Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

mercredi 19 mars 2008

Celle qui laisse

Peut-être pour faire suite à mon article sur la solitude et l'abandon.
On laisse peu la parole à celui qui laisse, qui abandonne.

Ce sont les mots d'une de mes patientes qui m'incitent à en parler.

"C'est le plus beau cadeau, la plus belle preuve d'amour que je lui ai faite" me dit-elle en relatant l'abandon de sa fille à sa naissance.
Déjà mère de deux enfants, l'un confié à la grand mère, l'autre élevé tant bien que mal par les compagnons de passage, elle ne pouvait garder cet autre enfant : "trop folle.... pas capable, bonne à rien.... Même pas fichue de m'occuper de moi, j'oublie de leur donner à manger..."disait-elle en larmes..

Il me faut revenir sur le terme "Abandon" et sa signification, le sens et le sens commun qui lui est donné.



Littéralement il veut dire "au pouvoir de"
Abandonner c'est quitter, cesser de s'occuper de...
Dans l'ancien temps on disait "mettre à bandon" c'est à dire, "mettre au pouvoir de"
Puis le français lui confère le sens de" l'action de renoncer à quelque chose, en la laissant au pouvoir de quelqu'un".
Toujours cette notion de laisser au "pouvoir" d'un autre, d'un tiers. (tiers séparateur ?)


L'idée de laisser prévaut.
Mais au XII° siècle, le sens de "laisser en liberté" est à mentionner, abandonner, ainsi employé dans le milieu de la fauconnerie.

On parle de laisser "quelque chose", un objet, un bien, une terre. Il faut attendre la seconde moitié du XVII° pour que l'emploi du terme concerne les personnes. Ainsi on peut alors abandonner quelqu'un : le laisser "au pouvoir de l'autre"

Je reviens aux mots de ma patiente, elle avait en effet laissé son enfant au pouvoir de l'autre, d'une autre mère qui l'espèrait-elle serait "suffisamment bonne", du moins pensait-elle "plus bonne que je pourrai l'être moi même".

Comme si cet acte d'abandon, pouvait laisser une chance à ce nouveau né d'avoir une autre vie, un autre destin. Que sa "mère biologique" pensait meilleure. Un autre départ. Une séparation nécessaire au bonheur ?

Un geste d'amour, ultime ! Un ultime geste d'amour, de cadeau d'amour ! D'amour pour cet enfant, mais aussi d'amour pour cette "autre" à qui elle le laissait.
Elle cessait de s'occuper.
Pourtant elle ne cessait ni d'y penser, ni d'aimer cette petite fille, ni de souffrir.
"J'ai trois enfants "déclarait-elle toujours, ce qui désorientait ses interlocuteurs, qui n'en voyaient que deux sur ses papiers....
Pourtant elle ne "fabulait pas " "ne délirait" aucunement. Elle avait bien trois enfants ! Cette fillette quittée était bien son enfant.

Geste d'amour, geste de désespoir mais d'espoir aussi, sursaut d'amour maternel pour donner une chance à ce bébé, une chance de grandir sans sa mère qui n'aurait su en prendre soin, d'avoir une chance d'accéder au bonheur que sa mère n'avait jamais connu et qui se pensait incapable de lui offrir.
Un cadeau ?
Une offrande ?
Un "don"
Un abandon pour lui permettre de s'épanouir ?
Un abandon pour "laisser en liberté" ?

A quel prix ?


Cette mère a fait ce qu'elle pensait devoir faire à ce moment là, et me dit que malgré sa peine, sa douleur elle "a bien fait, qu'il le fallait, au moins une de sauvée...."

Elle continue à souffrir, à ressasser sa peine, sans cesse, à avoir mal, dans son corps aussi et surtout, partout, tout le temps, et la médecine, malgré toutes les explorations, n'a pas vraiment de diagnostic ni de traitement à proposer... On parle pudiquement de "troubles fonctionnels" et me l'adresse.

Mais elle. Elle sait, elle sait de quoi elle souffre, et me le dit clairement "j'ai une maladie orpheline".
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Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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