Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

lundi 7 avril 2008

La plainte et le silence.

La plainte du patient

Le silence de l'analyste.

Et on parle (!) d'une rencontre possible, d'un rendez vous qui ne peut, ne doit être manqué !

Les analystes dans la pure tradition lacanienne (qui pourtant se réclame du Maitre alors que Freud parlait, commentait, conseillait, bref était actif dans la cure) se targuent de ne dire mot !
Ils écoutent en silence, du moins ils le prétendent.
Ils écoutent la plainte, celle du sujet en souffrance qui s'allonge là, et qui parle, ou ne parle pas. Mais ce silence là est souvent plus éloquent que la parole.
Ils parlent ou ne parlent pas de leur douleur psychique, de leur mal, de leur souffrance, de ce qui les hantent, les empêche de vivre et qui grâce à un sursaut de vie, une pulsion de survie, quand même, les mène vers le cabinet d'un thérapeute.

Alors de cette plainte on en fait quoi ?
A quoi sert-elle ?
Se plaindre est humain, on souffre, s'inquiéte et on fait partager ce sentiment, cet affect, cette émotion à l'autre. Un autre semblable, son collègue, son conjoint, son voisin, un ami... un inconnu. Une personne à qui on ne se confie pas vraiment mais à qui "l'on dit". On dépose alors un petit peu de son fardeau, pensant qu'ensuite il sera peut-être un peu moins lourd... On entend ou on n'entend pas les paroles gentilles, compatissantes, de cet autre vraiment bienveillant.

Nous connaissons tous ces situations, de temps à autres.

Mais quand il s'agit de sujets en souffrance psychique, de mal de vivre, à la douleur d'un événement de vie, deuil, maladie, rupture, abandon... S'en sortir seul ou avec l'aide d'un proche n'est pas de l'ordre du possible, et le recours au tiers extérieur s'impose : D'où les rendez vous avec le thérapeute.
Oui, mais voila. Que va dire le thérapeute ?
Et surtout que ne va t-il pas dire ?
Et que se passe t-il s'il ne dit rien ?

Certains sujets n'attendent rien. Le thérapeute, n'est que le miroir, le double qui entend ou qui n'entend pas, sa simple présence suffit. Il n'a pas besoin de renvoyer, Le feed back n'est pas nécessaire, il serait presque inutile, incongru. Ces sujets là n'en veulent surtout pas.
Dire simplement... Dire seulement !
Attitude oh combien lourde de sens et qui mériterait qu'on s'y arréte plus longuement...

Mais d'autres sujets, pourtant avertis des pratiques de l'analyse, sont surpris, ne comprennent pas, ne gérent pas ces silences, ne les supportent pas...
Ils leur sont insupportables et générent de la plainte. Une plainte qui s'ajoute aux autres plaintes.

Ne comprennent pas que leur plainte ne renvoit rien...Du moins le pensent-ils, le supposent-ils.
Ne serait-elle pas alors entendue ?
N'y aurait-il rien à en faire ?

Toutes ces années passées dans les services hospitaliers m'ont appris que la souffrance physique et psychique demandent une réponse de la part de l'autre.
Une réponse qui est attendue, voire sollicité, verbalement ou non. Explicitement ou non.
Cette réponse ne passe pas forcément par des mots. Il y a, et nous le savons tous, d'autres formes de langage. D'autres manières de marquer son intéret.. De dire, de montrer qu'on a entendu.
Qu'on n'est pas sourd au langage de l'autre. A ses mots et à ses maux !

La douleur est actuellement considérée, du moins, elle l'est davantage. Si dans les années passées les médecins répugnaient à donner des antalgiques et encore moins de la morphine, il n'en n'est plus ainsi, et c'est tant mieux ! A quoi bon souffrir inutilement alors qu'on peut abaisser le seuil de la douleur, et rétablir un certain confort pour le malade. Un relatif bien-être.

Alors pourquoi tant de questions, tant de recul, tant de craintes, tant de réticences vis à vis de "l'antalgique psychique" ?
Cette peur, encore ! Cette angoisse, devant ce territoire inconnu que constitue la maladie mentale, ou simplement le mal d'être ? devant le "ce que je ne comprends pas" et "ce qui pourrait être le pire qui pourrait arriver"
Les maladies de l'âme ne méritent-elles pas compassion ? Empathie ? Et réponse ?

Pourquoi ne pas panser ces maux là... Des maux penser par les mots, mais qui doivent aussi être pansés par des gestes, par des regards, ou s'il le faut par l'absorbtion de substances...

Pour ma part, je ne suis jamais restée sourde devant la plainte. Cela n'a pour moi aucun sens.
Cette plainte adressée à l'autre, soignant ou non exige une réponse appropriée. C'est le travail du thérapeute !
Laisser le patient se répandre dans la plainte, ne peut rien lui apporter, si ce n'est que de tourner en rond, et de passer en boucle sa souffrance...De laisser cette plainte et ce mal aise s'incruster, se greffer, s'insérer dans le plus profond de l'être. De faire de la plainte l'essence de son moi.
La plainte alimente la plainte..
Et il est bon de s'en défaire...
Si elle est dans certains cas adaptée, nécessaire au changement, elle peut à la longue, si elle est entretenue...par le sujet....et par le thérapeute, devenir toxique.
Elle finit par donner une vision erronée des événements, des choses et du monde.
C'est loin d'être le but d'une thérapie que d'accompagner le sujet sur ce chemin là... L'objectif étant au contraire de le rendre libre et autonome. Acteur de sa situation et de sa vie. Dans la mesure du possible... Des possibles, mais en aucun cas, le maintenir dans une situation de "victime".

Mais s'il ne faut pas rester sourd, faut-il rester muet ?

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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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