Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 26 novembre 2008

L'étranger

On est toujours l'étranger de quelqu'un
On est toujours l'étranger pour quelqu'un
Etrange affaire que celle là...
Etranger, étrange, étrangeté....

Un sentiment de jamais vu, de pas connu, inquiétant, différent, étrange ?
Adjectif ou nom commun, étranger évoque aussi une étrange fascination. Il ne laisse pas indifférent, suscite des commentaires, des affects, des émotions.
On ne reste pas de glace devant ce qui est étranger.
Même si souvent on hésite à rompre la glace.
Il se passe forcément quelque chose, en nous, au plus profond de nous souvent.
Cela interpelle, nous interpelle, nous questionne, nous remet en question, nous pose question,
Quid de cela ? Que veut-il ? Que me veut-il ?

Etrange, étranger, étrangeté...Registre sémantique de ce qui est loin, dehors, pas familier, extérieur, qui n'est pas de la famille...Différent !
Etranger !

Il se peut aussi que nous soyons étranger à nous même, que nous révélions cette face cachée, insoupçonnée, ignorée, refoulée, mais qui fait partie, tout en étant étranger, restant étranger. Inconnu.
On ne connait pas l'autre mais se connait-on vraiment ?
L'étranger comporte cette sorte de mystère

De mystèrieusement étrange qu'on n'a pas forcèment envie de découvrir, de rencontrer, qui se trouve peut-être mieux tapi au fond de la mémoire ou de l'inconscient, enkysté, mais supportable, tu, mais bruissant tellement qu'on ne peut quand même rester totalement sourd, qu'on n'arrive pas à taire, à faire taire. Qu'on remise encore derrière, au fond, plus au fond encore....Etranger.

Alors l'étranger, cet étrange étranger là suscite la peur, l'angoisse et parfois le rejet.
La peur de la nouveauté, de l'inconnu, de ce qui arrive là, brusquement parfois, sans être invité, qui vient sans rendez vous car il n'est pas invité, sutout pas convié !
Sans même se faire annoncer, là, ici, maintenant, chez moi.
Inopportun, impromptu ! Mal élevé ! Insolent ! Inconvenant ! Déplacé !
Et moi qui n'en veut pas...
Il n'y a pas de place pour ce qui est étranger ! Pas plus de place pour l'étrange, qui suscite cette étrange étrangeté qui jusqu'ici était étrangère... Et c'était très bien !
Alors ? Peur ? Peur mais de quoi ?
La peur de ce qu'on ne connait pas, la non envie de découvrir, d'aller au devant, d'aller au delà.

Résistance au changement ?

Et puis l'étranger est aussi ce qu'on rejette malgré soi peut-être, souvent, parce qu'il est là, en soi, sans être désiré, souhaité, espéré. Mais il nous faut cohabiter, difficile et douloureuse cohabitation ! Ce mal présent, sournois qui s'invite lui aussi insidieusement et qui nargue celui qu'il vampirise, hôte malgré lui de cet invité surprise porteur du mal, de la douleur, de la maladie, de la souffrance, de la mort aussi...
Etranger alors que le malade essaie de vaincre, et d'apprivoiser, puisqu'il faut bien cohabiter, puisqu'il faut bien vivre !
Corps étranger, qui devient étranger, qu'on ne reconnait pas, qu'on ne reconnait plus
Corps vampirisé par cette force qu'on n'ose parfois nommer, ou qu'on affuble d'un nom, car cet étranger là, devient à force compagnon de misère, compagne de solitude, ombre de notre ombre !

C'est peut-être cette petite voix, qu'on entend et les autres pas, comme ces petites lumières ou ces petits bonhommes qui viennent la nuit, et le jour aussi , danser et tenir des discours menaçants, délirants, dont on ne peut se débarrasser, qui peuplent alors notre monde, qu'on voit et les autres pas
Etrangère alors que cette folie, ce mal là...
C'est parfois cette grosseur, cette boule, ce kyste, ce machin qui arrive d'on ne sait où, on ne sait comment qui se nourrit de nos cellules et qui envahit le corps petit à petit, et nous n'y pouvons rien, nous voyons, constatons, assistons impuissant au naufrage !
Tout ceci est étranger, nous est étranger, est étranger à nous même, est nous même, mais n'est pas nous même...
Etrange étrangeté alors, car on finit par ne plus se reconnaitre, ne plus être celui ou celle d'avant l'étranger, qui envahit, s'installe, s'impose, impunément !
Etranger encore que tout cela, contre lequel on ne peut rien, rien dire et rien faire, on assiste impuissant, sans pouvoir, même si on le pouvait, même si on le voulait "mieux faire" !

Etranger à l'autre qui n'est plus celui qu'on a connu, qu'on a cru connaitre, qu'on ne reconnait plus, qu'on croit ne plus connaitre...Connaitre, reconnaitre, naitre, n'étre plus celui, n'être plus celle, n'être pas, n'être plus, ne pas n'être, naitre enfin ?
On devient ou redevient alors l'étranger de l'autre, qui nous devient étranger
La boucle étant bouclée

Stranger in the night....

La peau d'Anna

Encore un livre, lu d'une seule traite ou presque celui là...Encore !
Je n'avais pas envie de le lacher ce livre, il me fallait aller jusqu'au bout...

Peau d'Anna, une sorte de "Peau d'Ane moderne", revisitée, une relecture, quelque chose comme ça, mais qui nous emmène sur ce chemin là.
D'ailleurs le conte apparait, en filigramme, puis explicitement tout au long du roman, c'est avec l'histoire de cette "princesse" (qui est aussi le surnom d'Anna enfant) que se construit et ne se construit pas l'histoire de l'héroïne

Encore une quête d'identité, une recherche de soi...
Comme quoi ? Le hasard ? Un livre pris au hasard sur le présentoir de la Bibliothèque... Un roman qui pourtant a à faire avec la psychanalyse.

Une jeune femme retrouve son père, malgré elle, des années après l'avoir quitté, laissé, un père "mort" pour elle, qui pourtant vivait là, à quelques rues, dans la même ville depuis des années, depuis toujours... Une jeune femme qui renoue à travers des lettres, grâce à l'écriture d'un père qui adresse un message, un dernier message, un ultime message...
Un père qu'elle ne voulait plus voir, mais qu'elle revoit malgré elle, malgré son choix, malgré sa décision, malgré son désir.. Mais où se situe vraiment le désir ? Ici ?
Quel est le désir ?
Anna se retrouve plongée au coeur de son histoire, de l'histoire, celle d'une famille, de sa famille.
Une histoire, la sienne, celle qu'on lui a raconté, celle qui doit être sienne, puisque on le lui a dit..
Des souvenirs, d'une histoire qu'elle voudrait enfouir, ne pas se souvenir.
Qu'elle a essayé d'oublier, de ne plus se rappeler, une vie de trous, avec des manques, des souvenirs....
Mais quels souvenirs ?
Les siens, ceux de sa grand'mère, si bonne, si bienveillante, si prévenante pourtant ?
Des impressions, des paroles, Peau d'Ane...Une famille...
Anna se souvient...Anna part à la rencontre d'elle même, alors qu'elle croyait l'avoir fait, déjà, des années plus tôt, pendant des années, sur le divan, dans le cabinet de psy de toutes sortes, qui lui avaient dit, qui avaient interprétés, qui lui avaient fait croire, laissé croire, qui avaient avec elle, malgré elle fabriqué des souvenirs, recollé les piéces d'un puzzle....
Son histoire a elle, qui la rend si malheureuse, si mal dans le monde, si mal en elle, si mal dans sa peau, dans la peau d'Anna !
Un père qui lui écrit, parce que sa mémoire s'en va, ça et là, de temps en temps, puis souvent, encore plus souvent, peut-être pour toujours ? Dans combien de temps. Il semble compter ce temps ce temps dont il dispose pour lui conter, conter son histoire, leur histoire...;

Atteint de ce mal qui prend tout ce qui nous reste, quand on vieillit, qui prend sans jamais rendre, qui laisse quand même des moments où la mémoire vient, revient, une mémoire douloureuse. Alors il veut dire, il veut raconter, il veut témoigner, ultime témoin de cette histoire, de cette rencontre là qui ne s'est pas vraiment terminée, mais qui semble s'être arrétée interminablement sur "pause". Il voudrait mettre des mots, des mots pour dire avant que la maladie ne gagne..
Avant qu'il ne sache plus.
Avant que plus personne ne sache, quoi que ce soit
Une vérité ? Mais qu'est ce que la vérité ici ?
Encore une fois la vérité.
C'est peut-être la question justement de ce roman : Quelle vérité ? Pour qui ? Pour quoi ?
Combien la vérité est singulière, comment elle s'arrange, se déguise, se travestie, à l'insu parfois du conscient, et peut-être de l'inconscient
Comment elle devient acceptable pour vivre sûrement pas, mais pour survivre peut-être
Chacun en a sa lecture, comme chacun aura sa lecture de ce roman....
Quête de vérité et de soi....Presque identique, la vérité est-elle essentielle pour se trouver se rencontrer ?
Est-elle indispensable pour se libérer ? Se sortir du carcan du mensonge qui nous emprisonne, qui nous empêche finalement de vivre, de respirer, d'être la cause de nos maux?
La vérité qui permet de mettre des mots ?
C'est un peu de tout ça "la Peau d'Anna "
Une enquête qui mène l'héroïne à la rencontre de soi, à la rencontre des mensonges qu'elle croyait vrais, et sur lesquels elle a construit sa vie, une vie si misérable ! unevie de solitude...
Mensonges ? Mais qu'est ce que le mensonge, si ce n'est une autre vérité, un arrangement, un autre agencement des événements, qui peut être entendable, tolérable, mentir c'est ne pas perdre, ne pas mettre en danger, se rassurer, peut-être, laisser ou faire croire d'abord à soi même puis aux autres, leur dire ce qu'ils croient être, pour ne pas les perdre peut-être, ni les décevoir, c'est donner une image de soi...Un faux soi. Mais un soi à donner à voir, à regarder, à plaindre
Cesser de mentir pour aller au delà d'une vérité peut s'avèrer parfois périlleux, ne servir peut-être à rien, ne pas être nécessaire, mais où se situe la contingence ? Si toutefois contingence il y a ? Cesser de mentir pour aller à la recherche de soi même, peut-être un acte courageux, ou insensé !
C'est aussi aller jusqu'au bout de soi même, et de son histoire, ce rendez vous là, ici et pas forcément maintenant... Demain peut-être, ou après demain ou jamais..
Est-ce utile ? Essentiel ?
Dans le cas d'Anna, c'est sa peau qui était en jeu, au delà de la métaphore, il s'agissait ici de sauver sa peau...
La peau d'Ane du conte, l'heure pour Anne de faire les comptes, l'heure du conte, qui n'a pas d'heure, mais qui doit se faire... Car c'est une question d'heure. Solder un passé avec lequel on est en compte, peut-être parce qu'on nous en a trop conté, justement, rendre compte pour approcher le conte, et aimer, peut-être sans compter et sans s'en laisser conter encore.....
Etre libre de tout compte, pour ne plus se ressasser le conte, le conte de fée qui est en fait celui d' une sorcière, méchante sorcière et gentille fée, ni tout blanc ni tout noir, ni tout gentil ni tout méchant.
Libre de conter, sans plus compter, de ne plus conter pour enfin aimer, laisser les histoires à l'histoire cesser d'être le personnage, le figurant d'un conte écrit par un narrateur tout puissant qui instrumentalise au gré de sa fantaisie pour donner sens à sa propre existence. Ustensilisant les protogonistes qui vienne servir sa propre histoire, rassurer son égo en souffance.
Solder enfin, une fois pour toute, affronter le passé pour affronter son destin, pour être acteur enfin de sa propre histoire. Construire demain, enfin !



Nathalie Gendreau La Peau d'Anna, éditions J.C. Gawesewitch
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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