Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mardi 4 novembre 2008

Impossible oubli

L'oubli...
Certains voudraient oublier, ne plus penser, ne plus y penser, car y penser fait mal, justement fait très mal, trop mal....Ce souvenir fait souffrance, blesse, torture. L'oubli serait un remède, une guérison....Pour ne plus souffrir, l'antidote de la douleur.. En quelque sorte, du moins on peut le croire, tenter de le croire. Qu'oublier, pourrait permettre...
L'oubli....
Certains oublient, tout, presque, ne savent plus, ne se souviennent plus, l'oubli fait de leur vie, une nuit sombre et perpétuelle...Sans plus jamais laisser pointer le jour, le souvenir du jour, que le jour existe, qu'ils existent
L'oubli
Plus facile pour les uns que pour les autres
Plus difficile pour les autres que pour les uns....

Si l'on pouvait oublier, recommencer, déchirer ce brouillon en quelque sorte, mais un brouillon suffit-il ? En faut-il plusieurs ?
Une suite de brouillons ?

Mais qu'en est-il de cet impossible oubli, de cet oubli qui n'a pas lieu, qui n'advient pas, et qui fait que ça revient encore et encore à la mémoire ? Que ça devient la mémoire.
In mémorian...
Que cet événement, ce traumatisme, cet accident, revient encore et encore, la nuit, le jour, éveillé, endormi....Dans les rêves nocturnes ou diurnes, il est là, comme un fantôme, un spectre dont on ne peut se débarrasser, avec lequel on ne peut négocier.
Mais négocier quoi ?
Oubli impossible, car on n'y peut rien, on ne le maitrise pas, on ne le maintient pas, il déborde du cadre, il n'y a plus de cadre....Les images sont là, envahissantes, obsédantes, dévorant l'espace qui n'a plus de marge, plus de liberté, plus de mémoire vive, telle une pieuvre géante qui déplie ses multiples tentacules pour s'inscruster dans les plus petits recoins de l'âme et de la mémoire.

Et voilà le sujet aux prises avec cet impossible oubli, ennemi de la vie, de sa vie, de sa survie, implacable compagnon qui le hante, plus proche de lui que son ombre. Il est en lui, il est sur lui, il est lui !
Les images défilent, les sons, les mots et les odeurs, chaque jour, chaque instant, chaque minute, chaque seconde revoient encore et encore cet événement, cet accident, ce traumatisme, qu'on voudrait oublier, qu'on voudrait ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir.
Il est si proche, si près qu'on le sent comme un souffle mal faisant, mal veillant, à la lueur de son âme, prêt à pénêtrer, encore et encore, envahir encore et encore corps et âme, corps et bien...
Implacable tatouage, qui ne peut pas s'effacer, ni même cicatriser, tellement à fleur de peau, que chaque geste, chaque pensée, le fait remonter à la surface, car il n'est en réalité pas si loin que ça !
Prisonnier de cet impossible oubli, condamné à perpétuité, à la perpétuité de cette mémoire, qui pour une fois, ne fait pas défaut, pas simplement des faux...des faux qui s'inscrivent en faux dans la mémoire du quotidien, déformant la vision d'une réalité qui ne peut plus se voir, se percevoir qu'en fonction de cet impossible oubli.
Oubli qu'on voudrait pourtant enterrer au plus profond d'un moi qui souffre tant qu'il ne sait plus où il en est....Impossible pour ce moi de voir, d'entendre et comprendre ce qui se passe, autour, et en soi
Cet impossible oubli s'invite à la table du Commandeur, il y joue les convives mal élevès qui ne savent pas ou ne veulent pas partir, et qui s'éternisent encore et encore. Impossible oubli qu'il n'est pas possible de flanquer à la porte, car il s'incruste encore au mépris des efforts de la maitresse de maison, qui voudrait tant s'en débarrasser et aller enfin dormir...


Non qu'il manque de savoir vivre, mais parce qu'il ne sait pas vivre autrement. Il ne doit sa vie du moins sa survie qu'à lui même, à l'impossible oubli qui une fois pour toute en viendrait à bout.

Mais si cet oubli est impossible et ne s'inscrit pas dans le champ d'un possible, que faire alors ?
Que faire pour le sujet ? Pour apaiser sa souffrance, sa douleur qui le ronge, qui le mange, qui le dévore à l'intérieur ? Qui le dévore de l'intérieur. Qui l'empêche de vivre, de vivre pleinement une vie, une vie au ralenti, une vie qui s'étiole. Qui empêche le sujet de naître véritablement à lui même et aux autres. De naitre enfin à la vie, à sa vie ?
Comment en venir à bout de cet impossible oubli tellement présent partout, obsédant, advenant sans cesse jour et nuit, nuit et jour....
Ce traumatisme qu'on ne peut oublier, qui ne peut être oublié et qui est trop présent. Un passé plus présent que le présent lui même qui finit par devenir un hypothétique temps décomposé.
Le présent n 'est plus, il ne peut lutter car le passé est plus fort, il le bat à chaque round, lui cloue les épaules au sol, il s'impose, arrive, incidieux, tortueux, est là, toujours là, dans les mots, les regards, à chaque instant, dans chaque lieu...Le passé est le seul écran, la seule scène où s'écrit et se lit chaque jour le scénario du présent.
Un présent passé, un passé de narration...Un passé historique, qui s'inscruste dans l'histoire du sujet, une histoire passée qui dévore le présent, qui fait que le sujet n'a plus de présent, et n'est même plus présent dans ce présent....

L'oubli n'est pas possible, mais est-il souhaitable ?
S'il est tant là, s'il est tant présent, qu'en faire ?
Puiqu'il ne peut être remisé par devers on ne sait quel autre souvenir, meilleur, moins mauvais, plus juste...
Si on ne peut oublier, alors que faire ? me demande une jeune femme en proie à des reves récurents ramenant un passé terrible sur le devant de la scène...

Peut-être affronter....Affronter cet implacable ennemi sur son propre terrain....Essayer ainsi de le vaincre, non de le clouer au tapis et de l'oublier, puisque c'est là que ça coince justement, que le noeud se serre et se ressere...
L'affronter sur son propre terrain de l'impossible, de faire de cet impossible un possible, et se donner le choix, la liberté. Celle de vivre avec cet impossible oubli.
Ne plus chercher à l'oublier, mais au contraire le laisser revenir, à soi, sans pour autant le laisser submerger le moi, son propre moi. S'offrir cet immense cadeau, cette luxeuse liberté, si luxeuse qu'elle pourrait en paraitre indécente
A moi compte deux mots !
Il est temps alors de faire les contes, de laisser l'histoire se dérouler, se compter sur les doigts, se conter avec les mots, de mettre des mots, de mettre en mot, cet impossible et terrible compagnon de captivité, qui empêche la vie d'aller et venir librement...
Mettre des mots, c'est déjà partager, c'est ne plus être seul, c'est faire part...à l'autre, de cet impossible oubli qui taraude encore et encore, qui résonne et que cette fois nous allons raisonner !
L'affronter ainsi avec l'angoisse et la peur au ventre, dans les entrailles, les sentir bouillonner jusqu'à la nausée tellement cette peur est là, mais qu'il faut regarder une bonne fois pour toute en face. Oser.
Peut-être ?
Une solution ?
Un remède ?
Pour avoir moins mal ?
Pour vivre un peu mieux ?
Pour être acteur de sa vie ?
Pour ne plus souffrir autant ?
Pour être libre ?

Aucune promesse, la psychanalyste pourrait promettre quoi ? Elle peut simplement permettre, offrir un espace de mise en mots, de mise en mots des maux de la souffrance que cet impossible oubli inflige chaque jour
Elle permet, peut-être, du moins je l'espère d'offrir un peu de liberté, et que celle ci est rare et chère, au sujet qui a le courage, l'audace de s'engager sur son difficile et laborieux chemin.

Pour vous C.
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Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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