Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

vendredi 31 juillet 2009

L'ultime liberté.

"Tentative de suicide...A voir d'urgence"
Combien de fois ais-je entendu ce message....
Combien de fois ais-je entendu ce désir d'en finir, de mettre un terme ...End. Game over !
Ce souhait de na pas aller plus loin, plus avant, cette non en vie, mais cette en vie d'aller ailleurs, voir ailleurs ! Se faire voir dans un autre ailleurs ?
Tabou que ce désir là.... "TS" inscrit en marge sur les dossiers, chuchotements presque honteux des équipes soignantes des unités non psychiatriques, commentaires superflux parfois, souvent "quand même... A son âge, (comme s'il y avait un âge correct pour mourir)...il ou elle a tout pourtant."
Propos reflétant l'angoisse, la peur, l'effroi devant celui ou celle qui a osé, qui a osé transgresser, transgresser la loi, celle posée par les hommes, une loi pas écrite, mais tacite, atavique, morale, religieuse, empreinte et mélée de tout ça, ensemble, noué, tressé.
Interdit !
Interdit de se donner la mort, de décider de son dernier jour, de son dernier Banquet, de sa dernière cigarette, de son dernier verre...
Interdit, c'est comme ça, comme si la mort, sa propre mort n'appartenait pas à soi, n'était pas le bien du sujet, pas le droit de dire c'est fini, end game, end... pas toujours happy !
Comme si le sujet ne disposait pas de sa personne, de son corps de chair, de sang, d'âme peut-être ?
On ne se donne pas la mort, c'est comme ça ! On ne s'offre pas ça !

Interrogations et débats sur le suicide, sur cette permission de mettre un terme à sa vie, de décider que c'est le dernier jour pour soi dans le monde des vivants. Les Anciens n'avaient pas l' approche actuelle, cette peur, ce souci, ce non dit. Le suicide n'était pas tabou, il était permis et n'inspirait ni mépris ni crainte ni désapprobation. Seule issue en certaines circonstances, douleur insupportable, ne pas tomber entre les mains de ses ennemis, ne pas trahir ses amis. On reconnaissait un certain courage à celui qui décidait d'en finir..
Les Stoïciens considéraient cet acte comme une "liberté suprême", décider de mourir et non attendre que la mort vienne prendre, sournoisement...
Les religions, les dogmes, les croyances ont rapidement mis la main sur cette "ultime liberté" que l'homme créature soit disant divine s'était accordée !
Création d'un dieu, l'homme n'avait pas et ne devait pas disposer de son corps, ni de son âme, l'enfer attend le suicidé, qui ne partage même pas le carré de cimetière des morts dogmatiquement corrects, ni même la fosse commune !
Maudits soit -ils !
Ils ont transgressés, bravés l'interdit suprême et défié dieu, un dieu crée à l'image de l'homme...!!! Qui seul donne la vie, et qui seul la reprend, quand ? Quand il a décidé que s'en était fini, pour la pauvre marionnette dont il tirerait les ficelles du haut d'un nuage perché dans le ciel... Pauvre humanité !


Pourtant on donne la mort, au nom de ce même dieu parfois !

En toute légalité, certains pays n'ont pas aboli la peine de mort et condamnent d'autres à mourir, mais condamne ces mêmes s'ils ont voulu ou donné la mort ! s'ils ont voulu se donner la mort
La guerre ? Que dire de cette peine de mort, de ce devoir de mort, encouragé, par la religion elle même, on bénit encore les troupes partant aux massacres !
Mort ! Pas d'égalité dans ce désir, ce vouloir là...

Se tuer, décider de sa mort c'est aller à l'encontre des lois des hommes, de la société, de la Vie, du sacré de la vie..
Encore aujourd'hui, on ne parle pas des suicidés, c'est un secret, de famille, de polichinelle... C'est quelque part honteux de refuser ce cadeau qu'est la vie, pour préférer hâter sa fin, vers un inconnu dont on ne reviendra jamais !
Pourquoi vouloir mourir ?
Il y aurait tant et tant à dire, entre cette volonté d'en finir, cet SOS, ultime bouteille à la mer, ultime tentative de vivre
Je meurs parce que je veux vivre, je décide de mourir parce que je souffre dans mon âme, au plus profond de moi, de mes tripes et personne n'entend, personne ne voit, personne ne regarde !
Ultime appel ! "M'aider, mayday...Médée...." S'il vous plait, ne me laissez pas au bord du chemin
Ultime solution, dernier recours, je n'en peux plus, je ne sais pas comment m'en sortir, je ne sais plus, j'ai touché le fond, c'est fini....
Plus de gout à rien, plus envie, plus d'en vie, parce que mort déjà au fond de soi
Le suicide prend de multiples visages, diverses facettes....Quand l'insupportable, le plus supportable, le non tolérable... Quand le sujet n'en peux plus, ne peux plus faire façe, qu'il ne peut plus voir de lumière dans son ciel à jamais obscurci, vaste continent noir, trou sans fond, tourbillon insensé de souffrances, de douleurs, de misères et de maladie
Sans issue, no futur, pas de retour possible, il ne reste alors plus rien que la mort, et si celle ci ne vient pas, alors il convient de la hâter un peu, d'anticiper, puique elle sera un jour au rendez vous. Alors pourquoi ne pas le fixer soi même ce rendez vous là, et ne pas le manquer....
Justement parfois il est manqué, raté, juste une tentative....

mardi 14 juillet 2009

Antique...

"Dans le monde des hommes, il n'est question de justice que lorsque les forces s'équilibrent, sinon les puissants exigent et les faibles s'inclinent"



Ainsi écrivait Thucydide, in la guerre du Péloponèse V, p. 84...
Cela fait des siècles, mais cette réflexion me semble bien actuelle, et je vous invite à y réfléchir avec moi...Si cela vous dit ?

samedi 11 juillet 2009

Le dernier jour

"Vous feriez quoi, s'il ne vous restait qu'un seul jour à vivre" me demande un patient, en souriant....A demi. Quoique ?
A vrai dire je n'en sais rien, tous les jours sont les derniers, peuvent être les derniers, et je ne me suis jamais vraiment posé la question de cette ultimité, donc la question de cette certitude que je me lève un matin pour entamer mon dernier jour...
Le dernier matin...
Mon dernier matin...
Mon dernier jour !
La question est néanmoins interressante, soulignant par là, cette possibilité d'ici et maintenant, pour une fois, la dernière une bonne fois pour toute
Les jours se succédent et ne se ressemblent pas, on ne se baigne jamais dans le même fleuve, on ne regarde jamais le même ciel, on ne vit jamais les mêmes choses...
Chaque jour est alors nouveau, avec une possibilité de non lendemain, encore faut-il avoir ça présent à l'esprit?
Ce que nous n'avons pas, forcément, toujours... ?
Est-il, serait-il possible alors de vivre avec cette possibilité là, se dire que le jour, l'instant présent est, peut-être, le dernier ?
Comment envisager une telle possibilité ? Eventualité ?
Il convient sûrement de ne pas prendre au pied de la Lettre, encore que, chaque jour qui passe ne se ressemble pas, même si cette impression de déjà vu nous colle à la peau
Une sorte de répétition, demain, même heure..... Une répétition fatiguante, rassurante...
Répétition, mais pas à l'identique. Jamais, cela ne se peut...Pas de copié, collé, l'émotion, l'affect, la situation, rien n'est jamais semblable. Pas de mêmeté.
Donc chaque jour singulier est le dernier et demain sera un autre jour, demain est un autre jour..
Mais s'agit-il du dernier jour, ici, et maintenant, sur cette Terre, dans cette vie... ?
Dernier jour avant un ailleurs ? Mais quel ailleurs ?
Y a t-il vraiment un dernier jour ? Du moins un jour identifié comme tel ? Oui à postériori, mais nous ne pouvons pas le savoir, puisque nous n'aurons jamais connaissance de cet ultimité. Il sera alors le dernier pour les autres, l'autre que soi... Mais pas le dernier pour soi.

Non, logiquement alors à priori, ni dans l'instant présent, dans l'ici et maintenant.
Sur l'échelle du Temps ?
Nous ne sommes pas les maitres du temps, il nous échappe, s'enfuit, file au fil du temps qui passe... Nous ne sommes pas non plus dans la maitrise de celui ci, même si nous en sommes les gestionnaires, que nous apprenons à l'être, pour soi disant mieux vivre sa vie, mieux la remplir, ne pas laisser de place à un vide éventuel, qui pourrait...
Qui pourrait quoi ?
Laisser justement la possibilité d'ouvrir une fenêtre sur le passé ou le futur..Au sein même d'un présent qu'on pourrait supposer intenable ?
S'agit-il alors de vivre pleinement chaque jour qui passe comme le dernier... Comme s'il n'y en aurait plus d'autre, plus jamais... L'ultime alors que ce jourd'hui.

Et alors quoi ? On en fait quoi de spécial de ce dernier jour là... On fait quoi de spécial ce jour la ?Qui ne sera peut-être pas le dernier, puisque demain sera, et un autre supposé dernier succédera encore, et encore, et encore ?
Supercherie de croire que cette fois c'est le bon, ou le mauvais, que demain ne sera pas, mais si c'est le dernier c'est toujours ça de pris, mais pris, quoi et sur quoi, et à qui ?
On prend quoi quand on vit ?
Envisager alors la vie comme un combat, une lutte, mais contre qui ?
On ne se bat pas seul, pour rien, on se bat, contre, pour.... Il y a un objectif, une récompense, une possibilité,
Ici laquelle ?
Eternelle question que la vie, le sens de celle ci, si toutefois, sens il y a.
Le dernier jour n'existerait alors pas, il ne serait qu'une vue de l'esprit, une illusion encore, un espoir ultime de mettre fin...?
Le dernier jour du condamné, qui attend comme une délivrance.. Mais qui ne peut finalement profiter, si profit il peut y avoir de cette dernière possibilité... Condamné à vivre le dernier jour de sa vie, sachant que demain ne sera pas, car d'autres ont décidé pour lui.
Dernier jour, dernière étape sur le calendrier, avant de franchir le pas, vers un inconnu, vers le vide et le néant, pour l'éternité.
Le dernier jour, de celui qui décide de mettre un terme, d'écrire le mot fin...Décision, dernière volonté. Responsabilité ?
Quid alors de ces derniers jours, de ces derniers moments dans le monde des vivants ?
Qui sait ? Qui peut dire ? Qui peut faire ?
Alors cette notion de dernier jour, de vivre ce jour d'hui comme s'il était le dernier ne serait encore qu'une illusion, une tromperie de l'esprit comme seuls peuvent en construire l'homme, les hommes pour oublier cette condition humaine, cette non immortalité, compensant par ailleurs avec cette volonté, ce désir de pouvoir s'en affrenchir, alors que la vie et l'ultime finalement ne lui appartient même pas ?
Pourtant chaque jour est toujours le dernier, car celui qui suivra ne lui ressemblera pas, comme "le soleil est nouveau chaque jour*"

Héraclite, cité par Aristote in Meteorologica, II, 2, 354 b33

mercredi 8 juillet 2009

La patience

J'apprends la patience,



Tous les jours
Depuis de nombreuses années
Depuis mon enfance. Etre patient était d'ailleurs présenté comme une qualité, une vertu, qu'il nous fallait cultiver. Apprendre.
Encore un de ces concepts un peu vieillots, démodés, à l'heure du zapping, du clic, de l'immédiateté.
Aujourd'hui on veut tout, tout de suite, satisfaire immédiatement une envie, un désir, d'ailleurs ces mots n'ont plus guère de sens, on désire une paire de chaussettes comme on a envie d'un hamburger... On donne à croire que tout est possible tout de suite, on devance presque le désir, le souhait.....
Alors la patience !
Etre patient, suppose que nous soyons capable de différer, de nous soumettre à des contingences ....Que nous puissions repousser le désir, l'envie, le besoin...Le remettre à plus tard.

Mais parfois cette patience nous est imposée, nous devons la subir, c'est une contrainte, et être patient ne se pose alors pas en terme de choix, nous devons peut-être faire face à :
Anxiété, angoisse, peur...Toutes ces émotions peuvent alors surgir, nous envahir, car confrontés à cet insupportable parenthèse qu'il faut subir, malgré soi, malgré notre désir, notre envie. Malgré nous.

Elle s'impose alors, s'intruse, car de choix, il n'y a pas. Nous voilà confrontés, que nous le voulions ou non, à une sorte de mur, infranchissable ! Incontournable.
La patience....!
Le temps....Entre....Le désir différé, l'action reportée...
Quand ?
Le Temps.
Le mur du Temps. Un temps qui ne se compte plus, qui ne s'égréne pas aussi vite que l'on voudrait, qu'on ne gère plus, qu'on ne maitrise plus.
Une sorte de lutte inégale avec lui, un combat perdu d'avance, il faut être patient, inutile de vouloir être gagnant. Peine perdue ! Nous voilà devant.
Alors on peut faire face, essayer, tenter, lui faire face, ne pas courber l'échine, ne pas se laisser aller. Ne pas renoncer.
Il ne s'agit pas d'engager un bras de faire, avec les Seigneurs du Temps, ils sont plus forts que tout, que nous, mais de tenter de faire, de penser, d'imaginer, de mettre en mots... De prendre en compte ce temps qu'ils laissent avant...
Avant ? Mais avant quoi ?
Il conviendrait alors d'établir une relation entre la patience et l'attente, la patience en attendant, qu'il se passe quelque chose, la patience serait donc un moment inter méde...Entre deux..
Cela suppose un objectif, la patience ne serait pas une fin en soi, un objectif à atteindre, mais une contrainte, une épreuve.
Une mise à l'épreuve du temps, du temps qui ne passe pas aussi vite qu'on le voudrait, car on voudrait tout de suite, tout ! un temps qu'on voudrait raccourcir, condenser.
Pour arriver plus vite, obtenir plus vite.
Patienter alors pour quelque chose, un but, un objectif, une rencontre
Patienter ? Il faut alors que ça vaille le coup....Vivre le présent inconfortable pour un éventuel futur, inconnu qui se profile au fond d'un horizon incertain.
Attente de ce futur ? Croire en ce futur
Patience en vue d'un espoir ?
La patience confronte le sujet au vide, au vide de l'absence de solution immédiate, de satisfaction, un vide qui le condamne à la frustration. A un inconnu espére paradoxalement..
Au vide de son existence...
Vide, vacuité...Gouffre sans fond, sans fondement, sans fin, sans début, sans rien, sans....
Vide.
Attendre, puis attendre encore, car il y aurait toujours du désir, toujours un besoin à assouvir, à différer, à satisfaire, puis un autre..
Patience encore et encore... Pour ?
Mais quelle patience pour une attente sans lendemain, une attente durant laquelle on ne voit rien venir...
Patience ou renoncement ?
La patience est aussi un jeu, de hasard, de divination... Faire une patience pour tuer le temps et se soumettre par là à sa décision.
S'en remettre au hasard, pour se désinvestir ? Pour ?
Mettre de l'ordre dans ce jeu de cartes, réussir ou pas, y voir ainsi un signe, du destin ? Patience encore ? Pour l'espoir d'une solution, d'une réponse, d'un oui, d'un non ? D'une réussite ou d'un échec.... Croire ?
Le temps ne se maitrise pas, il aurait soit disant un temps pour tout, même pour attendre, et où il nous faut faire preuve de patience
Faire croire qu'elle peut mener à la sagesse est une illusion pour qui n'est pas philosophe, même celui ci n'y croit guère, il s'interroge et se questionne, à quoi bon être patient ?

Elle est néanmoins nécessaire, quand elle permet de prendre un certain recul, de mettre des mots, ou des émotions sur des événements, qui se passent, qui arrivent...Qui nous arrivent
Quand elle permet de ne pas nous précipiter, de ne pas se laisser aller à ses pulsions, à ses envies
Une sorte de patiente, garante de civilisation, d'ordre social, d'éducation, de lien social ?
Patience encore ...
Patience pour l'ultime destination, la patience d'attendre la mort, qui viendra quand sonnera l'heure.... L'attente de la mort, l'inconnu mais le certain.

dimanche 5 juillet 2009

Souvenirs...

Ils parasitent le présent, m'écrivait un ami...
Ce matin j'ai retrouvé par hasard (mais y a t-il un hasard ?) un album photos. Vieil album rescapé de la maison maternelle. Retrouvé parmi une foule d'objets, au fond d'une armoire, ouvert, vite, puis mis de côté, pour plus tard... Après....
Vieil album aux photos en noir et blanc, aux photos couleur sépia, arrangées délicatement dans les pages cartonnées, disposées méticuleusement dans les coins tansparents, prévus à cet effet.
Alors je me suis assise dans la chambre de ma fille, et j'ai ouvert cet album ...
Rêveuse, songeuse.
L'univers de ma mère...
Confectionné soigneusement par maman, il regroupe ses souvenirs à Elle, sa vie à Elle.
Une vie qui n'est pas la mienne, qui n'est pas la nôtre à toutes les deux, car je n'étais pas à cette époque là.
J'ai sûrement vu ces photos, enfant, mais je n'en n'ai que de vagues souvenirs, certaines oui...Je me souviens... C'est flou.
Je me suis alors assise pour feuilleter cet album, pour entrer dans cette intimité qui n'est pas mienne, qui m'est un peu étrangère, même complétement étrangère.
Une sorte de territoire inconnu, inexploré en quelque sorte,
Je m'y aventure, timidement, fébrilement
Je n'ai jamais lu les lettres de ma mère, ses cahiers, ce qu'elle écrivait pour elle, ses carnets...Mais ces photos, ces souvenirs ?
Une partie de moi, aussi, quand même, une partie de l'histoire de sa famille, de la mienne, de celle de mes enfants, aussi...Et surtout !
Intimité !
L'intimité d'une vie, de la vie d'une petite fille, d'une jeune fille qui était ma mère...
Chronologique ! Des souvenirs en ordre. Avant, pendant.
Avant, ses parents, mes grands parents.
L'album s'ouvre sur leur photos de mariage...Bouleversant, de les voir ainsi, je les ai bien connu,s ils m'ont élevée, mais ils n'avaient pas ce visage là, un peu l'allure cependant, mais ils n'étaient pas jeunes, ils étaient sans âge, à dire vrai.. Mais sur cette photo : si jeunes, presque des enfants, beaux, magnifiques, sobres...
Que de souvenirs...
En même temps j'imaginais ma mère, cherchant dans la boite, celles qu'elle mettrait dans l'album, celles qu'elles sélectionneraient : les photos, courts fragments de vie, figés pour une soit disant éternité
Qui survivent aux disparus... Qui restent pour ceux qui restent, qui sont restés, qui resteront
Je ne suis pas certaine que ma mère ait fait ça pour ça.... L'éternité ? Quel sens cela avait l'éternité pour elle... Elle vivait un présent figé dans le passé, un passé douloureux, une souffrance de n'avoir pu faire.... Vivre.... Décider....Etre.....
Et c'est ce passé là qui m'a sauté à la face, au visage . Ce passé peut-être encombrant ,
Le passé parasite le présent, le futur... Les souvenirs.... m'écrivait mon ami.
Souvenirs des larmes de ma mère, de son enfance, heureuse ! Incouciante, malgré la guerre... Mais une enfance avec des parents aimants, présents. Ce bonheur là, est là, dans ces photos, dans l'arrangement de ces photos, dans l'ordre de ces images couleur sépia...
Curieux et étranges ces tranches de vie...
Bribes de puzzle, morceau d'histoires,
Anecdoctes que personne ne pourra me transmettre en me montrant ces photos..
Je me surprends à appeler ma fille et lui montrer, lui dire, mettre des mots sur mes souvenirs à moi, sur ce que ces photos prises alors que je n'étais pas née... Dire "regarde ta grand mère.. ici c'est son mon oncle, sa cousine...Tu as vu la maison, comment c'était... Ca c'est la soeur de Papy, son mari... ici, je ne sais pas.. Ah si, c'est untel... Ah, là, non je ne vois vraiment pas..."
Personne pour mettre alors un nom sur un visage, qui restera inconnu
Qui ne sera plus nommé. Qui n'existera plus alors ?
Elle n'y a rangé ici qu'une seule partie, celle heureuse...Celle où sûrement elle est restée, celle qu'elle a regrétté, celle à laquelle elle a toujours pensé, celle qu'elle n'a jamais pu panser....
J'ai rencontré ma mère ce matin, sous un autre jour. J'ai vu une jeune fille, jolie, mince, élégante, insouciante, riant aux éclats, libre.....Heureuse...
J'aurai aimé être la fille de cette jeune fille là....!
J'aurai aimé parler avec elle de cette jeune fille là...
Puis les souvenirs encore, les miens cette fois... Oui, elle m'a parlé de cette jeune fille là, quand j'étais enfant...Elle parlait sans dire vraiment, elle parlait pour elle, je crois, elle se racontait à elle ce bonheur là. Je ne pouvais comprendre... Tout ?
Soupçonner, sûrement, lire à travers les mots, les lignes, au delà des mots..Outre le langage, celui des hommes...
Il y avait parfois cette jeune fille là, en cherchant bien, dans l'ombre de la femme, de la mère, sévère, rigoureuse, inflexible parfois qui a été la mienne....Parfois !
Maman me manque chaque jour, même si nous étions souvent étrangères l'une à l'autre, même si nous ne nous comprenions pas toujours, même si ce n'est que des années plus tard que j'ai compris son message à elle, celui qu'elle n'a jamais pu me dire, nommer, mettre en mots, parce que tout simplement cela ne se faisait pas, coincée dans un carcan éducatif, d'un siècle disparu, vestige d'une éducation où l'amour était sans tendresse, où on ne disait pas !
Alors elle a essayé de transmettre autrement, maladroitement... Sans dire, mais en faire !
Enfer ! ?
Pour que justement je ne reproduise pas son schéma à elle, que je ne m'enferme pas dans sa prison à elle, dans cet espace où l'adulte est adulte à tout jamais.
Elle a veillé sur mes pas, petit pas vers la liberté, cette liberté qu'Elle n'a pas su ou voulu s'offrir, pour ne pas déplaire, ne pas braver l'autorité, l'amour (?) de ses parents...
Elle m'a regardé, faire, m'éloigner, contester, et m'affranchir de cette autorité là, de ces injonctions là, de ces carcans là.
Elle a regardé ça souvent avec bienveillance...
Je me souviens de quelques mots, pour me donner raison, contre le reste de la famille. Elle qui ne disait rien, elle a dit ce jour là, pour moi !
Admirative et fière, elle me reprochait sûrement les libertés que je prenais, que je m'accordais, car elle aurait aimé...Elle aurait aussi voulu faire. Je n'ai pas compris tout, tout de suite, à ce moment là, comme ça, il m'a fallu des années. Aujourd'hui encore, son message est là, je le décode, le décrypte, et aurait tellement aimé que simplement elle dise.... Avec des mots.
A sa manière Maman m'a dit "Va, vis, et deviens.."
Alors je m'en suis allée, je vis et je deviens chaque jour... Moi,"

A mes filles, avec mon amour, ma confiance, mon admiration
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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