Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 27 juin 2009

Vivre encore ?

Sa fille est morte
Cela fait des années, bien des années
Mais il est resté là, fixé à cette époque, là, quand elle est morte, sauvagement morte
Il vit, mais ne vit pas vraiment, je dirai que c'est la vie qui le fait vivre
Il ne survit même pas, il vit parce qu'il faut, le faut, continue, avance, sans vraiment savoir quand, où il est ..
Tout ce qu'il sait c'est qu'il est
Qu'il est sans
Sans elle...
Qu'il est seul
Cette absence lui manque, cruellement, terriblement
ll ne peut s'y résoudre
Non pas qu'il dénie
Au contraire
Il dit, le dit, il sait, il souffre
Il pleure cette absence,
Il crie sa douleur
Depuis toutes ses années
Certains l'entendent
Ceux qui ont aussi cette douleur , au fond d'eux, mêmes, qui ont été un jour, confrontés à ce terrible malheur, de perdre un enfant. Qui souffre de l'absence éternelle
Une blessure qui ne guérit pas, qui est là, implacable, qui condamne celui qui en est atteint à la souffrance infinie....Au silence qui tue, à l'absence tellement présente chaque jour, à la place qui manque, à cette place vide pour toujours...
Le vide
Il est confronté au vide, à ce vide là, mais ne s'y résoud pas, il veut savoir, comment ? Par qui ? Pour quoi ?
Il ne sait pas, et il cherche, avidement, comme si savoir pouvait apaiser sa souffrance, lui permettre de faire son deuil...
Un deuil qui ne peut, ou ne veut pas être, car le deuil, donne un certain sens, celui de la fin, le sens que c'est vraiment fini, sans espoir de retour.
Qu'il n'y a plus d'après, comme avant, mais un après, simplement un après, qui ne sera jamais plus comme avant. Un après sans !
Faire ainsi le deuil.
Deuil n'est pas oubli, mais une sorte de mise en mots, d'acceptation de la finitude, de l'infini finitude. C'est se dire à soi même "c'est fini", il faut vivre, continuer, aller, sans, mais aller.
Se donner des raisons de vivre, pour les autres, ceux qui restent, qui ont encore besoin .
Vivre pour soi, sans l'autre, sans celui qui manque, sans l'enfant qui devrait grandir, être là.
C'est mettre au fond, mais très au fond, dans un coin de sa mémoire, de son coeur et de son âme, son infini chagrin, sa profonde peine et son insupportable douleur
C'est par être, devant les autres, ne plus leur infliger cette souffrance là... C'est être socialement sujet.. Un sujet social....Socialement social !
Ces autres qui sans le dire, se lassent, se font rares, de plus en plus rares, car ils ne savent plus quoi dire, comment faire, ne sachant pas apaiser la souffrance, de peur de la raviver encore, encore un peu plus, car leur présence se fait génante. Car ils n'en peuvent plus eux, de supporter ce chagrin, d'entendre cette peine, cette souffrance, car ils veulent vivre, sans plus penser à ça.
Faire le deuil ?
C'est garder pour soi, en ayant toujours, à chaque instant, chaque minute, chaque seconde, une pensée, fugace parfois, mais une pensée, un sourire, une larme pour celui qui n'est plus, qui n'est plus à côté , qui est parti avant, nous a laissé seul sur cette route pavée de pierres, sur ce chemin semé d'épines et de ronces...
Il faut défricher seul, déchiffrer le sens du reste à vivre seul, sans
Mais lui, il est là, fixé à cette époque lointaine, en a gardé l'apparence, comme s'il n'avait pas voulu changer quoi que ce soit des fois que....
Il est resté le même, vétu, coiffé, comme à ce moment là, à cette date là..
Comme si le temps s'était arrété, comme s'il avait lui même arrété le temps. L'horloge du temps.
Il cherche à savoir, à connaitre la vérité, qui l'apaisera....
En attendant, il est là, porté, sans trop savoir qu'en faire, par une vie qui ne l'interresse plus vraiment, sauf pour savoir
Mais savoir quoi ?

mardi 23 juin 2009

Rives

C'est la dernière fois que nous nous voyons
Cette fois le rendez vous était fixé
Il m'attend

Je sais, car l'équipe m'a prévenue, la décision d'orientation, mais nous avions convenu d'en discuter, c'était son souhait, sa demande en quelque sorte !

Il m'attend, heureux de me montrer qu'il va mieux, qu'il se lève et qu'il sort demain....
D'emblée nous abordons l'entretien de vendredi dernier.
Il me montre une liasse de papier
"Que pensez vous de cet entretien"
Il est satisfait, le médecin lui convient, mais il n'a pas tout compris, malgré une lecture attentive de cette masse de documents.

"Voulez vous que nous reprenions tout ça ensemble ?"
"Ce serait bien, vous voulez bien, vous avez le temps... ?"
Le temps ? Mais je n'ai que ça, le temps, pour les patients, prendre le temps qu'il faut....
L'entretien est technique, très technique, il faut aller dans les détails, faire parfois de la définition de mots, expliquer, reprendre un par un les items du protocole, reformuler, vérifer si c'est compris
C'est important
Il sait, c'est une décision qui l'engage.
J'insiste sur cet engagement, ce n'est pas rien, c'est aussi une chance de pouvoir intégrer un groupe aussi rapidement, je le lui dit...
Cet entretien là est plein de mots, de paroles, d'explications, de questions, de réponses...
Il est plein, trop plein de plein
Directif parfois, cela arrive, il y a des interdits dans le protocole et il me faut poser ces interdits, les replacer dans le contexte, les expliquer aussi et leur donner du sens.
Inter dit, ce qui ne peut se faire, pour soi, pour les autres...Intéger un groupe, la notion de groupe est importante, essentielle, il va être aidé, mais va aider aussi, la relation est ici à double sens... Réciproque, on ne prend pas seulement, on donne aussi, une sorte d'échange. De lien, de retissage de liens avec les autres, avec l'autre, et l'Autre !
Il faut que ces interdits délimitent le cadre, le cadre de la thérapie future, qui va se mettre en place
Une thérapie difficile qui ne repose ou presque que sur la motivation et la volonté du sujet
Et c'est ce qui lui a manqué depuis tant d'années...
Nous abordons ce point, nous prenons des exemples, nous en faisons pour reprendre le terme technique "une analyse fonctionnelle"
Il comprend, relie, l'émotion au comportement, à la pensée... Il construit lui même cet espèce de cercle tordu, qu'on dit aussi vicieux....
J'explique encore...
Nous abordons l'angoisse, la peur, la solitude, l'angoisse de la solitude, la solitude de l'angoisse, les soucis familiaux, conjugaux...financiers, les seuls recours pour y faire face, pour faire face à ce grand néant, ce grand vide qui donne le vertige
Ce recours là qui apaise un temps, pas très longtemps, mais qui soulage un peu quand même, qui anesthésie un peu, tout doucement
Puis n'apaise plus, les soucis reviennent en pleine figure, plus d'autres encore, qu''il n'avait pas vu ou qui arrivent , on recours encore, et un peu plus, encore, on est assommé
Le réveil est brutal, trop alors on s'assomme davantage
Seul, trop seul, pour se sortir la tête du trou, du vide, sans fond.....
Pourtant !
Les mots se sont posés, doucement, calmement, puis violemment, toute la souffrance a jaillie
Le sens, le lien, les liens, le désir, l'en Vie
L'appel à la vie, encore qui tient encore un peu
Nous avons dit
Je suis partie, mon travail est fini, il sort tout à l'heure, mon travail dans cet espace institutionnel est terminé... La parenthèse s'est refermée... Il me dit en me montrant le bout de papier que je lui avait remis aux Urgences 'j'ai vos coordonnées..."
"Appelez, dés que vous le souhaitez.....Je serai là.

Il le sait, me sourit, me salut, et me dit merci.

dimanche 21 juin 2009

A rives

Cette fois la demande est claire : "avis technique pour orientation thérapeutique"
Donc c'est avec cette demande là, que je le rencontre, pour la troisième fois....
Il ne m'attend pas, mais il n'attend personne.
Je lui demande comment il va, où il en est, ce qu'il compte faire....
Il va mieux, beaucoup mieux "J'ai repris des forces et je mange bien, c'est bien "
Puis après un silence, il me dit qu'il rencontre le Dr X
"Vous savez qui il est ?"
"Oui"
Et vous étes d'accord"
Oui
Il se lève, difficilement, fragile, décharné, la chemise d'hôpital mal attachée, cela ne semble pas le géner, comme si ce no man's land mettait à l'abri, de tout.
Il me regarde :

"Prenez une chaise, asseyez vous...."
Il se rasseoit, et respire profondément... Je ne dis rien, j'attends, assise prés de lui, en face de lui.
Et commence alors l'histoire, son histoire, longue, sa longue descente aux enfers...
"Le fond du trou, je suis au fond" me dit-il...
Et il raconte, chronologiquement, avec des dates, précises, heures, minutes, secondes presque.
Tout, tout est inscrit, gravé dans sa mémoire, à tout jamais, indélébile
Il dit, et montre un coin de sa tête où c'est dedans, "là"
Et il parle, de sa souffrance aussi, surtout, de cette pente vertigineuse qu'on descend, vite, trop vite, sans pouvoir se raccrocher à quoi que ce soit, à qui que ce soit....

Une espèce de sable mouvant, qu'on ne voit pas tout de suite, qu'on ne sent pas immédiatement, qu'on croit pouvoir maîtriser ense raccrochant à une branche, à quelque chose...
Un sable mouvant, où on s'enlise, lentement...On descend....

Il sait, il le sait, il décrit, l'alcool, les problèmes, la solitude, l'alcool qui aide un peu, qui fait oublier un peu, puis très vite pas assez, l'alcool encore un peu plus pour oublier un peu plus, un peu plus longtemps... Alcool etc....
Alcool descente, pire encore me dit-il, et de décrire son incarcération
Il ne pleure pas, mais on sent ses larmes à l'intérieur, au fond, qui ne peuvent pas couler
Il pleure en silence... Il pleure en dedans, au dedans de l'âme,
Les larmes de l'âme, terribles lames de fond
De fond du trou... L'alcool, encore....Enfer...
Spirale infernale, tourbillon sans fond, qui propulse à la surface juste l'instant nécessaire pour reprendre une bouffée d'air, d'oxygène, qui permet de replonger, plus loin, plus profond, plus longtemps...Encore
Il décrit et j'écoute,
Je suis là, attentive, face à lui, nos regards se croisent, je comprends, il comprend que je comprends, mais les mots doivent être mis, doivent être dit, comme si le langage sans parole que nous avions établi ne suffisaient plus, ne suffisait pas à cet instant là, à cet ici et maintenant là.
Il faut le poids des mots, lourds, massifs, assénés, comme s'il les lui fallait entendre, pour entendre encore, la description sans concession de son enfer à lui, de cet enfer, qu'il avait lui même choisi, en désespoir, par désespoir
Desespoir et souffrance, douleur terrible de la solitude et de l'abandon, du laisser aller et du laisser faire, du laisser....
Laisser dire alors, pour ne plus laisser aller, laisser couler pour contenir, pour retenir, pour tenir...
Espoir...
Il se présente, se dessine doucement, tenu, fil à saisir ou pas, dans cet espace là, dans ce no man's land, qui propose, qui offre, un peu, si on veut, si on peut
Il veut.... Mais pourra t-il ?
Là n'est pas vraiment la question, il lui semble cependant qu'une main se tend, et qu'il était temps.
Je l'écoute longuement égréner les mots qui déposent la souffrance, qui mettent un peu de distance. Ces mots qu'il a ravalés, maintenus, gardés, en lui, au plus profond de son âme...Et puis d'un coup. Il lui en a fallu de temps, pour dire, pour se décider à dire.
Je ne lui ai rien demandé, il ne m'a rien demandé, nous ne nous sommes rien demandé, un peu comme s'il n'y avait rien à attendre de l'autre, sauf que cet autre était là, que cet autre, ce tiers, que je représente était comme en attente, comme un point d'interrogation, une sorte d'alternative, de possibilité, qui pouvait ou non se présenter.
L'espace de parole, de temps, d'écoute mis à disposition, sans attente était là, prêt à fonctionner, prêt à se remplir du vide, de la souffrance, de la douleur, mais aussi, était prêt à renvoyer peut-être une lueur, un possible autre...
Une rencontre sans parole, puis une rencontre où toute la dimension de l'évaluation de l'autre, de l'évaluation de la communication, de la relation à établir ou pas s'est mis en place, tellement évidente, qu'elle sautait aux yeux.... Il lui a fallu à lui, jauger, évaluer, réfléchir peut-être avant de se décider... A dire, à lier, délier, dénouer, raconter.... Donner. Offrir son histoire à cet autre là ! Une rencontre.
Un espace de liberté, de choix, dire ou ne pas dire, avancer ou non, reculer, rester sur place. Le choix, d'être ou pas, de jouer aussi un certain jeu, celui de l'espace de soin, qui devient par l'intermédiaire que je suis, un espace thérapeutique...
Cette liberté là, n'a pas de prix, pas plus que les autres d'ailleurs, mais elle est !
La liberté d'offrir pour le thérapeute, la liberté de prendre, de rentrer, de s'engouffrer dans la faille en quelque sorte, que l'institution parfois à son insu offre
Offre pour recevoir une offrande !
L'offrande de celui qui ne demande rien car il craint tellement de ne plus jamais pouvoir recevoir !

L'être ange


jeudi 18 juin 2009

Des rives

Il me faut le revoir....
Il est encore là, plus aux Urgences, où les patients ne restent pas, mais ailleurs dans un service de médecine interne
Ce "serait bien que vous reveniez, on a vu dans le dossier, que vous l'aviez déjà vu..."
Pourquoi? Nulle autre réponse. Rien
Il me faut donc le revoir.
Je le revois
Il va un peu mieux, il semble un peu mieux
Il me reçoit, se souvient de "notre entretien" où il a parlé, moi, je n'ai rien dit, il n'y avait rien à dire, tout à entendre, écouter, être là....
Il n'a pas grand chose à dire, prévient-il, ni à demander,
"Je ne demande rien, vous savez....Je me suis toujours débrouillé....Plus ou moins, mais ça le fait, des fois, ça le fait pas....Et je suis là....Je mange, je vais un peu mieux.."

Puis de se lever et me montrer
Qu'il tient debout, qu'il peut se baisser
Que c'est mieux....
Que finalement l'hôpital, ce n'est pas si mal... Qu'on peut manger un peu, qu'on peut dormir un peu..Qu'on peut se reposer un peu. Qu'on peut faire une pause un peu...
Un espace, un lieu, une sorte de parenthèse dans une vie pas facile, une sorte de no man's land, où le dehors semble être un ailleurs, un autre lieu, un réel....
Un réel, le réel, justement c'est bien ce réel qui coince, ce vrai, ce monde en vrai qui ne "le fait pas", des fois, souvent...
Il le sait, il le dit à demi mot.... Pas tout, juste un peu
Moi, je suis là, debout...J'écoute, je regarde, il parle, ne me regarde pas, regarde ailleurs, parfois me fixe.... Et continue...
Je n'ai pas grand chose à dire...
Il s'énerve, parle plus vite, semble vindicatif.... Sans véritable raison...
Je ne dis rien, j'écoute, je suis là, debout, à ses côtés....
Il va bientôt être l'heure du repas... Je vais prendre congé, le laisser manger.
Il me salue
"J'ai le papier que vous m'avez donné...Je l'ai sur moi... Aurevoir !"
Le papier....
Celui remis aux Urgences, avec mes coordonnées à l'hôpital....

mardi 9 juin 2009

Dérive

En fin de semaine, les Urgences m'ont demandée de rencontrer un patient, perdu, seul, sans vraiment de domicile, désocialisé.... Comme ils en voient tant....
Je vois peu ces patients à présent....
Pourquoi lui ?
A cette question, personne ne peut vraiment apporter de réponse, seul un urgentiste m'explique que c'est bizarre car il ne veut rien.
Il ne veut rien, ne demande rien. Est à l'hôpital suite à une chute, amené par les pompiers comme s'est souvent le cas...Mais lui, il ne veut rien...

"Veut-il me voir ? "
"Non, mais moi, je pense que ce serait bien "
"Bien pour qui ? "
Pas de réponse...
En effet bien pour qui... Pour le patient, qui ne demande rien, et qui ne veut rien... Mais comment ce rien a t-il été apprécieé et par qui
Pour l'équipe ? Qui ne demande pas grand chose non plus... Ou pour ce médecin qui visiblement semble dérangé par la situation, semble ébranlé, aimerait bien....
Je n'en sais pas plus, et n'en demande pas plus, si celui ci veut en parler, il sait qu'il le peut
Que faire face à une telle demande, qui n'est pas en soi une demande, mais comme une sorte de réponse à un questionnement, à un malaise, à une sorte d'explication, de réassurance,de réassurement pour un soignant soumis quotidiennement à un stress permanent.
Et puis ! Après tout, s'il ne veut pas me voir, ce patient, il me le dira... Je préviens toujours, quand je me présente
On m'a demandé de vous rencontrer, vous n'y étés pas obligé...C'est vous qui décidez...
je peux vous laisser mes coordonnées...etc...
Les patients ne sont malheureusement pas vraiment informés. Ils ne savent pas qui, va venir, qui fait quoi, quand...Ils sont là, dans leur lit. A disposition.
A la disposition, à la merci d'une équipe qui se dit soignante, qui à force d'ingérance, d'intrusion, se doit de leur apporter des soins, un mieux être
Ce n'est pas toujours évident, parfois c'est loin de l'être, et il est bon de le rappeler, même si cela n'est pas forcément bien perçu...
Le sujet ! Le malade est un sujet, pas l'objet de soins, de toilettes, d'actes médicaux...
Une visite, un entretien, ce n'est pas rien, c'est entrer directement dans l'intimité du patient, qui génèralement ne l'a pas demandé....

Ainsi lui permettre de nous autoriser à être là, accepter ou non, l'espace d'écoute qui peut lui être proposé est pour moi essentiel, fondamental, une question d'éthique simplement .
Une étape nécessaire pour s'autoriser lui même à mettre des mots, à mettre en mots....

M. L me salue doucement, il a beaucoup de mal à parler, il est jeune, encore, mais tellement abimé, comme ces hommes, ces femmes qui ont des années de rue, de galère, de voyages, de route.... D'érrances, de souffrances...
Il accepte de me recevoir....
"Je suis là....Ca ne va pas fort, mais ça va aller...."
Je m'approche, il parle faiblement, je l'entends mal, la télé marche très fort....
Ce n'est qu'au bout d'un moment qu'il l'éteint...
Il ne demande rien...
De longs silences. Je ne l'interroge pas. Que lui demander ?
Il est là, immobile et silencieux allongé à demi dans son lit.
Etrange et curieux, presque déplacé
Puis il parle, monocorde "Rien ne va plus, non... Ca ne va plus...Je sais bien..."
Puis le silence encore
Il ne me regarde pas, il ne regarde rien, ses yeux semblent perdus dans le vague, dans un ailleurs, un passé peut-être, un autre espace, le sien ?
Puis il me demande pourquoi je suis là, combien de temps il restera ici...
Il enchaine aussitôt sur son histoire, sur des morceaux d'histoires, des fragments, des débris, tout est cassé, éparpillé dans tous les sens, il n'y a plus de temps, de chronologie, tout s'enchevêtre, tout s'emmele, se noue, se tord...
La solitude, sa solitude, il ne se plaint pas, il parle, s'essouffle... Il dit.


Dire, il met des mots, un mot à l'endroit, un mot à l'envers, on saute un mot, on reprend, on laisse, des jours, des trous, des vides, des béances.... Rien, puis des mots encore, hâchés, balbutiés
Une vie cassée, en mille morceaux, qu'on ne peut pas recoller car il manque trop de pièces, certaines semblant perdues à tout jamais... Ou loin, trop loin au fond d'une mémoire trop fatiguée, trop usée pour se souvenir
Il ne demande rien, il ne veut rien
Il n'a sûrement jamais rien demandé, la vie a donné, lui a donné, lui a tendu, il a pris, pas tout, a laissé s'échappé, la vie a repris....Il n'a rien demandé...
Fragments épars d'une histoire qui se met pourtant en mots, où l'espoir, le futur, l'avenir semblent inexistants, semblent être dans un ailleurs inaccessible, un ailleurs peut-être pas représenté, car pas représentable, trop difficilement représentable
Comme un bateau, qui se laisse couler, lentement, et qui attend, qui se regarde sombrer, sans rien faire, sans rien dire, sans rien demander, sans même lancer une bouteille à la mer, parce qu'il est peut-être trop tard, qu'il a peut-être été trop tard ?
Que justement la rencontre avec ? l'autre, l'Autre, n'a jamais été possible, ou pas suffisamment, pas assez, pas assez longtemps ? N'est plus possible..
Rencontre...
Rencontre avec lui même ?
Celle ci s'avère t-elle encore possible ?

jeudi 4 juin 2009

Lettre à Arsel

Ils se sont peu connu
Que dis-je presque pas du tout...
Elle se souvient peu de son visage...
C'est un peu flou
Un homme gentil et doux.
Un souvenir d'enfance,
Ou plusieurs
Des souvenirs.... De fêtes et de surprises
Quand Il venait avec un de ses fils, voir un de ses autres fils, son père, à Elle,
Il venait de loin, de si loin
Elle était trop petite pour tout comprendre
Ce n'est que des années plus tard
Qu'en cherchant, qu'en questionnnant, qu'en interrogeant, qu'en écrivant,
Qu'en demandant,
Elle a compris qu' Il venait de nulle part
Mais on vient tous de quelque part ?
Tu le sais ? Tu ne le sais pas ?
Tu ne veux pas savoir ?
Tu n'as jamais cherché à savoir
A vouloir savoir ?



Bien des années plus tard
Elle a lu en tremblant,les larmes aux yeux....
Les recommandations de ta maman
Qui t'a déposé un jour, celui où tu es né
Car elle ne voulait pas t'élever
Te garder auprès d'elle, avec elle...
Elle avait déjà un enfant
Tu avais donc une famille
Ou presque
Elle t'a donné ton prénom, étrange et curieux.
Arsel...
Elle t'a donné aussi une religion
La sienne
Sûrement pour effacer celle....
De celui...

Il venait de loin de très loin
D'un si loin où le soleil brille toujours ou presque
Où il fait chaud souvent
Où le désert est roi...


Il lui plait à croire que,
Tu es un fils de Prince, de ces Hommes qui sont tous des Princes
Princes du vent, des sables et du désert
Qui est venu, un jour ici, si loin de chez lui,
Il ne lui reste rien, à elle, de cet homme là
Rien....
Si ce n'est l'histoire, la belle histoire
Elle n'en n'a hérité, Elle, ni
Les cheveux, ni les yeux ni le teint,
Ni le regard...
Seulement la soif de liberté
Et ce n'est pas rien !
L'amour de la Vérité
De ces Hommes du Vent, des Sables et du Désert
De ces combattants farouches, qui ne se rendaient pas, jamais.

Quand ta mère est venue, plus tard, très tard, trop tard
Un jour te voir
Tu ne l'a pas regardé,
Pas un regard pour elle dans sa belle voiture
Dans sa belle toilettte
Tu ne l'as pas reconnu,
Tu l'a rejetée,
Abandonnée à ton tour
D'elle, tu n'as pas voulue
Trop fier !
Comme l'aurait été ton père, ou
Trop de douleur, enfouie, trop de peine, trop de chagrin, trop de souffrance, trop de trop d'enfance qui fait mal, qui fait seul, qui fait plaies, qui fait..... Sans amour, sans maman, sans parents, au vent, à la pluie.....
Arsel, moi, je suis fière de toi.
Je suis un peu de toi
Sans le savoir, tu m'as donné tout ça, tu as fait ça de moi.
Moi, je sais d'où je viens
Et c'est grâce à toi
Merci !

A la mèmoire des Spahis. A mon Père, à mon Grand Père. A mon arrière Grand Père.
A mes amis d'Alger, d'Oran, à Faïza mon amie, à Salim mon ami.
A Mohamed K, trop tôt parti, tu me manques....Tu nous manques...

Eternité

Qu'est ce que l'éternité ?
Ce sentiment de toujours, de tout le temps. Une sorte d'immortalité, mais plus encore ?
Comme s'il n'y avait pas de fin, jamais, une vie, une ligne, qui ne s'arréte pas, qui se poursuit indéfiniment, toujours, sans arrêt.
Sans fin....Sans...
Mais celle ci se pense, est pensée par l'homme, qui est mortel, pas éternel, qui ne peut se faire une représentation exacte d'une éternité qu'il ne peut considérer qu'en tant qu'éventualité....Que possibilité,
Eternité, versus mortalité ?
Qui est éternel ?
Quoi est éternel ?
Qu'en penser ? Et qui peut penser un tel concept ?
Que revêt-il, dans l'imaginaire de celui, de ceux qui n'en n'ont pas même l'illusion
Croire que tout est éternel, que l'autre, peut nous survivre, oui, mais pour combien de temps, un temps un peu plus long que celui qui nous est imparti ?
Je rencontre souvent des patients agés, cette semaine le plus jeune de mes patients est né en 1921, c'est la première fois qu'il est hospitalisé, il n'a jamais été malade et conduisait sa voiture la veille...
Sa fille ne comprend pas, elle demande à me rencontrer...Son père, brusquement semble souffrir de confusion "Il ne m'a pas reconnu, il voulait dormir..."
Elle pleure. Elle m'explique ce qui s'est passé, et ne comprend pas, "il n'a jamais été malade"
Doucement, tout au long de notre rencontre, elle se surprend à me dire "nous le croyions éternel"


Nous explorons alors ce sentiment, cette représentation qu'elle décrit ensuite comme "idiote" avant de se reprendre, pour préciser "je sais bien qu'il devient vieux et qu'il partira, pour toujours, mais je n'y avais jamais vraiment pensé"

Le Père, tel un roc, invincible, éternel.. Là pour toujours, tout le temps...Comme s'il ne pouvait jamais disparaitre. Eternité pour qu'il n'y ait de jamais, jamais
Mais toujours un toujours

On se l'imagine cette éternité, comme un espace immense, un ciel sans fin, une mer sans fond... Est-ce possible voire imaginable
Cela semble terrifiant : "Vivre toujours est une idée terrible" me dit un jour un patient, et d'ajouter "je suis content de savoir qu"il y a une fin"
Une fin, un bout, un terme. Un quelque chose qui termine, qui cloture. La fin de la vie, qui serait alors, peut-être un fragment d'éternité, une part infime de ce Grand Tout.... ?
Nous ne savons pas éternel, pourtant nous ne nous imaginons pas autrement. La pensée de la finitude n'est pas heureusement tout le temps au centre de nos préoccupations.
Nous sommes pourtant dans la finitude, la vie est une finitude, la finitude est l'éternité ?
"L'éternité, c'est après la mort" me dit calmement une patiente agée, 'j'attends avec impatience que Dieu m'appelle, je suis préte, depuis longtemps"
Cette fin, cette mort, attendue était pour elle le début d'un autrement pour toujours, mais un autre lieu sans fin....L'éternité donc, espace sans début, sans fin, sans limite, sans cadre.
Tout comme la mort, l'éternité est difficilement représentable,
Pas même un Eldorado, un paradis ou un enfer où errent pour toujours les âmes des défunts...
Un vide, qui donne le vertige; si on se penche un peu trop
Basculer dans l'éternité pour l'éternité. Oui, mais pourquoi et pour qui ?

Pourquoi et pour quoi y faire ?
Y a t-il quelque chose à y faire ?
Vaut-il le coup de spéculer sur un monde sans limite, qui vivra éternellement... ?

Effrayant, terrifiant, rassurant, ennuyant peut-être ?
Cette notion d"éternité, d'un toujours pour toujours ou jamais est non seulement terrifiante, mais relève d'un certain terrorisme ou fachisme de l'âme, de l'esprit, une sorte de tonneau des Danaïdes, avec un perpétuel recommencement, comme une pendule qui marque et marque le temps, sans jamais de pause, de pause elle qui devrait enfin être éternelle.
Une condamnation à perpétuité, la plus terrible celle ci ! Pire que la peine de mort, si on part de l'hypothèse qui, je l'espère se vérifiera, qu'après il n'y a plus rien...

mardi 2 juin 2009

Gourou

On nous parle beaucoup des sectes, de ces relations perverses et toxiques qu'elles génèrent auprés des personnes qui les rejoignent
Personnes et personnalités fragiles, en souffrance, en recherche bien souvent, d'elles mêmes ou d'un ailleurs plus aimant, compréhensifs
En demande d'un autre plus tolérant, plus apte, plus proche...
En demande, en souffrance, en quête, en recherche...
Des questions, beaucoup, trop parfois et un désir de trouver des explications, des réponses...
Un lieu plus accueillant, un autre autre !

Il en est parfois de même avec les thérapies
Malheureusement !
Et je le déplore....Vraiment !

En exemple les plaintes, les questionnements que j'entends souvent, trop souvent à ce sujet, de patientes, surtout des femmes, seraient-elles alors plus vulnérables ?
Malheureusement, et je le déplore, il en va ainsi de la psychanalyse !
Débordement ? Absence de cadre ? Tout et n'importe quoi ? Au nom du tout, de l'autorisation de faire, de soi-même
Et l'analyste de justifier toujours... Son comportement, ses demandes d'argent, de temps, de rendez vous quasi quotidien pour "mener à bien la cure"...
De justifier, de dire ou pire laisser croire qu'il en va de la cure, de l'avenir du sujet qui se confie, en toute confiance, qui place sa confiance, qui demande de l'aide, qui espère de l'aide, une écoute, bienveillante et neutre ?
Quid alors de la bienveillance ou de la neutralité ?
Ces deux paramètres essentiels à la cure, à la thérapie n'ont plus de sens ici, ils sont oubliés, gommés, zappés, avalés, engloutis, au nom de je ne sais quel "bien pour vous"
Lacan parlait d'analysant, pour bien souligner le rôle actif du sujet en demande...
Quid de l'analysant dans de tels cas ?
Une patiente s'interroge sur les sommes demandées par son analyste "je n'en peux plus de payer, mon compte sera bientôt à découvert... Elle ne veut rien entendre, si je l'appelle, le moindre texto m'est facturé... Sinon elle me met dehors !!!!"
Que penser d'un tel comportement d'un tiers que je n'oserai qualifier d'analyste ?

Le sujet en souffrance peut-il en souffrir davantage ?
La thérapie est une démarche, un engagement personnel, un sujet fait d'un autre, un tiers qui dispose d'un statut, de connaissances, de compétences, d'aptitudes à conceptualiser un problème une situation qui fait souffance un thérapeute, un analyste.
Il en attend quelque chose, une rencontre qui se doit de ne pas être ratée, pour qu'il se passe justement quelque choses
Ce quelque chose, que lui seul ne peut mettre à jour, élaborer, mettre en lien, donner du sens... Pour avancer, être mieux, vivre moins mal, à défaut de vivre bien....
Libre association ou questionnement socratique... Cette rencontre singulière, cette alliance thérapeutique, ce transfert, contre transfert est destiné à cet objectif...
En échange d'un paiement. Un contrat passé entre les parties.... Une somme discutée, arrétée lors de la première séance....
Tout doit être clair, transparent, limpide... C'est fondamental, essentiel, à la thérapie, à l'analyse. A la relation......
L'objectif du thérapeute, en tous cas le mien est d'amener le sujet à voir plus clair, à lever le rideau, le voile qui se tend, se tord devant ses yeux.... De lui permettre de recouvrer une certaine liberté, la sienne, de retrouver sa singularité, de s'affirmer en tant que sujet acteur de sa vie...
Je ne suis qu'un épisode, une rencontre de passage... Un tiers destiné à s'effacer, vite, le plus vite possible de son univers... Un tiers présent qui lui offre pendant un certain temps un espace où il pourra mettre des mots, faire des liens, déposer sa parole...
Ni jugement, ni critique, ni conseil
Faire émerger, laissser aller, laisser parler, laisser dire, laisser faire les mots et les silences
Certaines thérapies sont plus directives, ainsi sujet et thérapeute sont comme deux savants, deux chercheurs, essayant de trouver des hypothéses pour en finir avec une peur, une anxiété...Il faut accompagner au propre et au figuré le patient....
Tout cela est défini, clarifié au départ
Mais l'objectif, le but ultime est l'autonomie du sujet... Sa liberté à lui....
Ses décisions... Qui d'autre que lui sait ce qui est bon, bien pour lui.... L'accompagner dans cette démarche, tenir la main, métaphoriquement, puis lacher, petit à petit, guider, être là, à côté, puis dans l'ombre, et s'estomper, s'effacer peu à peu, pour qu'il puisse marcher, avancer seul, lentement, doucement, sûrement, sans crainte....
En toute sécurité...
Dépendance et indépendance
Transfert et contretransfert....!
Etre thérapeute n'est pas facile. S'il est besoin de formation universitaire, il est aussi essentiel d'avoir fait une démarche thérapeutique, se connaitre soi même. S'accepter aussi, pour accepter les autres, l'autre, et ne pas le juger. Avoir le recul suffisant, nécessaire...Pour que se fasse le transfert, sans que nul, ni rien n'inter faire..
S'être accouché....Pour procéder ensuite à ces étranges maïeutiques !
Alors quid de ces relations, où le patient, sujet, analysé, analysant se sent, lié, dépendant à son thérapeute, analyste....
Quand il se déclare coupable de cette dépendance... "Ce n'est pas de sa faute, c'est la mienne"
Quelle relation s'est mise en place dans ce cas là?
Certainement pas une relation thérapeutique, saine,
Une relation d'emprise certainement.....
Sûrement
Le thérapeute, analyste se comporte comme le plus infâme gourou, usant de sa toute puissance, qu'il ne sait contrôler, ou pire, souvent, pire, qu'il emploie de manière toxique et perverse...
Emploie, use et instrumentalise.... Son patient
A des fins peu avouables... Mais qui vraisemblablement ne le dérange pas...
Il ne faut pas avoir d'état d'âme pour empocher 150 ou 200 euros, de reclamer de telles sommes pour un travail non fait à des patients, les plongeant ainsi, en toute connaissance de cause dans des soucis financiers. Il s'autorise de lui même et s'autorise aussi de ne pas avoir de scrupules, d'être au clair avec l'argent qu'il préfère cependant en liquide, ça coule de source !
Ces analystes, ou pseudo analystes auront une explication, ils ont réponse à tout, savent tout puisqu'ils sont supposés savoir...
Et ils vous répondront que c'est l'ultime moyen de couper le cordon, de mettre fin à cette dépendance, que le sujet est libre...
C'est défendable
On peut toujours se faire l'avocat du Diable !
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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