Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

jeudi 25 août 2011

Qui ne dit mot

Qui  ne dit mot....

C'est une réflexion d’une discussion avec un ami, à propos des allemands. C'est un post que j'écrivis au sujet de cette réflexion là....A propos des camps. A propos de ces moments là... Là bas

S'il est vrai que les allemands et je le souligne encore et encore ne furent pas tous nazis, SS, s'il est vrai aussi qu'ils furent les premiers à être arrétés, à être parmi les premiers dans ces camps de l'horreur
S'il est vrai qu'ils vinrent en France nous dirent, nous mettre en garde (il suffit de relire Hannah Arrendt)

Si tout cela est vrai, il n'en demeure pas moins que....

Lors de mes dernières vacances j'ai relu mes carnets, ceux que j'écris lorsque je voyage, non élaborés, ce sont de simples notes. Pas même des billets.
Voilà celui de .... Lorsque pas très loin de Berlin, nous avons voulu voir...

Mardi 2 juillet 2002

J'ai l'impression de dormir et de ne pas me souvenir de la veille
Nous visitons le camp (Oranienburg). Précisons les difficultés que nous avons pour en trouver le chemin... C'est difficile quand il fait froid. Nous n'avons pas déjeuné, il est assez tôt, 9 H du matin, les enfants dorment encore
Arbeit macht frei..On nous remet un plan, pour comprendre l'organisation du système concentrationnaire
Arbeit macht frei, la devise est toujours là, arrogante, cinglante, cynique
 Sinistre accueil... Sinistre, sombre
Je suis fatiguée, c'est assez différent de ce que j'imaginais, en fait, tout a été dépouillé de tout, difficile de transcrire mes impressions, j'ai du mal à les exprimer, je pensais simplement éprouver beaucoup plus d'émotions
On les a dépouillé de tout, de leur vie, du souvenir de leur vie, de la mémoire de leur vie, pour le présent et le futur
Plus rien, comme s'il fallait effacer toute trace, trace de vie, d'eux, de leur passage
Effacer pour qui, pour que qui ne se souvienne pas, oublie ?
Je ne comprends pas, je suis tétanisée, incapable de penser devant telle horreur, cataclysme, comment cela peut-il être l'oeuvre de l'homme,
J'avance, hébétée, je pense à eux qui étaient là, qui comme moi ont marché là, mais je n'arrive pas, pas à imaginer, j'ai cette impression de rien, de plus rien, de néant, comme si on s'était acharné à gommer, effacer, araser, pour que même plus tard, on en puisse plus voir, entendre.
Un silence et un froid effroyable, je suis mal, très mal, j'avance comme une ombre parmi les ombres, glacée dans cet endroit glacial, sans plus d'âme, dépouillé d'humanité...
je suis mal.
Nous nous dirigeons vers le "musée" ( Gendenstätte und Museum Sachsenhausen) fait par les soviétiques, nouvelle plongée dans l'horreur, ces malheureux ont été "délivrés" par les troupes de Staline ! De nouveaux bourreaux ! Pendant des années encore ! Nous nous rendons au "Barake 38" une exposition est consacrée à l'histoire des déportés juifs. Je me sens mal, très mal.
Comment peut-on imaginer cela, l'horreur et encore l'horreur, tuer la vie, tuer la vie, là où il peut encore y avoir une étincelle, pourquoi ?
Nous sommes mal, nous avons froid...


Relisant ces lignes, je me revois, je revois, tout, comme un film qui se déroule, là, à cet instant sous mes yeux, je pense à ce qu'a écrit mon ami, je pense et me dis qu'il a peut-être raison, qu'il a sûrement raison.. Que quand même !

Alors j'entends notre conversation

Mon mari, qui regarde autour de lui, me regarde et me dit
Quand même toutes ces maisons, tous ces gens, tout... Comment ne pouvaient-ils ne pas savoir ? Comment pouvaient-ils faire pour vivre là. A ce moment là ?
Et vivre ici, à ce moment çi

Ces questions prennent alors toutes leur dimension, toute leur importance.. Tout leur questionnement
Savoir, ne pas savoir, voir, ne pas voir, se taire, ignorer... Ne pas voir, ne pas entendre, ne pas parler..
Faire semblant de
Pour...

Et de me rappeler un été, une journée d'été, pas très loin d'Eisenach... Adolescente....Catherine me dit alors.
"Tu sais qu'a quelques Kms il y a Buchenwald ?"
Vivre là, sans le savoir, car personne n'en parle, n'en parlait alors, de ces lieux chargés trop chargés de mémoires, de celles des bourreaux, des victimes et de leurs spectateurs, impassibles et muets, sourds et lâches peut-être. Témoins encore de la honte d'un passé dont personne ne peut-être fier !
D'un passé si simple et tellement présent encore aujourd'hui, d'un passé dont on voudrait faire table rase, pour oublier à quel point l'homme peut-être lâche, peut ignorer ce qui peut-être ne le dérange pas plus que cela, parce que...
Parce qu'il en est ainsi, parce qu'il a peur, pour lui, sa vie et que
Que finalement ce ne sont pas des hommes, des femmes, des enfants qu'on assassine, mais des numéros
Comment peut-on tolérer cela
Comment ne pas voir ces convois, ces trains...
Comment ne pas deviner cette horreur ?
 
Et nous,  qu'aurions nous fait, nous, alors si nous avions été allemands la bas et autrefois ?
Qu'aurions  nous dit ?

Et de me souvenir de ma grand tante, qui refusa alors pendant des années de parler cette langue, qui pourtant...
De me raconter cependant les contes et les histoires dans cette même langue ou sa langue à elle, celui de la victime et du bourreau..
Qu'aurions nous fait alors si nous avions été tout simplement et seulement allemands ?

Mais quand même, qui ne dit mot.... Consent ?

Brigitte Dusch, psychanalyste.
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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