peut maintenant plus échapper, même avec des faux semblant
Ce remplissage du temps ne la comble plus ni ne comble plus ce manque
Ce terrible manque d'enfant...
Parti maintenant et la laissant seule, face à elle, face à ce manque en elle qui est là, la tient et la tenaille et qu'il va lui falloir enfin, malgré tout, affronter.
Affronter l'inconnu, l'imprévisible aussi, ou le rien ? Elle ne sait pas trop. Tenter de ne plus vivre dans l'espoir, et l'attente, celle du retour.
Affronter ce temps qui arrive, qui advient. Ce temps présent, sans regarder en arrière et se projeter en avant. Le moment présent. Qui est, fugace et soudain mais qui est là et s'impose.
S'affronter finalement, penser, "vivre pour moi".... "Ca ne je sais pas faire ça !"
Mais qui le sait, le sait-on vraiment ?

mercredi 21 novembre 2012

Lettre d'un soldat à un gazaoui

Lettre d'un homme à un autre homme.

C'est un lien vers un texte que je vous propose aujourd'hui d'explorer.

/http://streetisrael.com/lettre-a-un-gazaoui-je-suis-le-soldat-qui-a-dormi-chez-vous/

Un texte que je n'ai pas écrit, mais dont la lecture m'a profondément émue, bouleversée.
Ce sont les mots d'un soldat. Pas un soldat de métier, mais un réserviste, une simple personne, comme vous et moi, à la différence que cet homme là a du prendre les armes pour défendre son pays.
Car son pays est en guerre.
Nous avons bien du mal à imaginer ça. Nous. Ici. La guerre !
Qu'en savons nous vraiment ? La plupart d'entre nous avons la chance de vivre dans un pays en paix (encore que, nous ne sommes pas dupes cette paix n'est que relative), et de la guerre, nous ne voyons que les images de la télévision, des médias, des films de guerre, réels ou de fiction.
Alors ce n'est pas simple j'en conviens d'imaginer ça, de prendre seulement quelques minutes pour  se représenter la vie sous les bombes, sirènes, alertes, roquettes, explosions, attentats, véhicules piégés. Un bruit permanent, un ciel obscurci par la fumée, la peur, la crainte pour soi, ses proches...
Se demander comment sera tout à l'heure ? Demain ? Conduire ses enfants à l'école la peur au ventre. La peur ? L'angoisse... Et pourtant il faut continuer à vivre (si on peut appeler ça vivre pour reprendre les termes de mon amie Igaella)
Non ici ce n'est pas ça, quand la sirène retentit chaque premier mercredi du mois c'est pour vérifier si elle fonctionne bien.
Quand les alarmes sonnent dans les établissements scolaires c'est pour faire faire "un exercice" aux enfants, en cas d'incendie... Un jeu ou presque.
En France comme le soulignait mon fils, les tables des écoliers ne sont pas blindées ! Ce n'est pas nécessaire ! Qui y songerait ? Ils n'ont pas à se protéger dessous ou en faire un bouclier en cas de....
En cas de... !
Mais comment imaginer tout ça, ici... Puisqu'en général ça n'arrive qu'aux autres.. !

Alors j'ai décidé de publier cette lettre. Une lettre écrite par ce soldat réserviste à un gazaoui. Un soldat qui a dormi dans sa maison... A cause de la guerre.
Une curieuse et singulière rencontre. Un homme et l'ombre d'un homme et de sa famille.

Des mots justes, vrais, authentiques, sincères. Une lettre sans pathos, bouleversante justement car il n'y a rien de tragique, rien de théâtral.
Un quotidien malheureusement banal, l'ordinaire qu'est la guerre... ! Il dit, décrit, pense et veut faire savoir à cet homme ce qu'il a ressenti, ce qu'il pense. Il lui écrit et il n'a que les mots, une lettre à l'absent en présence de l'absence.
Il s'identifie, le voit, l'imagine... ! Voit en cet homme chez qui il est à cause de la guerre, un homme, comme lui, non un ennemi à haïr... Comme vous...
Il le voit et lui parle avec humanité... Il tisse malgré les bombes ce lien social si  nécessaire, ce même qui nous a fait advenir à l'humanité. Ce fil tenu et fragile, que nous remettons en jeu chaque jour, car cela  ne va pas de soi.
Yishai ressent ce besoin profond. Ses mots sont précieux car ils sont la marque du lien, celle du lien social, qui malgré le conflit maintient l'humanité, fait que les hommes restent des hommes, ont cette volonté, peuvent prendre ce recul nécessaire pour comprendre, analyser ce qui se passe et assumer, assurer le choix qui se pose alors.
Si j'ai choisi de publier ce lien aussi, c'est avec le profond souhait d'informer, de dire une vérité, celle qui est souvent bannie des écrans de télé, des journaux, qui ne parlent pas de ce quotidien là, ces médias qui ne prennent pas la peine de s'y arrêter. Véhiculer des clichés est toujours infiniment plus simple, ne mène pas non plus à la polémique, ne froisse pas le politiquement et le socialement correct de bon ton. .
Il est aussi de mon devoir de partager, de témoigner à mon humble niveau pour lutter contre toute cette propagande et désinformation. C'est je crois l'engagement de tout sujet libre  ! C'est ma contribution et mon devoir, ici, dans ce pays en paix. Pour l'instant.
Je sais qu'une fois encore aucun commentaire n'émanera de cet article. Mais je n'en demande pas tant, et vous remercie de lire la lettre de ce soldat. Ce sera déjà ça !

Je remercie Yishai  l'auteur de ces lignes
Merci à Yoram Salamon directeur de http://www.streetisrael.com/ qui aimablement m'a autorisé à reproduire et partagé ce lien sur mon blog.
A tout ceux que j'aime là bas...



mardi 13 novembre 2012

Répétition

Je vous propose aujourd'hui cette petite phrase néanmoins très intéressante :

"De par sa nature, la répétition s'oppose à la réminiscence. Elle est toujours impossible à assouvir. C'est dans ce registre que se situe la notion freudienne de retrouvailles avec l'objet perdu".

Lacan, Séminaire IV.S La relation d'objet.

dimanche 11 novembre 2012

Comme un soldat

Il voulait être enterré comme un soldat
Il ne voulait ni fleurs ni couronne
Il  voulait qu'on ne prévienne personne
Il voulait un enterrement civil...
Il voulait...
Mais...Personne n'a entendu !

J'ai retrouvé dans de vieux papiers ces quelques lignes qui ne s'adressaient pas à moi, mais à quelqu'un d'autre...
Il y a bien longtemps
Quelques mots griffonnés sur une feuille chiffonnée, quelques mots jetés sur du papier d'écolier.
J'ignore si ces lignes ont été lues avant moi et si son destinataire les a reçues.
J'ignore tout ça !

Elles ne m'étaient pas destinées, elles n'étaient pas pour moi... Pourtant je les ai lues.
Ces quelques lignes qui m'ont touchées !
Ces dernières volontés qui n'ont pas été respectées.
Pourtant !

Il voulait être enterré comme un soldat, sans fleur ni couronne, sans rien d'autre que les "gens du cimetière municipal" écrivait-il sans doute en proie à la douleur physique et morale, sans doute aux prises avec ses démons, fantômes insatiables toujours à la lisière de la crypte, spectres infâmes et tyranniques qui lui rappelait qu'il faudrait rendre les armes, un jour.
Il ne les déposerait que debout ! Rendre l'âme ? Mais cette âme il l'avait perdu, il y a longtemps ! Tellement longtemps qu'il ne s'en souvenait plus.
Il était mort déjà, il y a bien longtemps depuis la vie n'était qu'un sursis auquel il pensait ne pas avoir droit. Incapable de répondre à l'impossible question du pourquoi moi ?
Survivant. Mais survivant de quoi ?
En sursis, encore là alors qu'il n'y était pas vraiment, qu'il n'avait pas en vie d'y être, être là dans un monde qu'il ne comprenait plus.
En suspend, dans l'attente ultime peut-être ?

Il voulait mourir comme un soldat, la seule mort digne, la seule qui lui soit acceptable, alors il ne voulait personne, personne pour le pleurer, pour le retenir peut-être encore parmi ceux qui vivent ou font semblant.

C'est peut-être justement de ces semblants là qu'ils ne veut pas, de ces faux semblants, faux amis mais vrais ennemis. Toute sa vie il l'a vécu comme un soldat, défendant sa vie pour ne pas sombrer dans la folie. Pas tout à fait.
Mais de quelle folie ?
Ses dernières volontés : celles d'oublier et d'être oublié, comme un regret d'être arrivé là sur terre, d'être né, peut-être, puis d'avoir survécu là où tant d'autres sont morts !

Mourir comme un soldat...Sans doute pensait-il aux innombrables morts, tombés au champ d'horreur, enterrés ça et là dans de vastes prairies étrangères où ils sont tombés, où ils ne reposent pas en paix, si loin de leur terre !
Où parfois des ombres rodent et tentent de retrouver, un nom un date, pour déposer une fleur, une prière ou une pensée pour ceux qui sont partis trop vite pour rien
Une vie pour rien, une mort pour rien.. ?
Ces tombes parfois anonymes croix de bois, croix de fer... Allongés là pour une éternité qu'ils n'ont pas vraiment demandée ?
Cette tombe là peut-être, sans vraiment de cercueil ?
Un nom ? Même pas des initiales, les siennes et deux dates, le cadre de son enfer !

C'est ce soldat là qu'il n'a pas vraiment été,  qu'il n'a pas eu le temps de devenir, mais "soldat de l'ombre" pourtant, ceux qui à ce qu'on m'a dit valait tout autant que les autres, plus peut-être... Plus que ceux qui portaient l'uniforme... !
Comme un soldat il a été, tout au long de ce long sursis que la vie ne lui a pas vraiment offert, car ce sursis là il ne l'avait ni souhaité ni demandé, il lui avait été infligé ! Il vaut alors survivre tant bien que mal, ou parfois plutôt mal que bien !
Mourir pour vivre enfin comme un soldat...
Je n'en sais rien.
J'ai refermé ce papier froissé, qui ne m'était pas destiné, je l'ai rangé... Une lettre pas pour moi, que je n'aurai sans doute pas du ouvrir et lire, mais ? Une lettre qui m'a bouleversée...

En hommage en ce 11 novembre

mercredi 31 octobre 2012

L'A mère

A mère...Ce préfixe, petit a, cette voyelle, première lettre de l'alphabet, préfixe privatif qui désigne le manque, le vide, ce qui fait défaut.
A mère, pour désigner la mère qui manque, qui fait défaut, qui n'est pas, qui n'a pas été, qui n'a pas joué ce rôle, qui ne l'a pas offert à son enfant, cet enfant qui au fond n'a jamais été vraiment sien;
Et la souffrance de ce manque, pour cet enfant là, la souffrance qui s'est introduit dans cette faille, la faille de cette mère défaillante.
A mère..

Quand il n'y a pas de mère, quand elle n'est pas là, pas seulement physiquement mais aussi et surtout psychiquement, affectivement, émotionnellement
Quand la mère ne se montre pas, ne montre pas, mais devient parfois un monstre.
Quand la mère défaille, refuse, dénie et nie l'enfant qu'elle a pourtant mis au monde.
Nie à l'enfant d'être le sien, d'être un être sujet aimable.

Nombreux sont ceux qui souffrent de ça, de ce manque là, du manque de mère, de l'a mère. Il en résulte une a mertume, une douleur, une souffrance parfois indicible, une plaie toujours béante, même si ce n'est qu'un petit peu, car ce petit peu là est un poison, qui mine, qui ruine et qui tue lentement à tout petit feu.

Elle "est née par hasard " dit-elle, d'une mère qui ne voulait pas d'elle, en tout cas qui ne l'a pas désirée. Elle est le fruit de l'envie de l'en vie et non du désir, du désir d'amour, du désir de vie.
Fruit d'une rencontre peut-être, mais celle ci ne s'est jamais faite. Entre elle et elle, elle se sent vide, amère.
Sa mère ne voulait pas du père, mais sa mère à elle ne voulait pas de ça, car en ces temps là ça ne se faisait pas, une histoire de mère encore.
A mère ou trop de mère ?
Elle voulait bien garder l'enfant puisqu'il était là, arrivé là alors qu'on ne l'attendait pas, mais ne voulait pas du père, qu'elle n'aimait peut-être pas, mais qui lui a donner l'envie de se sentir en vie après tout ce silence...
Mais elle a obéi à sa mère sorte d'ogresse vengeresse, toute puissante et omnisciente régentant un monde qui n'avait plus alors raison d'être, mais s'accrochant quand même à ce triste privilège ! Matriarche !
Alors elle a épousé le père, avant la naissance de cet enfant, de la honte ou presque...
Mais elle n'a pas reconnu cet enfant, ne l'a sûrement pas regardé, porté, aimé !  Une fois jeté en pâture au monde hostile elle en a fait l'offrande à l'ogresse qui l'a élevé, gardé, nourri aussi...
Une histoire de mère, amère... Sans aucun doute !
Ce n'est qu'à l'âge de devenir mère elle aussi peut-être que cette a mertume lui revient en mémoire. Elle a grandi tant bien que mal, entre des femmes qui ne s'aiment pas, qui se reprochaient un passé dont elles n'assumaient ni l'une ni l'autre la responsabilité.
Vilain petit canard responsable désigné de cette dispute, elle est brinquebalée comme un colis qu'on aimerait déposer sans savoir vraiment où, car il n'y a pas de place, aucun endroit pour l'accueillir.

A mère ! Qui est-elle cette absence qui n'a pas même su la nommer et qui n'a pas même essayé de l'aimer.
Qui à chaque regard posé sur elle ne voyait que la faute, l'erreur commise pour avoir eu cette envie de vie !
Elle était ça, l'erreur, la cause, responsable désignée d'une vie gâchée, d'un avenir raté, celui d'une mère qui n'a pas eu la délicatesse de s'éclipser, de l'abandonner vraiment !
Elle n'a pas pleuré quand cette mère qui ne l'était que sur le registre de l'état civil est morte, elle n'a pas versé une seule larme sur la perte de celle qui l'a déposée au monde. "On ne pleure pas ce qui n'existe pas"
A mère.

lundi 22 octobre 2012

Mémoire vive

Ce blog n'accueille que très rarement des billets d'humeur, des réactions un peu à chaud à l'actualité mais l'article que je viens de lire suscite tant et tant d'interrogations que ces quelques lignes s'imposent

Le voici en lien :

http://www.atlantico.fr/decryptage/shoah-ces-jeunes-israeliens-qui-se-font-tatouer-numeros-deportes-pour-ne-pas-oublier-510259.html

Le titre a première vue semble clair :

Shoah : ces jeunes Israéliens qui se font tatouer des numéros de déportés pour ne pas oublierMais il faut se méfier des apparences, tenter de comprendre et déchiffrer ce qu'elles masquent..Cette clarté m'interpelle, une clarté pourtant bien obscure...Et c'est peut-être cette obscurité là, cette part d'ombre qui vient questionner, déranger.

En Israel des jeunes gens se font tatouer le matricule de leurs grands parents sur l'avant bras, pour ne pas oublier et leur rendre hommage.
Une mise en acte singulière qui, souligne l'auteur de l'article suscite de vives réactions au sein de la population. En conséquence. Un acte en entraine un autre, obligeant cet autre,  l'inter pellant.

C'est cette singularité là qui nous oblige à nous demander : Pourquoi ? Qu'avons-nous manqué ? Que s'est-il passé au creux de cette histoire là ?
Pourquoi cette génération là et non leur parents ? Ce sont les petits enfants, ce sont eux qui vont au devant de l'histoire avant qu'elle ne s'oublie, qu'elle ne sombre dans le Néant. Encore une fois. L'histoire et le destin tragique de leurs grands parents, des leurs, et la leur. Faire en sorte qu'elle ne deviennent pas un simple détail au détour d'un livre d'histoire.

Si la plupart d'entre nous savons que ce n'est pas possible et que la société, l'humanité toute entière ne peut plus être pensée comme avant la Shoah.. il se peut hélas qu'il en devienne ainsi dans peu de temps !
Ainsi veulent-ils transmettre, porter au delà cette histoire pour l'empêcher de s'éteindre. Que restera t-il après la mort des derniers survivants ? Qui sera encore là pour témoigner de l'impensable jamais pensé mais pourtant mis en acte ? Qui sera là ? Quel être sujet humain pourra encore raconter, dire l'indicible ?
Nous serons alors confrontés au Néant, au Vide et au gouffre immense de l'oubli. Nous n'aurons pour nous souvenir que les seuls mémoriaux, bâtiments érigés en conscience pour rappeler au vivant que s'il est là il le doit aux survivants !

Cela suffit-il ? Non, il semble que non. C'est peut-être ça que ces jeunes disent et nous disent, car il n'y a pas de message sans adresse. Ils nous disent, nous, car il ne s'agit pas seulement de leurs aïeux, du peuple de l'état d'Israël, il s'agit de la communauté des Hommes ceux qui se sont inscrits par leurs actes dans l'Humanité... Ce que nous avons manqué ces dernières années, peut être trop occupés à construire ce qui avait été défait, nié, gommé, trop occupé à oublier... Pour vivre , du moins tenter.
C'est peut-être ça ?
Nous savons tous les liens singuliers qui unissent les grands parents à leurs petits enfants. Ceux là même qui attendent qu'ils leurs racontent des histoires. Et c'est peut-être aussi cette histoire si particulière et si douloureuse dont ils sont porteurs dans leur chair qu'ils ont consciemment et inconsciemment transmis. Car il reste, il reste ce quelque chose d'enfoui au fond de l'âme mais que le regard ne peut cacher à celui qui sait vraiment regarder !
Cet article m'a profondément troublée à plus d'un titre, je l'ai mis en lien sur un réseau social afin d'en débattre, afin de comprendre pourquoi ce désir d'inscrire en sa chair une histoire et une identité qui n'est pas la sienne, mais celle d'un autre, de son grand père ou de sa grand mère une histoire où ils s'inscrit, où il a sa place mais qui n'est pas la sienne.
Ainsi ce numéro, ce matricule lui donne le droit, celui d'accéder à la mémoire, des siens mais aussi de tout un peuple, mais aussi un devoir, lourde charge pour de si frêles épaules, s'infliger le poids de ce lourd passé pour dire aux générations futures, l'injonction terrible : "'N'oubliez jamais"

Transmettre ainsi, incorporer, tatouer, garder pour toujours la trace de ceux qui vont partir...qui ont été témoins et sont revenus pour dire l'enfer, la haine, la cruauté et l'inhumanité. Je disais à mon ami Emile que cet été, lorsque je me suis rendue à Buchenwald, j'aurai voulu accrocher  une étoile jaune sur mon tee shirt  tant j'étais révoltée ! J'ai refusé de parler allemand, de le comprendre, tant cette langue me semblait déplacée, insultante en ce lieu. Emile me fit simplement remarquer que l' étoile à un moment donné on peut l'enlever le tatouage non...Il avait en ce seul mot résumer toute la gravité et la portée du geste.

Non justement non ! Cette inscription ne s'efface pas, elle reste gravée à tout jamais, pour toujours, c'est porter la trace indélébile de l'histoire d'un soi qui n'est pas je, c'est accepter cette lourde charge, s'impliquer, se l'infliger.. Ultime manière peut-être de dire et d'avertir ! Porter en soi, faire sien de la trace, de la cicatrice,  de la marque dans le corps...Sur le corps, montré à voir à l'autre, au regard de l'autre qui malgré tout ne peut y échapper.
C'est essayer de faire avec cette histoire là, qui plane sans cesse, qui surgit des ténèbres toujours, qui rode comme un fantôme et avec laquelle il faut faire, il faut être. . Sans le vouloir soit nous la faisons notre, en l'incorporant (ici au sens propre, puisque ces jeunes en portent la marque et la montrent à voir)ou en la rejetant, la déniant. Il est difficile de trouver le juste milieu parce qu'il n'y en a pas, nous sommes face à l'intenable, l'impensé et l'impensable.
Ce n'est pas un devoir de mémoire, car la mémoire je l'ai dit déjà ne suppose pas de devoir, d'injonction, une phrase du Rabbi Loubavitch nous invite à y songer "le but du souvenir est de lier l'homme à sa mémoire ce qui doit exercer une influence sur lui"...
La trace en est le lien, maintenir la mémoire, la mémoire vive, pour que la mémoire puisse vivre sans oublier pourquoi.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.





samedi 20 octobre 2012

Anti ?Sémite ? Sioniste ?

J'ai écrit cet article il y a quelques mois, je ne l'avais pas mis en ligne. Aujourd'hui j'ai décidé de le publier car une fois encore je suis en colère ! Colère est bien le mot qui convient... Cela fait maintenant presque une semaine qu'un réseau qui se dit et se veut social a laissé se diffuser comme une trainée de poudre des messages d'une violence inouïe, insultes non seulement à une communauté, mais à l'Humanité toute entière, à la communauté des hommes, de ceux qui se disent être des hommes, qui se revendiquent tels ! Mais sont-ils réellement advenus à l'Humanité ? Je n'en suis pas certaine... Ces propos sont mollement condamnés, j'ai même lu, pas plus tard que ce matin, qu'il s'agissait de liberté d'expression, qu'au nom de ce droit, tous les coups sont permis, même (et surtout) les plus bas ! Honte.. Mais pour cela, pour éprouver ce sentiment encore faut-il faire preuve de remords, faut-il prendre la peine de penser, de projeter et d'envisager la conséquence de ses actes, paroles. Et c'est là que ça coince, que le bât blesse... !
Ceux là ne se cachent pas, mais on assiste aussi à des comportements plus pervers, ainsi cette nouvelle tendance à l'euphémisme, afin d'échapper à la sanction il semble plus confortable, politiquement, socialement correct de se dire antisionistes... Car qui attaque t-on ainsi ? Que dénonce t-on de cette manière insidieuse, perverse et sournoise ? Un état que ces mêmes qualifient de tous les noms et lui imputent toutes les dérives liberticides ? Vraiment ? Vous croyez ? Vous en êtes bien sûrs ?
Allons ! Soyons réalistes et cessons d'être frileux.. ! Ouvrons bien grands les yeux afin de voir le monde tel qu'il se montre à voir ! Même si la réalité n'est pas celle qu'on souhaiterait y trouver.



"On n'a pas déporté que les juifs" : Vrai
"Il n'y avait pas que les juifs dans les camps" : Vrai
"On n'arrêtait pas que les juifs" : Vrai....

Sauf que souvent l'antisémitisme commence souvent par ces propos là, ces mots là...
Insidieusement, ces mots, ces quelques mots qui dans la bouche de certains n'ont rien d'anodins
Ces quelques remarques s'appuyant sur une vérité historique, mais qui à l'issue d'un article d'une réflexion, d'une émission marquent parfois l'agacement... envers les juifs !
L'antisémitisme...
Il n'y a pas que les juifs !
Ces commentaires qui ne semblent être qu'un détail ! Et justement le détail... Est ce qui est de trop !Vraiment de trop, trop souvent !

Il serait bien sûr indécent d'oublier, de ne pas parler de  tous ces morts victimes de la barbarie et de la folie de quelques uns, d'un régime composé d'hommes bien ordinaires sûrement mais qui par là on pu trouver la manière d'assouvir impunément leur désir de haine, leur pulsion de mort, leur volonté de détruire l'autre !

Alors pourquoi ?

J'ai écris souvent à propos de l'antisémitisme, je m'interroge sur cette haine là, précisément, sur cet autre détesté, autre qui cependant n'est plus n'importe quel autre, mais un autre précis, désigné et détesté à tel point qu'on veut le détruire, le réduire à néant, au néant.
Ce qui a été mis en actes avec la complicité des populations qui ont assistées sans mot dire, sans maudire aux arrestations, déportations, qui ont vu,entendu. Ces témoins de l'indicible, de l'impensé et l'impensable, mais qui pourtant ont été là...
Qui ne dit mot consent ?
Ce n'est qu'une question mais qui convoquée dans ce cadre prend ou perd tout son sens, si sens il peut y avoir !

Juif ? Alors ?
Peuple maudit qu'il fallait à tout prix, par tous les moyens exterminer, rayer de la terre, en effacer toute trace encore et encore.
Ré écrire presque l'histoire où ils ne seraient pas ! Où ils n'auraient pas de place, eux qui sont là depuis le début des Temps...
Effacer même leur existence, la nier, la dénier la renier.
Pourquoi le Juif ?
Je n'ai pas de réponse, peut-être qu'il n'y a pas de réponse... De réponses
Le Juif !
L'antisémitisme aujourd'hui n'a plus le même visage, ne s'affiche plus aussi clairement, encore que !
Il y a à présent des moyens plus élégants, plus discrets et plus pervers aussi pour le dire, ou ne pas le dire, le suggérer tout au moins, "je ne suis pas raciste, mais les juifs quand même... ils commencent à nous fatiguer avec leur Shoah, génocide, Holocauste... Ce n'est plus possible à la télé on ne nous montrent que çà, les camps, les juifs.. "

"Les juifs encore eux et toujours eux ! comme le dit si bien Herbert Pagani dans son admirable "Plaidoyer pour ma terre" Ils sont partout, et cela "fait des siècles qu'ils emmerdent le monde "

L'antisémitisme est à nos portes comme il l'a toujours été ! Malgré tout. Surtout, il guette, il rode, prêt à bondir quand le moment sera favorable !

Les juifs dérangent eux qui ne demandent rien, qui n'exigent ni lieux de prières ni traitement particulier. Pourtant ils gênent et génèrent un malaise, un mal être...Un peu comme s'ils étaient en trop, de trop, une sorte de détail encore....!

Alors oui, c'est vrai il n'y a pas que les juifs qui ont été exterminés dans les camps de la mort et il ne viendrait à l'idée de personne d'honnête et de sensé de dire le contraire. Sont morts là bas communistes, opposants au régime, tziganes, malades mentaux, malades en phase terminale, homosexuels...Tous ces hommes femmes et enfants victimes de ce ravage fou ! Victimes de la perversité d'autres hommes et femmes qui au nom d'une idéologie les ont mis à mort, les ont déclarés indignes d'être sur Terre, indignes d'Etre !
Etre tout simplement !

Pourtant dois je rappeler que ... juifs périrent pendant ces années de ténèbres ! Dans ce monde soit disant civilisé au nom de la pureté de la race !
Est-il donc si difficile de regarder ! De voir en face, d'assumer ?
Mais voir et assumer quoi ? Le Mal ? Qu'est-ce que le Mal ?
Qui en est capable ? Tous sûrement, certainement, tout homme le porte en lui, serait-ce alors ça, ce point précis, ce détail qui coince ?
L'homme n'est pas contrairement à ce qui est admis n'est pas advenu à l'humanité, vraiment, ce pas en avant s'annule souvent par deux pas en arrière pour s'adonner à une danse macabre, valse wagnérienne et baroque qui saccage ce qu'il a bâtit
Est-ce alors ce Mal là qui s'infiltre dans la faille ? Ce Mal si malin que l'homme accueille pour laisser aller enfin ses pulsions de mort et d'emprise qu'il n'en peut plus de contenir ?
Une curieuse histoire, et une effarante rencontre, l'homme et le mal ? Histoire d'amour et de désamour..Un lien pervers et singulier qui si tenu soit-il s'interdit de mourir ! Pacte diabolique et peu banal...
Banalité du mal ?

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.






dimanche 14 octobre 2012

La mort douce

Encore une réflexion sur la mort... Me direz-vous
Mais réfléchit-on vraiment sur la mort ? Nous questionnons, interrogeons, sans jamais apporter de réponse, car nous ne savons pas, personne ne sait ce qu'est la mort. En réalité.
Tout ce que nous pouvons en dire se résume en une lapalissade : c'est quand on ne vit plus.
Mourir. Disparaître pour de bon, partir pour ne plus revenir, jamais.
Alors la mort dans tout ça ? La manière, la façon de mourir ?
Je l'ai souligné déjà, je ne pense pas qu'il existe une belle mort, une mort douce pour reprendre les termes de Simone de Beauvoir.
Il y a certes des morts plus violentes, plus terribles, plus atroces que d'autres, même là, même en ces circonstances nous ne sommes pas égaux.
On meurt sur le champ de bataille, dans la rue, chez soi,  dans les camps d'extermination, à l'hôpital, à la guerre, sous les bombes, sous les mains d'un assassin, dans son lit, étouffé, étranglé,  torturé... On meurt de tant et tant de manières !
La mort est-elle douce ? Même dans son lit ? Même dans son sommeil ? Une sorte de mort volée peut-être..En ne se réveillant pas...Plus ?
Pourtant l'homme réclame une mort digne, une mort douce, certains demandent ce droit, celui de mourir quand il le souhaite, pour abréger ses souffrances, mettre un terme à une vie, la sienne, qu'il trouve indigne, impossible. Une vie dont il ne veut plus. Car il n'en peut plus.
Une mort qu'il se donnerait en quelque sorte... Lui ? Se donnerait à lui, s'offrirait ? Mais encore faut-il pouvoir se faire ce cadeau là, être en mesure de poser cet acte. D'en être certain mais aussi d'en avoir la force, physique, mentale, d'être en capacité de dire "je veux mourir là maintenant, cela suffit".
Est-ce possible ?
A t-on le droit de se faire justice ?
Faut-il alors dans le cas d'impossibilité faire appel à l'autre ? Mais quel autre ? Et qui déciderait comment, de quoi, et de quel droit ?
Le droit justement, demander à la Loi de s'introduire, de dire, de poser, ce qui doit être fait, mais de quel droit le droit peut-il se substituer pour tuer en toute connaissance de cause ?

Il ne s'agit pas ici de porter un jugement, de condamner ou au contraire d'approuver, car qui peut dire, qui peut affirmer aujourd'hui qu'il veut ou non mourir là, à ces moments là ?
Qui peut dire qu'il sera heureux de vivre longtemps, mais malade et dépendant... Car qu'en savons nous ? Que savons-nous de demain ?
Ce droit de mourir, de disposer de sa vie et par conséquent de sa mort, de choisir ce moment ultime de mettre un terme et de dire qu'on est arrivé au bout du chemin est discuté, discutable aussi... Il est demandé à la Loi, c'est à dire à l'autre de dire ce qui doit être fait, d'inscrire dans le code qui régit le lien social celui là même qui lie et relie les membres de la communauté comment l'un des siens peut ou/et doit mourir.
Il y aurait alors des circonstances exceptionnelles, une sorte de dérogation permettant au sujet de dire stop et de s'en aller, comme ça en douce  ? D'une mort douce ?
C'est une affaire intime, la mort, un peu comme la vie d'ailleurs, une histoire entre soi et soi.. Quid de cette intrusion de la loi qui une fois encore devrait dire ce qui est bon pour..
Celui qui souffre en l'occurrence, mais qui souffre comment ? Car la souffrance tout comme le sujet est singulière..Alors comment décider du moment, du bon moment où le mal est devenu douleur...Invivable ?
Il ne s'agit pas non plus de faire le procès de quoi que ce soit, du droit à mourir dans la dignité ? Mais qu'est ce que la dignité justement ?
Il ne s'agit pas non plus de blâmer ceux qui critiquent ou choisissent cette voie. De quel droit ?
Simplement d'esquisser peut-être un questionnement sur ce qui fait si peur,sur ce qui est terrifiant, sur la mort, inconnue et inattendue, justement là, car elle ne prévient pas, d'ordinaire, ne donne pas de rendez vous, elle prend, ravit, confisque. Elle ne s'annonce pas vraiment !
Elle sur prend.

lundi 1 octobre 2012

Le père volé

Il a toujours senti planer une ombre, quelque chose d'indicible, mais présent, parfois lourd, mais toujours sourd.
Le silence enveloppait toujours ce quelque chose dont on ne parlait jamais devant lui.
Enfant il ne savait pas, ne comprenait guère, il était seul avec sa mère... Loin de leur famille, loin de leur village aussi. Mais enfant il ne posait pas de questions, d'ailleurs il n'avait pas vraiment de questions
C'était la guerre, mais ça non plus il ne le savait pas. Il nait pendant la guerre, dans un pays en guerre.
C'est plus tard, beaucoup plus tard que les questions se posèrent, un peu d'abord puis elles le taraudèrent tellement qu'il en perdait le sommeil parfois
Il voulait comprendre, trop de choses ne "collaient pas".
Père, nom du père, un père dans lequel il ne se reconnaissait pas, à qui il ne ressemblait pas. Et surtout ce silence, ce silence pesant, lourd, obscur, ce silence qui l'enveloppait et le terrifiait
Parfois il posait des questions essayaient de comprendre...Pourquoi ce père, son père n'était pas là ? On lui répondait qu'il était à la guerre, parti, mais il ne comprenait toujours pas pourquoi il ne revenait pas.
Il se souvenait qu'un jour, il y eut un homme auprès de sa mère, on lui dit qu'il serait son père, qu'il était son père, il ne sait plus.
Un jour il eut un père...
Ce n'est que bien plus tard quand la question de devenir père à son tour se posa. Il voulut savoir qui il était, qui était son père, et le père de son père.
Des questions qui restèrent sans réponse.
Le désespoir succéda au silence pour l'envelopper à son tour, sa mère ne disait rien et ce père qui pendant les années d'adolescence fut le sien était mort.
Qui détenait la clé, le secret, qui pouvait, pourrait dévoiler le mystère, révéler le secret ?
Ce secret qu'il sent, qui le tue aussi, car il l'empêche de vivre pleinement, ce secret, cette chose en plus est son manque à lui, ce savoir que les autres taisent et lui cachent, cette choses dont malgré lui il est l'objet mais aussi et surtout le sujet.
Mais comment savoir et à qui demander, c'est aussi à ça que tient le secret. La demande, la demande de réponse à la question impossible, qui ne peut amener de réponse car celle ci sera la trahison de l'histoire, d'une histoire familiale cultivée par le secret. Celui ci qui souvent est scellé à jamais, perdu, oublié, relégué aux oubliettes de la mémoire. Tellement tu qu'il en est tué.
Mais comment vivre sans savoir, sans savoir d'où on vient et qui on est. Lorsqu'on a le sentiment que tout repose sur un mensonge et que sa vie est une imposture. Comment transmettre ça ? Comment transmettre un nom qui n'est pas le sien, qui lui a été donné certes, mais qui n'est pas "le vrai nom" qui est surtout le "vrai non", la négation de son identité, de son être et de sa véritable filiation.
De ce père volé, ravit, tu et tué parce qu'impossible, de ce père qui n'avait pas le droit d'être un père, de donner la vie à un enfant parce qu'il était un ennemi.
Mais l'ennemi de qui ? Et qui est-il cet ennemi.. Reparti vers ses contrées lointaine, dans un pays étranger dont il ne connait ni le nom exact ni la langue. Qui suis-je ? Et comment le savoir se dit-il ?
Comment advenir à ma vie, alors qu'un morceau entier m'est caché, ravi, volé. Il veut savoir ?
Mais savoir quoi ? Le nom du père... L'histoire de ce père qui peut-être n'a jamais su son existence, car ce père là, ce géniteur s'en est allé. De passage simplement, seulement, il est parti contre son gré peut-être ? Mais comment savoir
Et qu'en est-il du désir ? Du désir de son être là à lui, de l'amour peut-être, ou simplement du désir ? Il ne sait pas, et ne saura sans doute pas, jamais.
L'histoire mal partie ne trouvera peut-être jamais d'issue, à ce non s'oppose ce nom, inconnu, étranger qui lui donne à lui ce sentiment étrange d'être d'ailleurs, de naitre pas d'ici...
Silence pesant, obscur et lourd, qui n'en finira jamais, qui ne pourra ceder que si et seulement la parole est dite. La parole
Mais qui détient cette parole là, le nom de père, du père absent, du père tué du père volé ?

jeudi 20 septembre 2012

L'enfant différent

L'enfant différent ne se voit pas toujours au premier coup d'oeil, son handicap n'est pas toujours apparent, il n'est pas forcément en fauteuil roulant, comme le malade grave...
la maladie, le handicap ne se montrent pas forcément à voir à entendre à l'autre.
La maladie, le handicap se font parfois discrets, tant et tellement qu'ils ne se remarquent pas, qu'ils ne se voient pas, et que cet autre les ignore.
Pourtant !
La maladie, le handicap sont là, discrets mais sournois, présents et encombrants.
L'enfant différent... Il ne se remarque pas, toujours ! Parfois même on ne le croit pas, parfois même on se demande si son handicap, sa maladie sont bien réels, s'il ne simule pas.. Pour ?
Bénéficier de quoi ? Mais quand même, j'ai rencontré des adultes qui se demandaient ça....
L'enfant différent qu'il se remarque ou pas souffre, il souffre de cette différence justement, de cette singularité tellement singulière qu'il aimerait pour une fois, rien qu'une fois, rien que cette fois être pareil, être le même, être identique aux autres à ces autres auxquels ils ne ressemble pas
Car c'est bien de ressemblance, de similitude qu'il s'agit, la différence,le handicap la maladie se loge là, dans ce creux là.
Alors l'enfant différent s'inscrit dans le manque, dans ce manque qu'est la différence, qui elle même devient le handicap, ce plus avec lequel il faut faire, il faut être.
Cela fait des années que je rencontre ces enfants là, que je les accompagne, et leur handicap ne se voit pas forcément, mais leur souffrance, leur douleur, elles crèvent les yeux et le coeur !
Comment rester insensible à ce moins qui fait tant et tant de plus...
Et que dire de leurs parents,de ces adultes qui parfois sont démunis devant ce manque là, ces difficultés là, qui font ce qu'ils peuvent comme ils peuvent, mais qui parfois ont envie de baisser les bras, de laisser tomber, de laisser aller, même s'ils savent qu'ils ne peuvent pas, qu'ils n'en n'ont pas le droit.
Handicap, différence, c'est ce cortège de petits moins, de petits plus qu'ont ces enfants dés leur entrée dans le monde de l'Ecole, un monde pas fait pour eux, du moins tel que ce monde là est fait. Ce qui ne signifie pas, bien au contraire qu'ils n'ont rien à y faire, ce qui veut dire surtout que ce monde là, celui de l'école ne leur ouvre pas ses portes, ne les accueille pas, et parfois même les rejettent les laissent sur le bord de la route, en leur signifiant qu'il n'y a pas de place pour eux !
Ils ne manquent ni de volonté ni d'intelligence, sauf qu'ils raisonnenent autrement, que les mots et les chiffres résonnent d'une autre manière, un peu comme le cancre de Prévert !
Les dys ne se voient pas d'un simple coup d'oeil, elles font souvent l'objet de longues recherches avant objectivations, pendant ce temps ces manques là deviennent le socle de la méprise intenable, du mal entendu qui s'installe entre ces enfants là, soit disant différents et leurs enseignants.
Un terreau fertile que celui là, qui conduit à l'indifférence, l'humiliation parfois, la transparence et cette sorte de violence dont on ne parle que trop peu, ce mépris qui laisse penser qu'ils n'ont pas leur place là, au sein de cette Education qui se veut Nationale, mais qui ne craint pas de laisser ses propres enfants sur le pas de sa porte !
Il faut en effet comprendre l'origine de ces difficultés qui ne s'ancrent pas dans la paresse ou autre "défaut" mais dans un dysfonctionnement cognitif qui constitue un réel handicap et une vraie souffrance, celle d'être différent, car cette singularité est difficile à assumer. Il faut comprendre également la fatigue résultant de l'énergie fournie pour compenser le manque.. Car être dys, diff, est coûteux ! Là aussi.
Il faut aussi comprendre la fatigue des parents, leur lassitude parfois, l'envie de baisser les bras, de laisser tomber, de lâcher prise... Car toutes ces années à tendre le dos, à se faire du souci pour cet enfant qui est le leur et qui est "différent", du souci de cette différence et de ses conséquences pour leur présent et leur futur !
Il faut bien comprendre ça, car tout repose ou presque sur leur fragiles épaules, sur leur foi, leur confiance en eux et en leur enfant... Une confiance qui quoi qu'il arrive doit tenir bon. C'est être là tout le temps, être disponible toujours, prêts à se battre pour contester une décision administrative, veiller à ce que leur enfant ne soit pas abandonné au bord du chemin, laissé pour compte car au fond tout le monde ou presque s'en fout ! Ces enfants différents encombrent, empêchent le système de fonctionner, faussent les statistiques et je ne le répéterai jamais assez remet en cause une très vieille dame qui hélas refuse de faire son autocritique à défaut de son mea culpa.
Les enfants différents ont leur place, celle qu'ils doivent prendre, qu'ils se doivent de prendre au sein de l'Education de notre pays, de l'Ecole s'il appartient aux parents de se battre, il est de notre devoir de les y aider et de les épauler dans ce combat. Nous le devons, nous leur devons.
A eux !
Brigitte Dusch

mardi 11 septembre 2012

Chez soi.

Ce matin là elle avait décidé de me parler, de m'expliquer pourquoi elle voulait rentrer chez elle.

Mme C était là depuis quelques jours, elle était tombée dans son jardin, son voisin avait appelé le médecin qui l'avait fait hospitaliser... Ce n'était pas vraiment grave mais aux dires des infirmières elle perdait la tête, elle était désorientée...Il serait peut-être bon qu'elle ne rentre pas chez elle.
Depuis son hospitalisation elle avait tenté de s'enfuir de l'hôpital, alors le personnel l'avait attaché. "Pour elle" m'avait-on précisé, car elle pourrait se faire mal !
Puis d'ajouter," vous comprenez nous ne sommes pas assez nombreuses, s'il faut surveiller tous ces vieux qui veulent retourner chez eux !"
Non, à vrai dire je ne comprends pas, je ne suis pas là pour comprendre ça, ces doléances là ne me concernent pas vraiment. Ce n'est pas à moi qu'il faut expliquer ça !
Elles le savent pourtant que je ne suis pas de leur côté sur "ce coup là"...

Alors elle veut me parler, sans doute pense t-elle que je pourrai être une alliée ? Il y a, m'avait-elle dit la semaine dernière des alliés et des ennemis, comme pendant la guerre qu'elle avait traversé. D'ailleurs elle était en guerre.
En guerre contre tous ceux qui pensaient à sa place, que ceci ou cela serait bien pour elle. "comme s'ils savaient eux ce qui est bien pour moi...Les imbéciles, que peuvent-ils bien savoir de moi ? " soupirait-elle assise dans son fauteuil, affaiblie mais n'ayant rien perdu ni de sa prestance ni de son humour parfois cynique.

Mme C ne demandait rien à personne, elle ne voulait rien de personne. Elle vivait tranquillement chez elle, dans sa maison, quelques aides passaient pour l'aider à faire le ménage, mais elle les supportait mal. Elle en avait assez de ces "étrangères" qui venaient lui dire que et quand manger !
Je mange quand j'ai faim, et ce que j'ai envie.
Ses voisins lui faisaient quelques courses car elle avait de plus en plus de difficultés à se rendre dans les magasins. Elle passait ses journées dans son jardin et sa maison, regardait la télé, faisait des mots croisés, tricotait, lisait, ou ne faisait rien. Après tout "j'en ai suffisamment fait toute ma vie".

Elle ne voulait recevoir personne, toute intrusion troublait son intimité, son rythme, sa vie. Bouleversait son quotidien. Faisait du bruit. Cette "invasion" disait-elle la dérangeait et l'empêchait de penser, de rêver, de se souvenir...
Elle se levait lorsque le jour traversait ses volets. Comme elle ne pouvait plus monter facilement dans sa chambre, elle s'était installée dans son salon, sur sa banquette, pas loin de la cuisine, elle pouvait dit-elle voir la télé de son lit.
Le médecin passait de temps en temps renouveller les ordonnances et s'indignait qu'elle soit encore chez elle, alors qu'elle avait largement les moyens de s'offrir une place dans la meilleure des maisons de retraite
"Le meilleur des mouroirs reste quand même un mouroir !" assénait-elle !" Jamais, je veux mourir chez moi, dans cette maison dont je connais chaque mur et chaque pierre, je suis née ici et mourrai ici."

Elle tenait avant tout à sa liberté, manger et dormir quand elle le voulait, lire le journal et voir ses voisins, un peu moins vieux et un peu plus valides.
Cette fois elle était tombée et n'avait pu se relever, le voisin n'avait pas pu faire autrement ! Elle sourit :"dites lui que je comprends".
Elle m'assure ensuite qu'elle ne perd pas la mémoire, qu'elle va bien et me raconte sa vie passée avec souci de détails. Elle ne se souvient plus très bien de l'âge de ses enfants, mais n'a pas oublié sa dernière année de lycée.
Ses enfants ! Elle n'a aucune envie de les voir, ils ont leur vie elle a la sienne, et c'est bien différent tout ça. Elle les aime, elle sait qu'ils vont bien et c'est le principal, ils n'ont plus vraiment besoin d'elle, et elle n'a pas besoin d'eux.
Elle refuse d'aller chez eux, même pour une simple visite, elle n'est pas dans son univers, se sent déplacée, intruse elle aussi et mal à l'aise. Elle n'a plus ses habitudes "là bas je suis vraiment perdue, vous comprenez". Elle a peur de déranger, de ne pas être à sa place...
Elle m'explique aussi, que là bas chez eux, c'est comme si elle retombait en enfance, ils me prennent "pour une gâteuse" je suis quand" même leur mère, et c'est encore moi qui décide."
"Ce n'est pas bon ça que les parents soient chez leurs enfants... Avant c'était le contraire, maintenant tout fiche le camp et ça avec."

"Vous allez me laisser rentrer chez moi ?"...
Je ne détiens pas ce pouvoir (ni aucun autre du reste) et le lui dit....
Mais qui peut décider de garder quelqu'un contre son gré. Il lui faut néamnoins être sûre que son état de santé soit bon.
"Je ne suis pas malade, je suis vieille, alors j'entends moins bien, je vois moins bien, je fais tout moins bien... mais je ne suis pas malade, sauf si la vieillesse est une maladie"'
La vieillesse en serait-elle une ? A t-on fait de ce processus naturel une pathologie qu'il faut encadrer, diagnostiquer, mais qu'on sait incurable ? Comme la maternité ?
Ainsi la naissance et la mort sont de nos jours médicalisées, on ne nait plus chez soi...On nait et meurt dans des salles aseptisées, neutres et hostiles... Loin des siens, loin de tout. Seul déja du début à la fin ?

Mme C retournera chez elle pour y vivre et y mourir dit-elle, car tout le monde meurt, les fleurs fanent et refleurissent l'année suivante."Mais nous non, quand c'est fini c'est fini".

A J.C

lundi 3 septembre 2012

Dire non

Aimer ce n'est pas tout permettre !
Dire non. Pouvoir, savoir et oser dire non, stop.
Mettre des limites, un cadre, définir une zone qu'il ne faut pas dépasser, transgresser.
Il y a quelques jours j'écrivais ces quelques lignes sur un réseau social à propos de l'indignation suscitée par des lois qui risqueraient de venir trop permissives.
Permettre ! Laisser faire... Sans réprimer, sans rien dire, sans punir !
Punir ! Voilà un mot qui fait peur, qui fait fuir et qui suscite à lui tout seul bon nombre de réactions.
Mais avant de punir il convient peut-être d'expliquer et d'interdire.
D'expliquer la nécessité d'interdire. L'interdit garant des libertés et de la liberté.
D'expliquer ensuite pourquoi la punition, dernier jalon, dernière réponse à la transgression de l'interdit.

La société qui est nôtre repose sur l'Interdit, sur les interdits fondamentaux qu'il convient de ne pas transgresser afin de ne pas sortir de l'humanité.
L'humanité, celle là même où nous tentons tant bien que mal de subsister, au sein de laquelle nous nous efforçons d'évoluer. Car ce pas n'est pas définitif, loin de là, il se remet en jeu en permanence, chaque jour ! On advient à l'Humanité chaque matin...à chaque instant !
Et ce n'est pas rien.
Ainsi, aimer n'est pas tout permettre, dire oui tout le temps, satisfaire désir et envie, donner raison, faire plaisir pour ne pas décevoir.
L'éducation est avant tout et surtout affaire de dire non ! Dire non.
Et c'est là que ça coince, car dire non, c'est renoncer, c'est "ne pas être gentil" comme disent les enfants à qui les parents interdisent ou refusent. C'est se heurter à '"tu ne m'aimes pas" ou pire peut-être "je ne t'aime plus car tu dis non"...

Refuser n'est pas chose simple, c'est faire preuve de courage. "Non je ne veux pas, non tu ne peux pas, non c'est impossible".
C'est introduire la frustration.
Dire non est un acte d'amour puisqu'il conduit justement à poser ces limites essentielles au développement de tout enfant au risque de lui déplaire. Dire non c'est aussi le conduire, l'aider, l'accompagner sur le difficile chemin de l'autonomie, sur le devenir adulte.
Dire non suppose beaucoup d'amour, de renoncement, de compréhension et de tolérance.
C'est aussi transmettre ce message là, d'amour, de renoncement, de compréhension et de tolérance.
Apprendre à renoncer, à ne pas tout obtenir ni tout de suite ni parfois jamais.
Savoir que tout n'est pas possible.
Dire non et ne pas tout permettre, dire non et laisser aller, laisser faire pour laisser être.
Ce dire non ne doit pas être absurde, intransigeant et comporte dans tous les cas une explication.
Le "ce n'est pas possible" n'est pas une injonction totalitaire, loin s'en faut, car si tout est possible le monde sombre dans le chaos, ou dans la parole d'un seul, ce qui revient pratiquement au même.
Partout il y a des règles, même les jeux en possèdent !
Notre société est une société régie par la loi, la loi des hommes, celle là même qu'ils ont instituée pour vivre ensemble, pour tenter de vivre au mieux, ce qui est loin d'être gagné ! Pourtant tous les jours ces lois sont transgressées et bafouées parfois même par ceux qui les ont mis en place, et qui ne s'en dispensent, ne se croyant pas concernées...
Le non nécessaire pour apprendre à vivre ensemble, construire et habiter le lien social, se respecter et respecter les autres... Une utopie ?


jeudi 23 août 2012

L'anamour maternel

L'amour maternel... souvent évoqué et invoqué, glorifié, loué.Il va de soi. Cela va de soi.
Un amour souvent décrit et considéré comme inconditionnel, instinctuel, voire pulsionnel. Une norme sociale. L'amour par excellence !
Il semble ainsi naturel que toute mère aime son enfant, qu'elle doit l'aimer, que c'est dans le cours, la norme des choses, que cet amour s'inscrit dans l'ordre naturel de l'humanité. Humanité dont nous sommes.
Ne dit-on pas d'ailleurs d'une mère qui n'aime pas son enfant qu'elle est "dénaturée" la plaçant ainsi hors la nature, en marge de l'ordre qui prévaut même à la civilisation ?
Je ne parlerai pas ici des mères coupables de crimes, de meurtres de leur enfant, de leur nouveau né, de sévices envers leur progéniture, mais de celles coupables quand même d'un autre crime, et pas des moindres,  un crime du quotidien dont l'actualité ne parle pas, ou peu, celui  qui meurtrit à tout jamais le coeur et l'âme de celui qui en a été la victime : Le crime de de ne pas aimer son enfant.
Coupable de ? Est-ton coupable de ne pas aimer ?
Une mère doit elle, se doit elle d'aimer son enfant, et si elle ne le peut pas pourquoi ?
l'anamour, le manque d'amour, l'impossibilité d'amour....
L'amour ? Aimer.
Ne pas aimer, l'anamour, l'anamour maternel, cette privation là qui fait blessure, coupure dans le réel du sujet. Sujet qui doit vivre avec ce manque, avec ce moins...
Puis qui vient tenter de comprendre parfois sur le chemin de l'analyse l'origine de cette blessure qu'il traine comme une langueur, comme une infinie tristesse qu'aucune réussite, aucun amour ne pourra combler,en venir à bout.
A l'origine était la mère, au commencement le regard de la mère
Un regard bienveillant, maternel, maternant, aimant, un regard qui fait de l'enfant, son enfant, être unique au monde, sujet singulier advenant à l'humanité, venant au monde, naissant à la famille, fils ou fille de... Son père et de sa mère
Mais à l'origine était la mère, était cet amour là.
Sauf qu'à l'origine cet amour là, ne fut pas, ne fut jamais.
J'ai souvent entendu ce manque là, cette souffrance là, ce mal là, le mal de mère, le silence de la mer, ou les mots qui tuent, ceux là même qui refusent le regard, qui refuse de reconnaitre, de connaitre
Tu n'existes pas parce que je ne te regarde pas, ce qui t'arrive alors ne me regarde pas.
Débrouille toi.
Des histoires d'histoires, mal commencées et jamais finies, non pas un abandon, celui ci aurait peut-être disent certains infiniment plus simples, aurait "arrangé les choses", non, mais un anamour au quotidien, absence de regard, d'égards et de mots aimants, d'amour tout simplement !
Ce n'est pas grand chose, pourtant que le regard !
j'ai souvent entendu au travers des larmes, des sanglots et des silences ces histoires de cet anamour là.
Raisons y a t-il ? Celles ci sont-elles nécessaires, ou essentielles, existent-ils des conditions entre ces deux là : la mère et son enfant.
Il n'appartient à personne et surtout pas à moi, de juger, mais de tenter peut-être de comprendre, non le pourquoi, car cela qui sait ? Qui le sait vraiment au fond ? ni le comment, mais ce qu'il en advient
Il n'y a pas de remède, on ne force quiconque à l'amour, les filtres sont alors un mythe qui rassurent peut-être. L'amour est ou n'est pas, il advient ou pas...
Qui est vraiment coupable, La mère coupable de ne pas éprouver d'amour, d'amour pour cet être qu'elle a porté et mis au monde parfois dans la culpabilité et la souffrance ?
La mère incapable d'éprouver de l'amour car elle aussi en manque de cet amour là, un amour qui lui a fait défaut ? Nous n'épiloguerons pas nous ne savons pas? Nous n'en savons rien
L'anamour maternel presque toujours présenté comme une anomalie de la nature, une abomination, une monstruosité, qu'il conviendrait presque de punir, car cela fait peur !
Cet anamour là terrifie, renvoie à l'impensable et l'insoutenable, cette absence d'amour pour un être qui doit être forcément aimé par la femme qui la mise au monde....
Anamour versus de l'amour ? Les deux sont-ils complémentaires et inséparables ? L'anamour ne se parle pas, ne se dit pas, il n'est pas. Il n'a pas.
Etre et avoir ne feraient alors qu'un ? Ne pas être pour ne pas avoir, ne pas être pour ne pas avoir à aimer, ne pas aimer pour ne pas être ?
Etre au monde et n'avoir pas su naitre... Donner ou infliger une vie que personne n'a vraiment désirée ?
Anamour ?

mercredi 8 août 2012

Prendre Langue

Hier dans la soirée je regardais l'émission d'Arte consacrée à la littérature israélienne, une occasion pour moi de découvrir des auteurs inconnus, d'explorer d'autres mondes littéraires de nouveaux auteurs. Passionnée de littérature étrangère je ne rate jamais aucune émission de ce genre...
Pourtant ce n'est pas la littérature en elle même qui m'a interpellée, mais plutôt la langue. La question de la langue.
J'ai écouté attentivement Aharon Appelfeld parler de la langue et de son identité, comment cet homme qui avait survécu à l'Holocauste se vivait dans le pays qui était à présent le sien, où il vivait depuis plus de 60 ans : Israel.
Il évoquait son mutisme, cet arrêt de la langue, des mots qui ne voulaient, ne pouvaient plus sortir après le traumatisme de la mort de sa mère, de l'arrestation de son père, de sa fuite pour rejoindre les forêts de Roumanie et sa vie parmi les bandits... Il ne pouvait dire, mettre des mots, sans risquer sa vie, parler, dire était se condamner à mort, les mots qui tuent ! Seul le silence pouvait le garder en vie ! Envie de silence, sans mot dire, pour ne pas être maudit. Les mots de la mise à mort.

Il parlait de ce silence, de ce désir de vivre qui ne pouvait être et passer par et seulement par l'absence de langage ! A l'encontre de tout, de cette langue qui lie, qui fait lien, qui fait lien social.
Lien social ? Un lien social défait, qui ne tient plus qu'à un fil, celui de la langue et de la bouche qu'il ferme qu'il scelle du sceau de l'alliance...Celle de ?
Une langue perdue, enfouie, tapie au plus profond de son être, une langue qu'il n'arrivait plus à mettre au monde une fois le danger passé, là dans ce lieu et cet espace où les mots devaient être posés pour dire et expliquer; Plus de mot. Des mots qui ne viennent plus, qui ne s'ordonnent plus, qui restent coincés au fond de la gorge, qui ne peuvent franchir la bouche, les lèvres, pour aller au dehors. Au dehors des limites de soi.
Les mots de l'intérieur ne pouvant être mis au dehors.
Il explique ensuite pudiquement le conflit intérieur, celui de l'Heimatsprache, la langue de la mère, celle même de ses bourreaux, comment dire sa douleur avec les mots des assassins ?
Un conflit terrible et terrifiant que celui là. Une langue que beaucoup se sont alors interdit de parler, qu'ils ne pouvaient plus parler, comment dire sa souffrance avec les mots de ceux qui les ont conduits à la mort ? Comment ?

Une histoire de langue encore ! D'identité, Toujours :  D'être au monde, d'accoucher encore à ce monde dans une douleur inouïe, puis vivre, vivre avec tout ça.
La langue encore !
Aharon Appelfeld raconte les langues, toutes celles qui venant de partout résonnaient dans ce pays si vieux mais si neuf ! Les langues de tous ceux qui sont arrivés là avec pour seul bagage la langue de ceux qu'ils veulent oublier, qu'ils quittent pour tout recommencer.

C'est alors que le miracle encore une fois opère... Et la langue, celle d'un peuple oubliée, langue de quelques initiés, langue oubliée comprise uniquement par quelques uns renait alors de ses cendres pour unir, pour réunir un peuple dispersé et meurtri qui dans une force ultime est venue là chercher l'avenir et l'espoir ! Est venu par là rechercher la Langue. Est venu prendre Langue
La langue !
Trait d'union... Trait qui surgit pour unir, réunir ceux là mêmes qui éparpillés au delà des terres et des mers, sont revenus après des siècles d'errance.
La langue a bien été ce trait d'union entre les enfants d'une même mère ! Ces frères venus des quatre coins du monde pour retrouver enfin leur âme. Renouer avec le passé pour construire l'avenir !

Parler enfin la même langue, celle du Livre mais celle aussi de la Vie, du Livre de la Vie
Miracle ? Ou seulement volonté des hommes, celles de construire, de bâtir, de se relever pour exister encore ! Etre au monde toujours.
C'est aussi ainsi que le concept de langue maternelle prend ici tout son sens, sa valeur, sa vraie valeur,celle de la langue mise au monde après une longue gestation dans la matrice, Une histoire de femmes encore en quelques sorte, la langue de la Mère, celle de la Matrie !
Filiation divine mais aussi et terrestre à la fois, cette langue de la Mère, de la Terre Mère donnée et transmise pas la seule mère...
La langue.

dimanche 15 juillet 2012

Vel d'Hiv : La Rafle

Pour ne pas oublier je vous invite à regarder, diffuser ce film documentaire réalisé par Samuel Muller.
La rafle du Vel d'Hiv s'est déroulée du 16 au 18 juillet 1942 dirigé par Jean Leguay alors délégué de la Police de Vichy en zone occupée et René Bousquet le secrétaire général de la Police française. Ils se sont montrés particulièrement zélés.
J'ai souhaité partager ces liens ici. A la mémoire de ces victimes de la haine... Femmes enfants... Pour qu'ils ne soient jamais oubliés.

Durant l'été 2010, Samuel Muller a accompagné son père lors d'un voyage de mémoire sur les traces de la Shoah et de sa famille disparue.
Enfant, Michel Muller a été arrêté avec sa mère et sa soeur Annette lors de la Rafle du Vel d'Hiv en juillet 1942. Interné à Beaune-la-Rolande puis à Drancy, il réchappa à la déportation grâce à l'action de son père.

Du XXème arrondissement de Paris au sud de la Pologne, ce film retrace l’histoire de la famille Muller.

Réalisation et montage : Samuel Muller
Janvier 2011 - Durée : 71 min.


Un voyage pas comme les autres - un film de... par fondationshoah

A lire également :

Je vous invite également à la lecture de ce livre : Annette Muller, la petite fille du Vel d'Hiv (Editions Cercil, 2009)

Je cite la présentation qu'en a faite Samuel Muller.


"Annette, âgée de 9 ans, est arrêtée par la police française avec sa mère et ses frères lors de la rafle du Vel d’Hiv de juillet 1942.
8 000 personnes, dont 4 115 enfants, sont comme elle, conduites dans les camps de
Beaune-la-Rolande et de Pithiviers, surveillés par la gendarmerie française.
Arrachée à sa mère qui est déportée, elle se retrouve seule dans le camp de Beaune-la-
Rolande avec son petit frère, Michel, 5 ans.
Parmi ces 4 115 enfants, seuls quelques uns n’ont pas été déportés. Tous les autres ont été assassinés à Auschwitz.
Très rares sont donc les témoignages sur ces événements.
« Un beau livre d’abord où l’on aura plaisir à regarder les dizaines de photographies et les nombreuses
reproductions de documents d’archives d’une qualité parfaite et la plupart inédits. Un livre d’histoire et de micro-histoire avec un texte bien mis en page, enrichi de notes historiques de bas de page claires et précises et complété de quelques contributions d’historiens spécialistes.
Un livre émouvant qui rassemble deux témoignages dont on se souviendra longtemps. Le témoignage d’Annette Muller et celui de son père sont le coeur de l’ouvrage. Annette Muller a neuf ans quand elle est arrêtée avec sa mère et ses quatre frères le 16 juillet 1942 ; elle échappe à la déportation mais est arrachée des bras de sa mère qui monte dans un train pour Auschwitz.
Un dossier de documents d’archives permet de reconstituer les étapes de l’itinéraire du côté de l’administration. Manek raconte sa vie depuis sa jeunesse en Pologne jusqu’à sa longue cache dans la France occupée après qu’il ait perdu sa femme et caché ses enfants. » Joel Drogland.
Nous espérons que ce livre à la fois témoignage et travail historique, vous intéressera.
Il permet de reconstituer le processus qui a conduit à l’arrestation et à la déportation de plusieurs milliers d’enfants. Les études mettent en exergue les mécanismes qui ont conduit à séparer les mères de leurs enfants, à interner des milliers d’enfants seuls dans les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers, puis à les déporter alors que les nazis ne les demandent pas à ce moment-là"

samedi 7 juillet 2012

Comme tout le monde ?

Comme tout le monde !
Tout le monde... Aujourd'hui il semble que ce soit le leitmotiv partout, dans les journaux, les médias, les livres, les cabinets médicaux, les protocoles de développement personnel etc..
Etre comme tout le monde !  Avoir des défauts, des imperfections, être grossier, se laisser aller, écrire de manière phonétique... Tout le monde le fait, donc il ne faut pas s'inquiéter, sous entendons : c'est la norme !
La norme..
Un mot singulier et particulier aussi, qui décide de celle ci ? Existe t-elle au pluriel ou seulement au singulier ?
Convient-il de ne pas trop s'en écarter, de ne pas trop s'en approcher non plus,où se situe alors la norme de la norme pour être en plein dedans ? Into ?
Il ne faut donc s'effrayer de rien, pas plus des fautes d'ortographes que de ses kilos en trop, pour soit disant déculpabiliser les femmes, je ne sais plus quelle actrice posait nue et déclarait avoir de la cellulite, un corps disgracieux qu'elle n'aimait pas !
Nous voilà rassurés !
Elle se disait alors comne tout le monde, pas différente des autres, indifférenciée en quelque sorte, perdue dans la masse, l'indifférenciation.

Je me souviens d'un temps où les parents sachant que leurs rejetons n'étaient ni ne seraient jamais parfaits mettaient un point d'honneur à leur transmettre quelques valeurs fondamentales pour être polis, bien élevés, être à l'aise en société : Se tenir convenablement, manger selon des conventions "normées"... Les régles élémentaires de politesse, le savoir vivre qui aujourdh'ui n'existe plus que sous l'appelation métaphorique et fallacieuse de "compétence sociale", ou mieux encore "habiltés sociales"
Certains thérapeutes font même payer des honoraires très élevés pour apprendre à des personnes qui en sont dénuées les manières et les attitudes à adopter pour paraitre civilisés !
Curieuse société me direz vous ?
Alors ? La norme ?

Ne pas savoir se tenir à table, ne pas se lever pour laisser sa place à une personne qui en a besoin, passer devant la file d'attente, insulter la personne qui vous fait une remarque.... Tout le monde le fait, c'est comme ça maintenant ! Il faut s'y faire !
"Ce sont de "petites incivilités sociales pas bien méchantes... Ce sont des sauvageons, nous avons tous été jeunes... etc.."
Il faut être tolérant, sous entendu laissons faire, ne disons rien, puisque tout le monde le fait ! Mais ?
Une litanie que nous entendons tous et qui finit comme tout disque rayé à nous lasser, au moins à lasser certains qui eux, à très juste titre, considérent que ce ne sont pas des incivilités, mais des manques certains, de sérieux manques je dirai !
Tout le monde.. Ainsi on ne met plus la barre haute, on la descend, on tend non plus vers le meilleur, mais plutôt vers la médiocrité, celle ci semble plus accessible, donc plus rassurante...
Les ragots des stars du show biz et de la politique font le bonheur d'un certain public qui voit qu'ils sont comme eux, qu'ils se chamaillent aussi, se trompent, prennent des kilos, grillent des feux rouges,conduisent en état d'ivresse... Tirant vers le bas l'image plutôt que vers le haut !
Le processus identificatoire en prend un sacré coup du même coup...

Se laisser aller à ses pulsions, sans retenue, oublier, s'oublier, en actes, en paroles...
Agir, ne pas réflêchir, oublier que les actes et les mots peuvent avoir des conséquences, blesser l'autre
L'autre ?
Mais quel autre ? Où est-il ? Celui là est au mieux l'enfer au pire il n'existe pas.
Car chacun de ceux là se croient seuls, la rue, le monde leur appartient, ils l'occupent sans se soucier de l'autre possible occupant lui aussi, ils sont seuls lorsque dans le métro ils hurlent dans leur portable, tondent leur pelouse, taillent leur haie, roulent à toute vitesse, fument dans les lieux interdits.
Interdits.. Quid de ce mot ?
C'est aussi là que ça coince, interdits, ceux là mêmes qui jamais n'ont été posés, ni par des parents défaillants pas plus que par une société trop indulgente qui a défaut ou par peur de condamner excuse et pardonne avant même d'avoir fait le bilan, avant même d'avoir expliqué et fait prendre conscience.
Conscience : Encore un de ces mots qui coince..

Alors tout le monde ? Faire comme tout le monde signifie t-il : ne pas avoir de retenue, manquer d'éducation, ne pas réfléchir, faire ce qui nous passe par la tête, satisfaire immédiatiement toute pulsion au mépris de l'autre, vivre pour vivre l'instant présent, ne pas savoir différer ni besoin ni envie, en plus savoir se situer dans le désir, ne pas savoir remettre à demain, ne pas savoir attendre, ne pas prendre conscience de la valeur des choses, de la vie,de sa vie et de celle des autrre
Est-ce alors réélement exister ? Etre dans le lien social ?

La perfection existe peut-être ! Du moins existe l'idée qu'on s'en fait, l'atteindre peut représenter l'inaccessible quête, mais la Quête ! Elle est possible, partir à la rencontre de l'autre, mais de ce je qui est aussi un autre, à l'intérieur de soi, ar si on ne respecte pas les autres, comment peut-on avoir du respect pour cet autre qui est soi ?
Tendre vers... Essayer de.. Améliorer... Faire encore mieux...?
Ne pas être comme tout le monde alors, s'en distinguer, être différent, singulier et unique, cultiver cette singularité là qui fait que chaque sujet est un, et non pas une partie d'une masse où tout est indifférencié, où tout se ressemble, ou le sujet n'a pas de place...
Etre un sujet avec ses qualités, son identité, ce "petit quelque chose" qui fait qu'on le reconnait, cette particularité là... Qui fait que Je s'il est un autre, est aussi un Je différent d'un autre Je
Un sujet qui a enfin pu émerger du Chaos !

vendredi 29 juin 2012

La mort de l'enfant

La mort d'un enfant
Impensable, impossible, inimaginable, inenvisageable...
Et pourtant !
L'actualité nous prouve le contraire, souvent, trop souvent, et récemment encore !
Comment imaginer la douleur, car il n'y a pas d'autre mot que celui là, la douleur des parents devant la perte d'un enfant ?
Perte. Perte insurmontable car perte pour toujours, perte éternelle, et souffrance qui l'est tout autant.
On ne se remet pas, on ne guérit jamais de la mort d'un enfant, on survit tout au plus, tout au moins. On reste à jamais dans le manque, ce manque qui non seulement s'inscrit dans le quotidien mais qui hante le futur, car là, le temps n'arrange rien, le temps n'apaise pas, loin de là.
Il creuse encore un peu plus le sillon, la peine.
Chaque jour, chaque minute, chaque année qui passent, passent dans le manque, dans le manque de l'enfant parti à tout jamais. S'il était là, s'il avait été là...
La vie ne se poursuit qu'à travers cette condition. Ce si. Ce conditionnel, ce futur qui ne peut être qu'antérieur.
Mort de son enfant, mort de l'enfant...Voir un enfant mourir n'est jamais dans l'ordre des choses à ce qu'il parait. Comme s'il y avait un ordre des choses, de la vie, de la mort. L'enfant survit à ses parents, qui survivent ainsi à travers lui, qui vivent au delà, éternellement, encore et encore...
Filiation et génération.
La mort d'un enfant n'est pas seulement un drame, une tragédie pour celui, pour ceux qui restent, condamnés à vivre à perpétuité avec cette mort là, cette ombre là, cet enfant qui n'est plus, qui devait pourtant être et leur survivre.
Vivre devient une torture épouvantable, une blessure béante qui ne se referme pas, une plaie ouverte toujours !
Survivre ? Vivre avec sans. Mais comment faire ? Car il faut faire, malgré, malgré tout, malgré sans.
Alors il faut faire avec ce sans, pour les autres, qui sont là, encore là ! Encore là et rappellent un peu plus celui qui manque, qui n'est pas et ne sera plus jamais au rendez vous !
Imaginer la peine, la souffrance, le chagrin, la douleur, la déchirure n'est pas possible quand on ne l'a pas vécu. N'est pas pensable.

Il faut avancer tant bien que mal, ou plus mal que bien sur ce chemin de peine, de désespoir, faire taire ses larmes, faire semblant souvent ! Le plus souvent !
Il faut aller, aller dans le temps, qui n'a plus vraiment de sens...Un temps au rythme singulier, qui n'a du sens que par l'absence de la présence, celle de l'enfant pris, ravi pour toujours, parti au delà du temps, comme dans une autre dimension. Celle d'un autre temps, celui du passé transcendant sans cesse le présent pour construire le futur, un futur sans. Un temps qui s'égrène tant bien que mal dans la misère de l'âme, à l'ombre d'un visage, d'un rire, d'un mot.
Un temps qu'on aurait voulu retenir, contenir dans l'instant, le moment...
Un temps hors du temps, une sorte de parenthèse folle retenant prisonnier pour ne pas oublier ! Maintenir en retrait d'un monde indécent poursuivant sa course au mépris du chagrin de celui qui reste pour errer aveuglément parmi les ténèbres.

Le temps sombre, obscur, nébuleux qui s'écoule, immuable, et la vie ! Là présente, constante et insultante qui se poursuit sans lui, comme si cette présence de l'absence ne changeait rien...Pourtant !
Un ricanement absurde, un déchirement atroce qui ouvre encore un peu plus la terrible blessure.

Il y a comme ça des cicatrices qui ne se ferment pas, des blessures qui ne se réparent pas, jamais, il y a comme ça au fond du regard une sorte de lueur éteinte pour toujours. Une sorte de mauvais rêve dont on ne se réveille jamais.

Longtemps Elle a gardé prés d'elle, contre Elle, ce tee shirt tâché du sang de son enfant, mort dans ses bras, tout petit enfant, qu'elle a serré en priant un dieu pour qu'il lui laisse la vie, quitte à prendre la sienne, qu'il lui laisse le temps, encore du temps..Qu'il lui laisse encore pour un temps, tout le temps.
Longtemps Elle a gardé ce sang sur ses mains, ses mains pressant la plaie béante pour que ce sang ne quitte pas ce petit corps sans vie. Pour qu'il le maintienne en vie, encore !
Longtemps Elle a refusé de croire que la vie était partie, qu'il en était fini ! Qu'elle s'était échappée de ce petit corps, à présent inerte, ce petit corps qui l'instant d'avant débordait de vie, cet enfant qui jouait là avant qu'un fou ne vienne lui ravir sa vie, cette vie, ce soleil qui illuminait sa vie à elle aussi !

Une mère ne peut devenir que folle quand elle perd sa chair, quand elle perd son petit !
Elle ne peut que rester folle, seule, dans sa douleur, face à sa douleur, toujours !

Longtemps Elle a gardé ce vêtement taché de sang.... Elle ne sait plus avec toutes ces années ce qu'il est devenu.. Mais son enfant lui n'est plus. Plus jamais, plus là. Elle vit, survit et pleure ! Parfois
Il n'y a jamais un jour, une minute ou une seconde sans qu'elle pense, y pense, même si elle continue la route, avec ce manque, ce sans, ce vide, qu'on appelle pudiquement la mort !
On ne se remet jamais de cette mort là !

A Jayne, pour Jayne. Avec toutes mon affection, ma tendresse et mon amour. Aux autres aussi...

jeudi 21 juin 2012

Exposition Les enfants dans la Shoah



En lien cette vidéo sur l'exposition.
J'ai simplement eu envie de la classer dans la rubrique "vie"

samedi 16 juin 2012

J'aurai bien aimé !

"J'aurai aimé des fleurs...un coup de fil, un petit mot, un petit geste, quelque chose
J'aurai aimé qu'on pense à moi, ou même qu'on fasse semblant, qu'on fasse un signe.."

Fête des mères encore, amère et éphémère, terrifiante et bouleversante, quand de fête il n'y a pas, quand il n'y a rien
L'an dernier encore je réagissais suite aux mails et MP de mes lectrices. Aujourd'hui, je leur dédie ce billet.
A toutes les oubliées, celles qui ont donné, temps, amour, tendresse à ceux et celles qui ne les voient plus, ne les voient pas. Quelle est douloureuse cette transparence là... Presque comme les messages que j'ai reçus.

J'aurai bien aimé...

J'aurai bien aimé qu'on se souvienne de moi, qu'on me dise que quand même malgré tout, je suis là...

La douleur de l'oubli ne m'est pas étrangère, combien de fois ais je pu la voir et l'entendre dans cet espace de violence originaire que représente l'hôpital, voir ces mères, déposées, laissées, abandonnées, à leur souffrance et leur solitude, leur isolement avant la fin, car on ne saurait les voir!

Qu'il est dur de vieillir ! De ne plus faire partie des vivants, de ce monde là où pourtant on erre encore malgré tout... D'être encore vivant, mais seulement un petit peu, juste un peu, pour ne pas être mort vraiment !

Qu'il est dur alors de devenir et d'être un fardeau, d'encombrer et de ralentir la marche, celle avide des vivants et des bien portants, qui ne supportent pas de voir en miroir ce qui un jour les attend !
Aussi, à leur tour !
Qu'il est dur d'être seul ! De ne plus être accompagné ! Seul sur le chemin de pierres à attendre la fin, celle qui délivrera enfin de ce face à face terrible, de cette rencontre sordide avec l'image qui chaque matin fait grincer les dents !

Le temps est implacable, car la mère, la vieille délaissée, si elle n'en n'a plus beaucoup, de temps, n'en manque pas vraiment, seulement voilà, ce qu'elle attend, ceux qu'elle attend, n'en n'ont plus, ou ne le prenne pas ! Pour elle cela s'entend car elle ne fait plus partie...Partie de leur espace, de leurs pensées puisqu'ils sont partis, ainsi va la vie !
Ce temps qui vaut de l'argent, ce temps dont ils sont avares, qui n'appartient qu'à eux et aux leurs..
Aux leurs ? Quel leurre ?

Plus le temps de lui rendre visite, de lui passer un coup de téléphone, de s'inquiéter de sa santé, de son bien-être. De lui demander comment elle va, d'entendre sa voix...
Plus le temps de prendre des nouvelles....
Plus le temps de lui souhaiter son anniversaire, la fête des mères !

Elle attend, pourtant ! Elle attend et guette ce petit signe, ce geste d'amour qui lui montrera qu'elle existe encore, elle si vieille et si seule qu'elle compte encore un peu, au moins pour quelqu'un, pour l'enfant qu'elle a mis au monde, élevé, aimé et aime encore, car l'amour, cet amour là, est pour la vie, à moins que ?

J'aurai bien aimé, dit elle, les yeux remplis de larmes ! Abandonnée aux bons soins (ou mauvais) de la maison de retraite, ou dans son appartement, sa maison ! Loin. Pas forcément toujours, mais loin quand même !
Où est alors le temps ? Elle qui a donné tout le sien ? Qui a tout le temps d'attendre un geste qui ne vient pas... Parce que ?

J'aurai bien aimé !

vendredi 8 juin 2012

Sur vivants encore

J'ai souvent écris à propos des survivants, de ceux qui sont là encore, rescapés de l'horreur, de la terreur, des massacres et de la haine, j'ai souvent écris au sujet de leurs enfants, petits enfants, enfants de la nuit, qui tentent de combler le vide, le manque...Qui tentent aussi de s'inscrire quelque part, de chercher la place qu'ils peuvent prendre dans cette généalogie là, celle où il manque, à tout jamais, où la trace est effacée, niée encore et encore..
Généalogie de l'impossible impensé, impansé et impensable !

Enfants de la nuit, qui n'ont pas un endroit où se recueillir, où panser leur peine est impossible!
Bien sûr ce n'est jamais par hasard si une histoire nous touche, écrire à son sujet aide souvent à prendre la mesure, le rythme de sa souffrance, et déposer le fardeau si lourd qui pèse sur tant et tant d'épaules fragiles.
Enfants de la nuit hantés par les fantômes et leurs murmures qu'ils tâchent de déchiffre, maladroitement souvent, mais comment faire autrement, quand il manque, quand celui d'avant n'a pas transmis, n'a rien donné, car il n'en n'a pas eu le temps. Comment décrypter alors ce qui reste à jamais enfoui au fond de la crypte ?

Il faut alors entendre...

"Mon père et moi nous ne nous sommes jamais vraiment rencontrés, je crois, nous ne parlions pas la même langue, oui, c'est bien cela, une histoire de langue, nous ne pouvions nous comprendre ! Je ne pouvais pas comprendre ce qu'il ne disait pas...
Nous nous sommes côtoyés, à peine peut-être, un homme qui me faisait peur, qui entrait dans des colères terribles, indescriptibles et qui disaient des mots que je ne comprenais pas !"


Bribes et fragments...Ultimes traces...

"Cette femme était tellement défaite, une ombre qui parlait seule, qui parlait aux fantômes, nous nous moquions d'elle souvent, nous ne comprenions pas ce qu'elle racontait, une drôle de langue... Une vieille femme digne pourtant qui ne sortait jamais sans son chapeau ni ses gants...."

Et puis

"Mes copines allaient au catéchisme, pas moi, quand je demandais pourquoi, on me disait parce que, je n'ai jamais eu de réponse"
"Je n'ai jamais rien compris à cet homme, il était en colère tout le temps et ne parlait jamais, il me faisait peur, il y avait de la mort dans son regard, oui, c'est ça, quelque chose de mort..."
"Je ne sais pas comment je suis là, à vous parler, à être là devant vous, je ne sais plus, j'ai survécu et puis voilà, je suis là, je me suis caché sous des cadavres, je sais, c'était froid, je me souviens, des barbelés, et puis, je suis là. je ne peux même pas pleurer, je suis tout seul..."

La mort, le froid, qui glace

"Ma mère a toujours rasé les murs, elle avait peur qu'on la voit, qu'on nous voit, il fallait que personne ne nous remarque, elle parlait doucement, faiblement, presque des chuchotements..."
"Il y avait des vieilles photos mais personne n'en parlait, je demandais qui étaient ces gens, leur nom, où ils étaient... Personne ne répondait ! "
"L'instituteur m'avait puni à l'époque parce que je n'avais pas fait l'arbre généalogique de ma famille, je lui avait pourtant expliqué que j'avais demandé à mon grand père et que celui ci avait dit "il n'y a plus personne"..."

Enfants de la nuit, échappés des ténèbres.... rescapés de l'enfer des autres, orphelins de leur histoire et des leurs...
Quelques traces peut-être murmurées du fond de leur âme, ultime reliquat de ce qui a été nié et détruit pour que rien de leurs Pères ne subsiste, et pourtant ils sont là, ils sont vivants, vivants parmi les morts, avec quelque chose de mort peut-être au fond de leur abime et de leur douleur.
Il en subsiste des mots, qui mis les uns au bout des autres en font une histoire, la Nôtre, l'Histoire qu'encore aujourd'hui certains essaient de leur voler, de leur confisquer, de leur ravir, pour les tuer encore ! Les effacer une fois de plus ! Une histoire que nous devons inscrire pour toujours dans celle de l'Humanité, pour démontrer à ces mêmes à quelle point elle peut être inhumaine.

Derniers témoins... Ich bin, du bist, er ist der Letzte Zeug ! ...  Celui d'une histoire qui n'en finit pas de vivre ni de mourir à la croisée des chemins d'Eros et Thanatos...

Pour eux, pour mon père. Aussi. Un peu. Il ne m'a jamais rien dit, ne disait pas qu'on lui avait arraché, volé une partie de son adolescence ! Qu'une part de sa vie gisait quelque part dans un coin de l'Enfer ! Il en est revenu... Pas tout à fait, presque seulement !


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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
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Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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