Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 20 décembre 2008

La veille de la mort

Au soir de sa vie...


Mes fonctions à l'hôpital me conduisent à rencontrer des patients de plus en plus agés, très âgés...

C'est cette patiente de 96 ans, hospitalisée pour des crises "cardiaques" "respiratoires" mais que les bilans médicaux n'objectivaient pas...qui cependant disait ne pas aller bien, souffrir tellement qu'il lui fallait les secours pour ne pas mourir ! Pas tout de suite !
C'est cette patiente là qui me mène vers cette réflexion. Celle ci, mais les autres aussi, vieux, très vieux, tellement vieux !

Ne pas mourir. Avoir peur de mourir !

Pourtant tout lui semblait paradoxal, incompréhensible, irraisonnable, irraisonné, car "je suis d'un naturel gai" souligne t-elle et d'ajouter "puis j'ai peur comme ça c'est incontrolable"

Angoisse incontrolée, incontrolable dans cette dernière ligne droite, pourtant sans trop de douleurs, sans trop de troubles physiologiques....
Des années d'une vie bien remplie, d'une vie "heureuse, où j'ai vu tant de choses, tant de gens, où j'ai tant aimé, tant été aimée..."
C'est sans doute cet amour là, qui la porte encore aujourd'hui, un amour qui illumine encore son regard, son visage toujours aussi joli !
Une beauté que seul l'amour peut donner... Pour toujours.
Pourtant, l'angoisse est là, présente, pressante, cette peur qui monte, lentement, insidieusement, qui envahit petit à petit, peu à peu, l'esprit, l'âme puis le corps tout entier

Tellement présente et pressante, qu'elle est là, compagne terrible, compagne sinistre d'un devenir possible et certain mais qu'on voudrait retarder encore, juste encore un peu...
Comme s'il n'était pas l'heure, pas l'heure encore. Cette petite minute, ce petit instant, cette petite minute, cette petite seconde encore avant.... Une sorte de dernière grâce...Avant
Et puis il y a l'après, après cet avant....Cet après. Qu'on sait proche "quand on a cet âge....C'est beaucoup, n'est ce pas ! tant d'années..." pas de regrets, non, comme un constat, factuel !
Presque un siècle, une époque, des guerres...
Pas de larme, mais un sourire et ce visage qui s'éclaire
Des années heureuses, heureuses d'avoir été vécues

Il reste encore mais combien de temps ?
C'est vrai que nous en sommes tous là, que nous ne savons combien de temps il nous reste, mais nous avons encore le temps, celui de voir venir... venir ce qu'on n'a pas vraiment envie de voir arriver bien vite ! si vite, trop vite, pour nous, pour ceux que nous aimons surtout !
Nous connaissons tous l'issue fatale, nous n'y échappons pas, plus tard sera le mieux...
Voir venir ?
Regarder impassible et livide les aiguilles de la funeste horloge ?
La minute, l'instant du condamné à mort, le condamné que nous sommes tous, sans trop savoir quand sonnera l'heure
Sommes nous dans le couloir de la mort ?
A attendre, sans attendre, car il faut s'occuper, passer le temps, vivre...
Le dernier instant, le dernier espace, le dernier moment à vivre entre avant et après
Avant l'ici et l'au delà, ou le néant, selon ce qu'on croit...

Tel le condamné attendant dans le couloir de la mort ?
Mais ne sommes nous pas tous dans ce couloir ? Il revêt pour chacun des couleurs différentes, nous ne sommes pas égaux, ni devant la vie, encore moins devant la mort, pourtant unique issue à nos plus ou moins tristes et banales existences.
Nous sommes en attente, nous sommes en partence. Nous le savons, mais nous n'y pensons pas.
Mais quand on est vieux ?
Y penser souvent ? Un peu ? Jamais ?
Y penser génèrent parfois un soulagement "il serait bien temps maintenant" disent certains, mais c'est un peu comme un train qu'on attend, depuis longtemps sur le quai de la gare, qui devrait arriver, mais qui ne vient pas. Encore...
Jamais à l'heure ce train là ? Mais quelle heure ?
C'est un peu comme ce train qui doit nous mener quelque part, mais on ne sait pas trop pour quelle destination, une sorte d'inconnu, que nous savons présente, quelque part, mais que nous ne pouvons précisèment situer.
Certains pensent y retrouver quelqu'un...Peut-être même celui ci viendra le chercher, l'attend lui aussi de l'autre côté, car il a pris ce train, avant.....
Et on attend ce même train, pour cette même gare....Ultime destination ?
Cela fait longtemps que nous attendons, très longtemps pour certains. Parfois le train passe mais ne s'arrète pas.
Une prochaine fois peut-être ?
Une prochaine fois sûrement....

"Quand on est vieux, on sait que c'est pour bientôt", me dit en riant un "vieux monsieur"....
"Mais c'est toujours trop tôt" me répond un autre !
Tôt, trop ou pas assez, mais il semble que ce ne soit jamais vraiment l'heure
Nous ne semblons jamais vraiment prêts à mourir, mais le sommes nous à vivre ?

C'est cette proximité peut-être plus proche quand le grand age nous conduit jusque là, mais jusqu'où ?
Jusqu'au moment où la mort est proche, semble se rapprocher, nous tenir compagnie d'un peu plus prés. Ombre de nous même, elle est là depuis toujours, elle est en somme une partie de nous, cette partie invisible en quelque sorte, mais présente, tellement présente parfois.
Compagne des mauvais jours, des chagrins et des souffrances elle ne manque jamais de se rappeler au seuil de notre mémoire.
Compagne d'infortune, ou de Fortune.... Elle n'est pas notre côté sombre ou obscur, mais cette part de nous qui nous est inconnue, pourtant. Inconnu mais tellement présent. La mort est une compagne pas toujours triste, qui nous rappelle que la vie n'a qu'un temps, mais qu'elle mérite peut-être d'être vécue. Autrement qu'en pensant justement à ces derniers moments.
Mais qui sait ce qu'ils seront, quand ils seront...Ces derniers moments, jusqu'à l'ultime ?
Peut-être la veillesse, le très grand âge ?
Ce serait illusion de le croire, car nous ne sommes pas à l'abri, à l'abri de l'ultime, qui peut surgir n'importe où, n'importe comment, n'importe quand...
Peu importe....
Illusion de croire que le temps rapproche, que le manque de temps nous gagne, que le temps qui génère cet espace ne nous fait crédit de rien
Illusion encore !
Illusion alors de croire qu'arrivé à cet âge, le train entrera en gare et cette fois fera halte ! Ultime escale pour chacun...
Rendez vous à ne pas manquer, certes, mais comment être à l'heure ?
Quand sonnera cette heure ?

Et avons vraiment envie d'être à ce rendez vous ?

dimanche 14 décembre 2008

Changement ?

Entreprendre une thérapie relève parfois, souvent, d'un ou du désir profond de changement,
Changer, de vie, d'environnement, de travail, de conjoint, changer....
Passer à autre chose, faire autre chose,
Devenir autre....
Changer de peau !
Encore une histoire de peau, de peau d'Ane,
Changement....Tant désiré, tant redouté, tant appréhendé, tant refoulé, tant retardé
Comme si....Comme si on voulait, comme si on désirait, comme si on faisait tout pour, mais...
Il y a ce mais, ce mais terrible ! ce mais qui est là, qui freine, qui empêche, qui fait que....
Franchir le pas...Oui,
Mais !
Changer, oui mais...
Comme si, encore une fois on avait tout pour, on avait tout fait pour, on faisait tout pour,
Comme si le jeu était bon, pour une fois, on a les bonnes cartes, toutes les cartes, on peut abattre le jeu, on a le jocker ! Les jeux sont faits !
Rien ne va plus.... Mais !
Alors quid de ce changement tant voulu, tant désiré, tant souhaité ?

Quid alors de cette quête qui a mené, amené le sujet sur la route, tel Oedipe en chemin, aveugle, à la recherche de ...
A la recherche de quoi ?
Arrive t-on déjà au bout du chemin ? A la fin de la Quête ? De sa croisade ? De son parcours de combattant ?
Mais y arrive t-on jamais ?
Faut-il y arriver ? Y a t-il une nécessité ? Une contingence ? Une contingence nécessaire ?
Ou justement c'est cette arrivée là qui effraie, parce que le bout, cette fin là débouche elle aussi sur une fin, un fin de non recevoir qui nous laisse en quelque sorte sur notre faim.
La faim du savoir. Et le savoir est sans fin.
Arriver au bout (mais au bout de quoi ? Qu'est-ce que le bout ?) est une sorte de conclusion, le terme de la quête. Se dire que maintenant qu'on a compris on a fini. Fini de chercher, de chercher à comprendre ?
Mais à comprendre quoi ? Qu'il ne reste alors rien ? Alors que faire ?
Est-ce de ce que faire là que nous avons peur ?
Ce changement étant le terme (du moins le croit-on) à la quête de soi même. L'avoir trouvé, ou croire l'avoir trouvé nous laisse face au vide. Encore !

Mais cette fois un vide indicible et terrible, puisque cette fois, inconnu, vraiment inconnu, unn vide inreprésentable....Un vide, paradoxal, puisqu'on ne cherche plus
Avant la fin de la quête, on s'attendait à trouver, une sorte de Graal, soi, soi-même, un autre soi, un nouveau soi, un vrai soi.
Mais quid alors, si on pense l'avoir trouvé ?

Rien, il ne reste rien d'autre à chercher ? A trouver encore ?
Mais est-ce ça qui bloque ?
Résistance au changement alors ?

Peur ?
Peur de l'inconnu, de l'étrange, de l'étrangeté,
Peur de se trouver, de se retrouver face à un inconnu, à un être étrange, à un être rempli d'étrangeté, qu'on cherchait pourtant, qu'on voulait trouver, mais qu'on ne reconnait pas, qui n'est pas l'être attendu, espéré, souhaité, désiré...

Résistance au changement ? A cette peur de changement ? A la peur de cette confrontation là ?
On résiste, de toute ses forces, on les mobilise, on voudrait tellement mais ...
C'est ce mais qui coince, qui noue, et qui force encore un peu sur le noeud, le resserant encore un peu plus
Pas un noeud coulant, un de ceux qui serrent et vous enserrent bien, retenant les mouvements, ceux qui conduisent au changement.

Alors on retient, encore un peu, encore un instant, ce soi là, qui finalement n'était pas un si mauvais compagnon, n'est pas un si mauvais compagnon.
Ce soi là on le connait, on fait avec, et on se dit, qu'après tout....
Lassitude alors ? De tout dire, de tout refaire, de tout recommencer, avec un nouveau jeu, qu'on ne connait pas forcément, qu'on ne saura pas forcément abattre au bon moment. Si moment encore il y a.

Avec lequel on ne pourra pas forcément faire...

Résistance alors et encore..
De quoi avons nous peur ? Cette question taraude bien sûr celui ou celle qui entreprend une thérapie, une analyse. La peur, celle qui gène, empêche, hante, son ombre, son fantôme aussi.
Projection de la peur, de cette peur là, bénéfice secondaire qui rassure et conforte, empêchant de tourner en rond, de briser le cercle infernal qui dévore de l'intérieur, mais qui rassure cependant à l'extérieur.
A l'extérieur de nous même, ce dehors là qui empêche le dedans de s'exprimer vraiment, qui le fait taire, qui le noue. Alors qu'il voudrait bien dénouer les liens, liens sacrés qui semblent noués pour l'éternité
Ces peurs là semblent aussi arriver à pic, tomber à pic au bord du vide qui s'intalle toujours un peu plus vite, un peu plus proche, ce vide connu, apprivoisé qui nous conduit vers l'infini
Vers l'infini de nous même, que nous connaissons sans connaitre, à qui nous donnons vie, qui doit naitre....Enfin, peut-être
Au ne pas naitre, pour rester dans le renoncement

Le renoncement au changement.

samedi 6 décembre 2008

Poèsie

La poésie est un passage entre la vie et la mort, une forme d'immoralité qui en transgressant ce qui apparait comme une loi de nature, la respecte.
C'est notre vision rationnelle du monde qui constitue une faute.


Eugène Green, La Reconstruction

mercredi 26 novembre 2008

L'étranger

On est toujours l'étranger de quelqu'un
On est toujours l'étranger pour quelqu'un
Etrange affaire que celle là...
Etranger, étrange, étrangeté....

Un sentiment de jamais vu, de pas connu, inquiétant, différent, étrange ?
Adjectif ou nom commun, étranger évoque aussi une étrange fascination. Il ne laisse pas indifférent, suscite des commentaires, des affects, des émotions.
On ne reste pas de glace devant ce qui est étranger.
Même si souvent on hésite à rompre la glace.
Il se passe forcément quelque chose, en nous, au plus profond de nous souvent.
Cela interpelle, nous interpelle, nous questionne, nous remet en question, nous pose question,
Quid de cela ? Que veut-il ? Que me veut-il ?

Etrange, étranger, étrangeté...Registre sémantique de ce qui est loin, dehors, pas familier, extérieur, qui n'est pas de la famille...Différent !
Etranger !

Il se peut aussi que nous soyons étranger à nous même, que nous révélions cette face cachée, insoupçonnée, ignorée, refoulée, mais qui fait partie, tout en étant étranger, restant étranger. Inconnu.
On ne connait pas l'autre mais se connait-on vraiment ?
L'étranger comporte cette sorte de mystère

De mystèrieusement étrange qu'on n'a pas forcèment envie de découvrir, de rencontrer, qui se trouve peut-être mieux tapi au fond de la mémoire ou de l'inconscient, enkysté, mais supportable, tu, mais bruissant tellement qu'on ne peut quand même rester totalement sourd, qu'on n'arrive pas à taire, à faire taire. Qu'on remise encore derrière, au fond, plus au fond encore....Etranger.

Alors l'étranger, cet étrange étranger là suscite la peur, l'angoisse et parfois le rejet.
La peur de la nouveauté, de l'inconnu, de ce qui arrive là, brusquement parfois, sans être invité, qui vient sans rendez vous car il n'est pas invité, sutout pas convié !
Sans même se faire annoncer, là, ici, maintenant, chez moi.
Inopportun, impromptu ! Mal élevé ! Insolent ! Inconvenant ! Déplacé !
Et moi qui n'en veut pas...
Il n'y a pas de place pour ce qui est étranger ! Pas plus de place pour l'étrange, qui suscite cette étrange étrangeté qui jusqu'ici était étrangère... Et c'était très bien !
Alors ? Peur ? Peur mais de quoi ?
La peur de ce qu'on ne connait pas, la non envie de découvrir, d'aller au devant, d'aller au delà.

Résistance au changement ?

Et puis l'étranger est aussi ce qu'on rejette malgré soi peut-être, souvent, parce qu'il est là, en soi, sans être désiré, souhaité, espéré. Mais il nous faut cohabiter, difficile et douloureuse cohabitation ! Ce mal présent, sournois qui s'invite lui aussi insidieusement et qui nargue celui qu'il vampirise, hôte malgré lui de cet invité surprise porteur du mal, de la douleur, de la maladie, de la souffrance, de la mort aussi...
Etranger alors que le malade essaie de vaincre, et d'apprivoiser, puisqu'il faut bien cohabiter, puisqu'il faut bien vivre !
Corps étranger, qui devient étranger, qu'on ne reconnait pas, qu'on ne reconnait plus
Corps vampirisé par cette force qu'on n'ose parfois nommer, ou qu'on affuble d'un nom, car cet étranger là, devient à force compagnon de misère, compagne de solitude, ombre de notre ombre !

C'est peut-être cette petite voix, qu'on entend et les autres pas, comme ces petites lumières ou ces petits bonhommes qui viennent la nuit, et le jour aussi , danser et tenir des discours menaçants, délirants, dont on ne peut se débarrasser, qui peuplent alors notre monde, qu'on voit et les autres pas
Etrangère alors que cette folie, ce mal là...
C'est parfois cette grosseur, cette boule, ce kyste, ce machin qui arrive d'on ne sait où, on ne sait comment qui se nourrit de nos cellules et qui envahit le corps petit à petit, et nous n'y pouvons rien, nous voyons, constatons, assistons impuissant au naufrage !
Tout ceci est étranger, nous est étranger, est étranger à nous même, est nous même, mais n'est pas nous même...
Etrange étrangeté alors, car on finit par ne plus se reconnaitre, ne plus être celui ou celle d'avant l'étranger, qui envahit, s'installe, s'impose, impunément !
Etranger encore que tout cela, contre lequel on ne peut rien, rien dire et rien faire, on assiste impuissant, sans pouvoir, même si on le pouvait, même si on le voulait "mieux faire" !

Etranger à l'autre qui n'est plus celui qu'on a connu, qu'on a cru connaitre, qu'on ne reconnait plus, qu'on croit ne plus connaitre...Connaitre, reconnaitre, naitre, n'étre plus celui, n'être plus celle, n'être pas, n'être plus, ne pas n'être, naitre enfin ?
On devient ou redevient alors l'étranger de l'autre, qui nous devient étranger
La boucle étant bouclée

Stranger in the night....

La peau d'Anna

Encore un livre, lu d'une seule traite ou presque celui là...Encore !
Je n'avais pas envie de le lacher ce livre, il me fallait aller jusqu'au bout...

Peau d'Anna, une sorte de "Peau d'Ane moderne", revisitée, une relecture, quelque chose comme ça, mais qui nous emmène sur ce chemin là.
D'ailleurs le conte apparait, en filigramme, puis explicitement tout au long du roman, c'est avec l'histoire de cette "princesse" (qui est aussi le surnom d'Anna enfant) que se construit et ne se construit pas l'histoire de l'héroïne

Encore une quête d'identité, une recherche de soi...
Comme quoi ? Le hasard ? Un livre pris au hasard sur le présentoir de la Bibliothèque... Un roman qui pourtant a à faire avec la psychanalyse.

Une jeune femme retrouve son père, malgré elle, des années après l'avoir quitté, laissé, un père "mort" pour elle, qui pourtant vivait là, à quelques rues, dans la même ville depuis des années, depuis toujours... Une jeune femme qui renoue à travers des lettres, grâce à l'écriture d'un père qui adresse un message, un dernier message, un ultime message...
Un père qu'elle ne voulait plus voir, mais qu'elle revoit malgré elle, malgré son choix, malgré sa décision, malgré son désir.. Mais où se situe vraiment le désir ? Ici ?
Quel est le désir ?
Anna se retrouve plongée au coeur de son histoire, de l'histoire, celle d'une famille, de sa famille.
Une histoire, la sienne, celle qu'on lui a raconté, celle qui doit être sienne, puisque on le lui a dit..
Des souvenirs, d'une histoire qu'elle voudrait enfouir, ne pas se souvenir.
Qu'elle a essayé d'oublier, de ne plus se rappeler, une vie de trous, avec des manques, des souvenirs....
Mais quels souvenirs ?
Les siens, ceux de sa grand'mère, si bonne, si bienveillante, si prévenante pourtant ?
Des impressions, des paroles, Peau d'Ane...Une famille...
Anna se souvient...Anna part à la rencontre d'elle même, alors qu'elle croyait l'avoir fait, déjà, des années plus tôt, pendant des années, sur le divan, dans le cabinet de psy de toutes sortes, qui lui avaient dit, qui avaient interprétés, qui lui avaient fait croire, laissé croire, qui avaient avec elle, malgré elle fabriqué des souvenirs, recollé les piéces d'un puzzle....
Son histoire a elle, qui la rend si malheureuse, si mal dans le monde, si mal en elle, si mal dans sa peau, dans la peau d'Anna !
Un père qui lui écrit, parce que sa mémoire s'en va, ça et là, de temps en temps, puis souvent, encore plus souvent, peut-être pour toujours ? Dans combien de temps. Il semble compter ce temps ce temps dont il dispose pour lui conter, conter son histoire, leur histoire...;

Atteint de ce mal qui prend tout ce qui nous reste, quand on vieillit, qui prend sans jamais rendre, qui laisse quand même des moments où la mémoire vient, revient, une mémoire douloureuse. Alors il veut dire, il veut raconter, il veut témoigner, ultime témoin de cette histoire, de cette rencontre là qui ne s'est pas vraiment terminée, mais qui semble s'être arrétée interminablement sur "pause". Il voudrait mettre des mots, des mots pour dire avant que la maladie ne gagne..
Avant qu'il ne sache plus.
Avant que plus personne ne sache, quoi que ce soit
Une vérité ? Mais qu'est ce que la vérité ici ?
Encore une fois la vérité.
C'est peut-être la question justement de ce roman : Quelle vérité ? Pour qui ? Pour quoi ?
Combien la vérité est singulière, comment elle s'arrange, se déguise, se travestie, à l'insu parfois du conscient, et peut-être de l'inconscient
Comment elle devient acceptable pour vivre sûrement pas, mais pour survivre peut-être
Chacun en a sa lecture, comme chacun aura sa lecture de ce roman....
Quête de vérité et de soi....Presque identique, la vérité est-elle essentielle pour se trouver se rencontrer ?
Est-elle indispensable pour se libérer ? Se sortir du carcan du mensonge qui nous emprisonne, qui nous empêche finalement de vivre, de respirer, d'être la cause de nos maux?
La vérité qui permet de mettre des mots ?
C'est un peu de tout ça "la Peau d'Anna "
Une enquête qui mène l'héroïne à la rencontre de soi, à la rencontre des mensonges qu'elle croyait vrais, et sur lesquels elle a construit sa vie, une vie si misérable ! unevie de solitude...
Mensonges ? Mais qu'est ce que le mensonge, si ce n'est une autre vérité, un arrangement, un autre agencement des événements, qui peut être entendable, tolérable, mentir c'est ne pas perdre, ne pas mettre en danger, se rassurer, peut-être, laisser ou faire croire d'abord à soi même puis aux autres, leur dire ce qu'ils croient être, pour ne pas les perdre peut-être, ni les décevoir, c'est donner une image de soi...Un faux soi. Mais un soi à donner à voir, à regarder, à plaindre
Cesser de mentir pour aller au delà d'une vérité peut s'avèrer parfois périlleux, ne servir peut-être à rien, ne pas être nécessaire, mais où se situe la contingence ? Si toutefois contingence il y a ? Cesser de mentir pour aller à la recherche de soi même, peut-être un acte courageux, ou insensé !
C'est aussi aller jusqu'au bout de soi même, et de son histoire, ce rendez vous là, ici et pas forcément maintenant... Demain peut-être, ou après demain ou jamais..
Est-ce utile ? Essentiel ?
Dans le cas d'Anna, c'est sa peau qui était en jeu, au delà de la métaphore, il s'agissait ici de sauver sa peau...
La peau d'Ane du conte, l'heure pour Anne de faire les comptes, l'heure du conte, qui n'a pas d'heure, mais qui doit se faire... Car c'est une question d'heure. Solder un passé avec lequel on est en compte, peut-être parce qu'on nous en a trop conté, justement, rendre compte pour approcher le conte, et aimer, peut-être sans compter et sans s'en laisser conter encore.....
Etre libre de tout compte, pour ne plus se ressasser le conte, le conte de fée qui est en fait celui d' une sorcière, méchante sorcière et gentille fée, ni tout blanc ni tout noir, ni tout gentil ni tout méchant.
Libre de conter, sans plus compter, de ne plus conter pour enfin aimer, laisser les histoires à l'histoire cesser d'être le personnage, le figurant d'un conte écrit par un narrateur tout puissant qui instrumentalise au gré de sa fantaisie pour donner sens à sa propre existence. Ustensilisant les protogonistes qui vienne servir sa propre histoire, rassurer son égo en souffance.
Solder enfin, une fois pour toute, affronter le passé pour affronter son destin, pour être acteur enfin de sa propre histoire. Construire demain, enfin !



Nathalie Gendreau La Peau d'Anna, éditions J.C. Gawesewitch

dimanche 23 novembre 2008

La Reconstruction

J'aime bien "Actes Sud", je lis souvent leurs éditions que je trouve à la bibliothèque.
Je prends souvent un de leur livre au hasard, parce que la couverture me plait, me parle, parce que quelque chose dans le titre me dit que...parce que je connais l'auteur, ou que je ne le connais pas
La Reconstruction c'est un peu de tout ça.
Premier roman d'Eugène Green plutôt connu comme cinéaste, ce livre est une merveille
Je l'ai dévoré presque d'une seule traite, un samedi soir....Puis j'en ai relu des passages encore et encore, pour comprendre, pour mieux comprendre, pour reprendre le chemin à l'endroit cette fois...

Véritable voyage dans la mémoire, mais aussi dans l'oubli, une sorte d'impossible oubli là aussi. Voyage à travers l'histoire, l'histoire sombre de deux pays, deux frères ennemis aujourdh'ui réunis mais qui portent chacun à leur manière des blessures qui ne cicatrisent pas.
La mémoire : Le devoir de mémoire aussi, l'impossible oubli, la culpabilité aussi...

Voyage dans le temps, voyage intérieur, rencontre avec l'inconnu, le connu, pas si connu que ça, rencontre avec soi même car ce soi là s'était donné rendez vous
Rendez vous curieux...Qui permet cependant de retrouver, de reconstituer, de reconstruire, comme le titre éponyme.
Rendez vous, rencontre, étrange, insolite avec un homme qu'il ne connait pas, mais que lui connait un peu, à travers son père qui lui a dit, raconté, laissé quelques bribes..
Homme étrange et étranger, témoin involontaire de l'histoire et de la barbarie des hommes qui fait une sorte de voyage pour comprendre et se trouver
Qui se cherche, en quête de son identité.
Chacun cherche celle ci dans son histoire et dans celle de l'autre, explorant ses souvenirs, convoquant à la mémoire à sa mémoire ceux ci pour tenter de savoir, de comprendre qui est qui, ou qui suis je ?
Quelques jours dans une vie...Pour la quête de toute une vie...
Mémoire, qui flanche qui défaille, mais qui dit, qui affirme que ça s'est passé ainsi, comme ça, et pas autrement..qui laisse le doute, s'infiltrer, s'organiser, s'affirmer lui aussi
Mais qu'importe ?
Mémoire en sommeil, mémoire dans le coma, qui revient peu à peu à la surface, qui reprend forme qui reconstruit.
Réalité,souvenir, vérité, histoire,puzzle, fiction, invention, réinvention..Une vie, des vies !
Où sont elles ?
Où se trouve la ou les vérités ? De quoi se nourrissent-elles ? La fiction estelle ici nécessaire pour que clle ci puisse enfin advenir ? Mais est-ce vraiment nécessaire
Enigme de l'existence, voyage, histoire, histoires de vie, de familles éclatées, déchirées, de secrets, enfouis, en fuite, pas si bien gardé ou au congtraire enfermé à double tour dans la crypte aux fantomes. Bien mal, qui se confondent, qui sont l'un l'autre, l'un et l'autre à la foi, ou le bien et le mal n'ont plus vraiment de sens. Où ça ne fait plus sens,
Où le mal fait le bien , est nécessaire pour que le bien puisse advenir..
Roman sur la reconstruction de soi, de l'être mais aussi de l'Eurpoe, d'une Europe déchirée, éclatée, par des conflits...Conflits humains, d'une violence inouïe, larvée au plus profond de chaque être, encore aujourdh'ui...

A lire absolument



Eugène Green, La Reconstruction, Actes Sud. 2008

dimanche 16 novembre 2008

Injonctions

Nous vivons quand même dans un monde surprenant !
Un monde où il faut, où l'on doit, où l'on se doit....
Un monde d'injonctions,
D'injonctions le plus souvent paradoxales !
Un monde qui s'efforce de rendre l'autre fou....
Un monde qui par certains côtés rend fou...
Un monde qui ne veut pas non plus de ses fous..
Un monde qui n'assume pas...ou plus, ou peu, ou pas assez ?
Fais ceci, fais cela, sois comme ci, sois comme cela
L'uniformité
Ne voir qu'une seule tête
Une sorte de modèle, modéliser, la modélisation, façonner, créer, cloner, clowner !

Injonctions paradoxales, doubles contraintes. Ronald Laing a merveilleusement nommé, exposé ce concept, et démontré comment il rendait fou. Nous y sommes presque, presque entièrement. Il en faut de si peu.
Ainsi,par exemple il faut manger : Raisonnablement, on nous l'assenne partout, dans la rue,à la TV, des légumes , des fruits bien sûr, mais la publicité nous montre paradoxalement tout ce qui est à banir de l'alimentation, chocolats, sucreries, sodas....
Qui croire ?
Que faire ?
Toute notre vie semble modélisée, ainsi il convient d'être parfait, heureux, souriant. Et de le montrer.
Le bonheur ! le positif, l'humeur, "tout va bien"... Même si rien ne va bien ou si rien ne va du tout L'important est de ne pas le montrer, le camouffler, ne pas dire, taire sa souffrance, son chagrin, sa peine, sa douleur... L'enfouir, l'en fuir, au plus profond de soi, ne pas laisser penser que...

Comment faire ?


Fumer tue !
C'est ce qui est inscrit sur les paquets de cigarettes en vente libre dans tous les bureaux de tabac (dans les supermarchés de certains pays)
Ainsi on vend la mort pour quelques euros ! La mort est en vente libre...
Fumer, oui, mais ça vous tue !
Ne vous plaignez pas car on vous avait prévenu...

Comment faire en effet dans un monde qui nous demande d'exprimer le contraire de ce qu'on ressent, de taire ses émotions, de vivre en perpétuelle dissonance. Comment se retrouver dans un discours aussi complexe, aussi pervers ?
On encourage le sujet à être positif, lui même, mais on lui demande en même temps de nier ce qu'il ressent, ou pire de ne pas trop l'exprimer afin de rester conforme à un modèle socialement correct, à une attitude socialement acceptable et surtout socialement supportable.
Nous n'allons pas bien, la société toute entière va plutôt mal, mais si nous faisons un petit effort et affichons une mine joyeuse et réjouie on pourrait croire que !
Mais croire quoi ? Croire que quoi ?
Les émotions ? Quid de cela ?
La société, le monde tel qu'il est aujourd'hui renvoit le sujet à lui même, il lui faut alors se débrouiller avec...Avec ses peines, sa douleur, ses souffrances, ses insomnies, sa maladie, son deuil, ses larmes.
Il se doit de ne pas les dire, en parler, les étaler. On en veut bien un peu, mais pas trop, si on admet le deuil, la peine de la perte, c'est pour un certain temps, déterminé, au delà, ça devient ennuyeux, difficile, insupportable, pas normal. On ne sait plus quoi lui dire, on l'évite, on le laisse se débrouiller avec sa peine, sa douleur et sa souffrance.
Les spécialistes parlent de deuil pathologique, les critères de celui ci sont dailleurs doctement rassemblés dans les manuels de psychiatrie !
Cette souffrance qu'on ne veut et qu'on ne peut pas voir fait mal, car chacun sait, même s'il ne veut pas vraiment le reconnaitre que ça n'arrive pas qu'aux autres !
"Cachez moi ce deuil que je ne saurai voir !"
Les émotions ne doivent surtout pas être manifestées, on n'admet ni trop de pleurs, ni trop de larmes, ni trop de cris, juste ce qu'il faut quand même, car ne pas verser de larmes lors d'un enterrement parait suspect !
Juste ce qu'il faut dans les délais impartis
Sinon, ce n'est plus la norme, la norme sociale, et on sombre dans le pas normal, le pathologique, la folie, qui fait peur, qu'on ne veut pas voir, qu'on ne peut pas voir, qu'on refuse de voir

"Cachez ce fou que je ne saurai voir !"

Notre monde recherche la performance, le meilleur, le toujours plus, le "peut mieux faire" qui tue l'élève qui pourtant à donné dans sa copie le plus qu'il pouvait faire... Encore un peu, toujours plus, travailler plus pour gagner quoi ?
D'ailleurs que gagne t-on ? Quel gros lot ?
La recherche de performance est partout, dans le travail, le sport, le loisir, la famille, le sexe, la forme, la santé. Ultra.
Celui que ne répond pas à ces critères s'écarte de la norme, se met en marge du monde, de ce monde là...Il devient marginal, déviant, car ne suit pas la ligne droite, exentrique, toqué, original, fou...On retombe encore une fois dans le pseudo pathologique !
Celui qui n'y arrive pas, malgré ses tentatives sera au mieux une mauviette, puis un raté, un nul, un bon à rien. Mauvais
Coupable ! Coupable de ne pas être en forme, sexuellement performant, ne pas faire le meilleur score au tennis, ne pas avoir fait O fautes...
La culpabilité, qui ne souffre pas d'être coupable ? Coupable de tout ? Surtout de ce qu'il n'a pas fait ?
Un monde qui culpabilise.
Parce que peut-être qu'aujoud'hui ce monde là, ne tient plus ses promesses.
Le monde capitaliste qui est le nôtre nous a toujours leurré, laissant croire qu'il peut tout, qu'il peut surtout susciter le désir, et combler celui ci, par n'importe quoi. Tout se vend et tout s'achète. Biens de consommation. Il peut tout, état providence, là et là, omniprésent et omniscient....Que la science explique tout, que le discours scientifique peut tout. Etat providence, Science providence;
Un monde où tout s'achète, un monde qui laisse croire que tout est achetable, le bonheur, la minceur, le bien être, que tout est monnayable, un monde libéral où la loi du plus fort, du plus riche...
Mais quid de cette loi face à la souffrance ?
Sois heureux ! Sois beau ! Soit....
Une longue liste sans fin, interminable
Mais où est le "sois toi" !
Seule injonction qui pourrait peut-être s'entendre ?

mercredi 5 novembre 2008

Ecrire la souffrance

C'est la lecture d'un article dans la salle d'attente de mon médecin, qui me donne l'envie de revenir sur cette écriture de la souffrance, de cette mise en mots de ces des maux là.
Il s'agissait d'un article sur la résilience, mettant en scène des femmes (encore....Mais les hommes aussi le sont) avec quelques commentaires de Boris Cyrulnick
J'apprécie beaucoup ce psychiatre, son tact, sa pudeur, l'extrême justesse et mesure de ses propos...
Il parlait de l'écriture, des écrivains (au féminin mais je n'aime pas ce féminin là il heurte mon oreille, ne résonne pas bien.) Il disait que beaucoup de ces femmes avaient souffert, qu'elles avaient beaucoup souffert, et avait écrit....
Comme si l'ecriture était un ex utoire, un moyen de sortir au dehors cette souffrance qui dévore l'intérieur. Pour justement, que cette souffrance puisse être mise à jour, mise à nu aussi par les mots, au travers des mots, grâce aux mots
Magnifiques et magiques instruments que ceux ci...
Au service de la souffrance et de la douleur
Mais, et je repose encore la question : La souffrance est-elle nécessaire à l'écriture ? Faut-il avoir souffert pour pouvoir écrire ? Pour pouvoir témoigner ainsi, liberer son corps et libérer son âme, du moins rien qu'un tout petit peu ?

Comment répondre ? En sachant qu'il n'y a jamais ni réponse ni vérité, que celles ci sont singulières...A chaque sujet sa réponse, à chacun sa vérité, et c'est heureux !
Je ne peux que tenter d'apporter quelques élèments à la lumière de mon expérience personnelle et professionnelle, de par les témoignages de ceux et celles qui ont fait de moi leur analyste, qui m'ont confié un instant de leur vie, de leur intime intimité et de leur confiance....

La souffrance m'a mené sûrement, sans aucun doute à la psychanalyse, elle m'a permis de comprendre, de vivre avec et surtout d'aller au delà de cette douleur morale, de ce mal de vivre....La psychanalyse ne guérit pas, ce n'est pas là son objectif, le symptôme ne doit pas être tu, tué, annhilé, le symptôme c'est le sujet, pour paraphraser....je pourrai ajouter avec une pointe d'humoir cultive le c'est toi !

L'écriture a toujours chez moi été un besoin, une nécessité, une nourriture, une source de vie, de vitalité, elle m'a permis enfant de dire, de confier, à un journal, à une amie, imaginaire ou non, ce que mon coeur, trop petit ne pouvait garder.
Elle m'a sauvée, peut-être,a été, peut-être un tuteur de résilience, comme le dit M. Cyrulnick.
j'ai toujours ressenti ce besoin d'écrire, de mettre des mots, peut-être parce que j'ai eu cette chance d'aimer les mots. Une sorte de rencontre réussie, un rendez-vous pas manqué, celui là !

Les mots sont des couleurs, des crayons, des pinceaux....
Plus tard, devenue historienne, et que mes recherches me conduisirent aux Archives, à la découverte des écrits de ces femmes du XVII° siècle, j'ai retrouvé ce gout et ce besoin de l'écrit, de la mise en mots....J'ai découvert qu'à cette époque aussi, l'écriture pouvait être un moyen de dire, de dire aux autres, mais aussi de dire à soi, de se dire à soi.

Mon travail de thérapeute et d'analyste me confronte aux mots, aux mots des patients, aux mots des analysants. Des mots qu'ils disent, qu'ils me disent, surtout qu'ils se disent
Des mots qui veulent dire, ce qu'ils pensent, ressentent, éprouvent, aiment, détestent, adorent ou aimeraient, souhaiteraient, désireraient...
Des mots qui donnent du sens ou pas, qui représentent, qui traduisent un sentiment, un affect, une émotion, une pulsion, un désir...
L'analysant parle, ou pas, parfois les mots font place au silence, aussi, et parfois plus éloquent que les mots lachés, dits, prononcés...
Le patient aussi,
Parfois analysant et patient écrivent. Ils mettent sur le papier des mots qu'ils ne peuvent dire, prononcer...Lacher de la sorte. Comme si le besoin de la plume ou du clavier s'avèrait un médium nécessaire,une sorte d'espace intermédiaire, une interface peut-être, une mise à distance de l'évenement, de ce qu'il y a justement à dire,, qui ne peut l'être, mais qui peut être écrit
Plus facile ?
Ca l'était et l'est encore pour plusieurs femmes traumatisées, gravement dans leur petite enfance ou adolescente, qui n'ont pu parler, dire se libérer des mots, qu'après avoir écrit, écrit leur malheur, leur douleur, leur souffrance sur de petits billets qu'elles me glissaient à la fin de la séance
"C'est pour vous"
Tristes petits bouts de papiers, griffonnés, chiffonés, pleins de larmes parfois, larmes de la peine, des souffrances qui enfin peuvent être libérées de leur cage, de là où elles étaient enfermées depuis des années...
Comme si écrire était plus facile "c'est plus facile pour moi" me dit D, qui lors de la prochaine séance n'abordait pas le petit papier, parlait d'autre chose, de la pluie, du soleil, de ses envies de nourriture, de la vie donc....Et qui au moment de partir me glissait un nouveau petit mot, décrivant son calvaire...
L'écriture l'a sauvée, c'est elle qui le dit, elle a toujours écrit, tenu un journal...Continue d'écrire et de m'écrire, alors que notre travail est achevé....

Une autre écrit lors de ses insomnies, "n'importe quoi, mais ca me soulage, ça fait du bien, je vide, je me vide..."puis je m'endors, le lendemain je déchire tout...
Soulage, retirer un poids, celui qui pèse et qui ronge en même temps...Celui qui fait mal et qui est là, niché au fond de soi...
L'écriture soulage alors, comme un rémède, un cataplasme, qui permet de mieux respirer, de mieux regarder, de mieux vivre un peu

La mise à distance, donner à l'autre, lui faire lire les mots, qui décrivent un peu cette souffrance qui le ronge, faire partager, faire don...Donner un peu à l'autre, celui en qui on a confiance, celui qui est supposé savoir, savoir quoi faire de cette souffrance là....
C'est aussi ne plus être seul, puisque c'est mettre l'autre, celui qui reçoit ce billet, ce petit mot chiffoné dans la confidence, dans "le coup"
Sale coup parfois, prise de coup et de risques, pour l'un et l'autre? Le mettre dans le bain, être dans le même bain. Faut-il jeter l'eau ?

L'écriture permet à celle ou celui qui l'a choisit de dre la souffrance autrement que par les mots, peut-être our en garder une trace...La parole s'envole les écrits restent dit l'adage.
Et c'est à méditer !
Vouloir en garder l'empreinte ? Peut-être pas, mais vouloir voir, sur le papier étalé l'ampleur de la souffrance tout d'un coup, d'un coup de crayon mise à nu, concrétiser, prendre forme et prendre sens ?
La voir, la regarder...faire des mots abstraits une matière concréte. Qui est là, devant soi, au regard de l'autre, à qui on la montre à voir, à regarder....Pour ne plus être seul, pour vivre peut etre un peu mieux ?

C'est en se sens, que je travaille avec ce support, que j'organise des ateliers d'écriture qui n'ont d'ailleurs et heureusement pas tous vocation à être thérapeutique. Car écrire est aussi un plaisir, un exercice à la portée de chacun d'entre nous. Un outil servant à dire, à s'exprimer, à exprimer pas seulement la souffrance et la douleur, mais aussi, ses joies, ses bonheurs, son bonheur
Ecrire c'est vivre, c'est la vie....
C'est mettre la vie en mots, mettre des mots sur sa vie.
C'est avoir en vie, c'est être en vie !
C'est l'en vie !

mardi 4 novembre 2008

Impossible oubli

L'oubli...
Certains voudraient oublier, ne plus penser, ne plus y penser, car y penser fait mal, justement fait très mal, trop mal....Ce souvenir fait souffrance, blesse, torture. L'oubli serait un remède, une guérison....Pour ne plus souffrir, l'antidote de la douleur.. En quelque sorte, du moins on peut le croire, tenter de le croire. Qu'oublier, pourrait permettre...
L'oubli....
Certains oublient, tout, presque, ne savent plus, ne se souviennent plus, l'oubli fait de leur vie, une nuit sombre et perpétuelle...Sans plus jamais laisser pointer le jour, le souvenir du jour, que le jour existe, qu'ils existent
L'oubli
Plus facile pour les uns que pour les autres
Plus difficile pour les autres que pour les uns....

Si l'on pouvait oublier, recommencer, déchirer ce brouillon en quelque sorte, mais un brouillon suffit-il ? En faut-il plusieurs ?
Une suite de brouillons ?

Mais qu'en est-il de cet impossible oubli, de cet oubli qui n'a pas lieu, qui n'advient pas, et qui fait que ça revient encore et encore à la mémoire ? Que ça devient la mémoire.
In mémorian...
Que cet événement, ce traumatisme, cet accident, revient encore et encore, la nuit, le jour, éveillé, endormi....Dans les rêves nocturnes ou diurnes, il est là, comme un fantôme, un spectre dont on ne peut se débarrasser, avec lequel on ne peut négocier.
Mais négocier quoi ?
Oubli impossible, car on n'y peut rien, on ne le maitrise pas, on ne le maintient pas, il déborde du cadre, il n'y a plus de cadre....Les images sont là, envahissantes, obsédantes, dévorant l'espace qui n'a plus de marge, plus de liberté, plus de mémoire vive, telle une pieuvre géante qui déplie ses multiples tentacules pour s'inscruster dans les plus petits recoins de l'âme et de la mémoire.

Et voilà le sujet aux prises avec cet impossible oubli, ennemi de la vie, de sa vie, de sa survie, implacable compagnon qui le hante, plus proche de lui que son ombre. Il est en lui, il est sur lui, il est lui !
Les images défilent, les sons, les mots et les odeurs, chaque jour, chaque instant, chaque minute, chaque seconde revoient encore et encore cet événement, cet accident, ce traumatisme, qu'on voudrait oublier, qu'on voudrait ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir.
Il est si proche, si près qu'on le sent comme un souffle mal faisant, mal veillant, à la lueur de son âme, prêt à pénêtrer, encore et encore, envahir encore et encore corps et âme, corps et bien...
Implacable tatouage, qui ne peut pas s'effacer, ni même cicatriser, tellement à fleur de peau, que chaque geste, chaque pensée, le fait remonter à la surface, car il n'est en réalité pas si loin que ça !
Prisonnier de cet impossible oubli, condamné à perpétuité, à la perpétuité de cette mémoire, qui pour une fois, ne fait pas défaut, pas simplement des faux...des faux qui s'inscrivent en faux dans la mémoire du quotidien, déformant la vision d'une réalité qui ne peut plus se voir, se percevoir qu'en fonction de cet impossible oubli.
Oubli qu'on voudrait pourtant enterrer au plus profond d'un moi qui souffre tant qu'il ne sait plus où il en est....Impossible pour ce moi de voir, d'entendre et comprendre ce qui se passe, autour, et en soi
Cet impossible oubli s'invite à la table du Commandeur, il y joue les convives mal élevès qui ne savent pas ou ne veulent pas partir, et qui s'éternisent encore et encore. Impossible oubli qu'il n'est pas possible de flanquer à la porte, car il s'incruste encore au mépris des efforts de la maitresse de maison, qui voudrait tant s'en débarrasser et aller enfin dormir...


Non qu'il manque de savoir vivre, mais parce qu'il ne sait pas vivre autrement. Il ne doit sa vie du moins sa survie qu'à lui même, à l'impossible oubli qui une fois pour toute en viendrait à bout.

Mais si cet oubli est impossible et ne s'inscrit pas dans le champ d'un possible, que faire alors ?
Que faire pour le sujet ? Pour apaiser sa souffrance, sa douleur qui le ronge, qui le mange, qui le dévore à l'intérieur ? Qui le dévore de l'intérieur. Qui l'empêche de vivre, de vivre pleinement une vie, une vie au ralenti, une vie qui s'étiole. Qui empêche le sujet de naître véritablement à lui même et aux autres. De naitre enfin à la vie, à sa vie ?
Comment en venir à bout de cet impossible oubli tellement présent partout, obsédant, advenant sans cesse jour et nuit, nuit et jour....
Ce traumatisme qu'on ne peut oublier, qui ne peut être oublié et qui est trop présent. Un passé plus présent que le présent lui même qui finit par devenir un hypothétique temps décomposé.
Le présent n 'est plus, il ne peut lutter car le passé est plus fort, il le bat à chaque round, lui cloue les épaules au sol, il s'impose, arrive, incidieux, tortueux, est là, toujours là, dans les mots, les regards, à chaque instant, dans chaque lieu...Le passé est le seul écran, la seule scène où s'écrit et se lit chaque jour le scénario du présent.
Un présent passé, un passé de narration...Un passé historique, qui s'inscruste dans l'histoire du sujet, une histoire passée qui dévore le présent, qui fait que le sujet n'a plus de présent, et n'est même plus présent dans ce présent....

L'oubli n'est pas possible, mais est-il souhaitable ?
S'il est tant là, s'il est tant présent, qu'en faire ?
Puiqu'il ne peut être remisé par devers on ne sait quel autre souvenir, meilleur, moins mauvais, plus juste...
Si on ne peut oublier, alors que faire ? me demande une jeune femme en proie à des reves récurents ramenant un passé terrible sur le devant de la scène...

Peut-être affronter....Affronter cet implacable ennemi sur son propre terrain....Essayer ainsi de le vaincre, non de le clouer au tapis et de l'oublier, puisque c'est là que ça coince justement, que le noeud se serre et se ressere...
L'affronter sur son propre terrain de l'impossible, de faire de cet impossible un possible, et se donner le choix, la liberté. Celle de vivre avec cet impossible oubli.
Ne plus chercher à l'oublier, mais au contraire le laisser revenir, à soi, sans pour autant le laisser submerger le moi, son propre moi. S'offrir cet immense cadeau, cette luxeuse liberté, si luxeuse qu'elle pourrait en paraitre indécente
A moi compte deux mots !
Il est temps alors de faire les contes, de laisser l'histoire se dérouler, se compter sur les doigts, se conter avec les mots, de mettre des mots, de mettre en mot, cet impossible et terrible compagnon de captivité, qui empêche la vie d'aller et venir librement...
Mettre des mots, c'est déjà partager, c'est ne plus être seul, c'est faire part...à l'autre, de cet impossible oubli qui taraude encore et encore, qui résonne et que cette fois nous allons raisonner !
L'affronter ainsi avec l'angoisse et la peur au ventre, dans les entrailles, les sentir bouillonner jusqu'à la nausée tellement cette peur est là, mais qu'il faut regarder une bonne fois pour toute en face. Oser.
Peut-être ?
Une solution ?
Un remède ?
Pour avoir moins mal ?
Pour vivre un peu mieux ?
Pour être acteur de sa vie ?
Pour ne plus souffrir autant ?
Pour être libre ?

Aucune promesse, la psychanalyste pourrait promettre quoi ? Elle peut simplement permettre, offrir un espace de mise en mots, de mise en mots des maux de la souffrance que cet impossible oubli inflige chaque jour
Elle permet, peut-être, du moins je l'espère d'offrir un peu de liberté, et que celle ci est rare et chère, au sujet qui a le courage, l'audace de s'engager sur son difficile et laborieux chemin.

Pour vous C.

samedi 18 octobre 2008

Le boulevard périphérique

Cela fait plusieurs années que je lis les ouvrages d'Henri Bauchau, et que je les relis toujours avec autant de plaisir, de bonheur et d'émotion..

Je viens de terminer son dernier roman, le boulevard périphèrique. On ne sort pas indemne ce cette lecture !
Des les premières pages on se trouve immergé au coeur de l'univers du narrateur, son quotidien, ses allers et retour vers l'hôpital, où il visite sa belle fille souffrant d'un cancer, d'une récidive de cancer...Elle se bat. Il est le témoin de cette lutte, il regarde, spectateur impuissant...Il raconte, nous raconte, se raconte. Il dit, comme toujours, avec les mots juste, cette impuissance là, ce combat pour la vie, ce combat contre la mort.

Puis il se souvient, il pense tout au long de ce chemin, si long, si douloureux aussi, pas facile, pas simple. Une sorte de monologue intérieur, un monologue dialogue avec le lecteur, qui devient témoin, qui devient l'oreille, qui écoute, qui entend les mots lachés sur le papier...
Il décrit, le quotidien, ce quotidien là, le chemin, les visites....L'hôpital
L'univers de l'hôpital est dur, la maladie est dure ! Dure pour les patients, mais aussi et surtout pour les proches, moins armés peut-être pour faire face à la maladie, à la souffrance, à la déchéance des corps, à l'approche, à l'odeur de la mort...Au combat de celui ou celle, gisant sur un lit, se raccrochant à un espoir, à un projet, à un lendemain, à un futur.... Un possible, une autre alternative, une sorte d'autre fin, qui même si elle n'a pas l'apparence de la happy end, serait ou sera peut-être mieux que l'ultime... La fin, la fin du film !

Ce monologue, c'est une sorte d'accroche, d'escalade, d'ascension vers le sommet, un sommet, à ce quelque chose qui permet qu'on ne se retrouve pas forcèment face au vide, à l'angoisse de la pensée, de l'ultime, de la possibilité de la fin...

Alors il pense ! Son esprit chemine dans sa vie, sa vie à lui, il y a longtemps, des années en arrière, alors qu'il était jeune, et que c'était la guerre....Il pense à cet homme, à cet ami de jeunesse, avec qui il a partagé des moments, intenses !
Entre les deux hommes c'est une histoire d'escalade ! Il l'admire, il admire sa précision, son ....
Puis la guerre, la Résistance...La mort de cet ami, une mort dont il ne sait finalement pas grand chose

Présent et passé, se croisent, se rencontrent, s'éloignent, le présent permet de comprendre le passé, la mort, le passé éclaire le présent...

La mort, car de la mort il est question ici, tout au long de ces pages, de cette histoire terrible, au présent et au passé, de cette mort présente, à chaque page, à chaque instant...

La mort et la réalite de la vie, la maladie et son cortège de douleur, de questions, d'hypothèse, d'espoir et de desespoir. Les visites quasi quotidienne de son domicile à l'hôpital, vers cette chambre dernier domicile de sa belle fille, théatre de la vie, des proches, qui parlent qui décident de ce que devrait, devra être demain....On élabore, on parle, on pleure, on se remet..On rêve, on se dispute...Bien ordinaire, un quotidien que je rencontre souvent, lors de mes visites, de mes entretiens avec les patients, leur famille....
Une sorte de chronique de la misère ordinaire, dans ce lieu inhumain !

Et ces quotidiens trajets sur le boulevard périphèrique encombré, les heures de pointes à éviter. Les trajets en RER... La lecture qui accompagne, qui alterne avec les pensées, de la guerre, de la résistance...
Les visites à la belle fille malade, aujourd'hui, les visites à la prison, après la guerre pour rencontre le colonel nazi, dernier témoin des derniers instants de son ami !

Bouleversante histoire d'amour et d'amitié, mais l'amitié est peut-être de l'amour !

Henri Bauchau une fois encore a su dire avec des mots ordinaires et simples l'anxiété des proches, l'espoir des malades, le quotidien des soignants...

C'est aussi l'histoire de la peur, du dépassement de la peur, de la grandeur de l'âme, de l'esprit de l'homme qui a su transcender sa propre peur, qui a pu l'affronter pour vivre son destin...

Croisé et croisement d'un chapitre à l'autre, d'un paragraphe à l'autre, d'une ligne à l'autre, le temps n'existe pas, n'existe plus, tels ces souvenirs qui s'inscrivent et s'invitent au présent....

Merveilleux moments que de lire un tel roman. Que monsieur Bauchau en soit remercié lui qui a si souvent accompagné mes trajets en RER.... de chez moi, à l'hôpital...Où la mort parfois m'était insupportable....Si souvent insupportable, mais comment peut elle être autrement ?


Oedipe et Antigone ont été mes compagnons de route, dans le RER...Je les ai lu et relus, souvent, y puisant à chaque fois, un peu de force, un peu de vie, et surtout un enseignement fort riche

Henri Bauchau Le boulevard périphérique, Acte sud, janvier 2008

samedi 27 septembre 2008

Complétude

Complétude, pour complèter, mais quoi ? Mais qui ?
Complèter, c'est ajouter, mettre un plus sur ce qui est déjà, sur ce qui existe déjà...

C'est dire, admettre, suggèrer, évoquer, penser que ce qui est déjà, n'est pas complet, qu'il faut, faudrait, ajouter quelque chose pour que ce qui est déjà soit complet.

Cela suppose que le sujet ait déjà l'idée du "complet", de sa représentation. En quelque sorte, qu'il entend quelque chose par là
Et que ce qu'il a ne l'est pas, ou pas vraiment, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, l'est peut-être, mais pourrait l'être davantage
Alors pour cette complétude soit, il faut y ajouter
Qu'il faut faire l'opération suivante. Ce que j'ai est un tout, avec un moins, si je soustrais ce moins il me reste quand même un tout avec un manque...
Un reste, une sorte de a
Pour obtenir ce que je veux, ou ce que je voudrai, ce que j'aimerai, il faudrait que j'ajoute un plus au tout incomplet que j'ai déjà...
Ainsi le plus viendrait en apport du moins et le supprimerait ?
Non pas tout à fait, car cela suppose que le plus soit le moins....Identique, pareil au moins...
Mais quel est ce moins ? Et quel est ce plus qui viendrait à sa place, d'une manière tellement ....Qquelle le comblerait.
L'annulerait.
Mais le plus n'annule pas le moins
Il ne le comble pas,
Le masque tout au plus
Ainsi, le moins est peut-être un peu moins, mais toujours quand même moins, il reste une faille entre le moins et le plus, un peu comme 1+1 = 3

L'incomplétude est....Elle se symbolise par ce vide, qui parfois s'ouvre sur le réel..
La complétude n'est dans ce cas qu'une illusion, une tentative de représentation d'un plus qui viendrait combler ce vide qui parfois s'ouvre sur le réel, sans toutefois le combler complétement, laissant ainsi un vide si petit soit il, un moins par lequel le vide se montre à voir...S'échappe ou laisse passer
On ne peut combler cette ouverture...Cette faille.

La complétude relèverait alors de l'illustion ou pire de l'espoir....Espèrer trouver ce petit plus venant combler ce petit moins pour faire un grand tout....

Cet espoir là rassurerait-il ? Cette volonté de recherche du grand tout, apaiserait-elle les craintes ? Craintes du morcellment, de la perte, et une fois encore de la solitude...
Mais pourquoi rechercher ce soit disant manque qui viendrait completer et faire du sujet un être complet, du moins qui se voudrait comme tel, qui s'envisagerait rien qu'un instant comme tel
Comme s'il en était sûr que la complétude était une sorte de remède
Mais de remède contre quoi
Le sujet est divisé, le sujet est séparé...Il n'a de cesse que de réparer, cette séparation, non en rajustant, racommodant les deux espaces béant formant la plaie, la faille, mais en la comblant, comme on comble les rides...

On se plait à dire dans le sens commun, en parlant de l'autre, qu'il est sa moitié. Une sorte d'un seul être nous manque. Agrégeant à notre moi cet autre moi pour en faire un moi...Mais quel moi justement ? De quel moi sagit-il ? On ne sait plus vraiment....
On voudrait se compléter, pour mieux s'ajuster, car on n'est pas complet, et en manque de ce "morceau de moi"qui manque, qui erre on ne sait où, et qu'on ne trouvera peut-être jamais, parce que ce "bout de moi" n'existe peut-être pas ?
Mais comment savoir ?
Alors on espère encore..On cherche pour trouver peut-être, mais qu'importe, seule importe la quête...La quête de soi encore une fois, qui passe par là....
Cesser de chercher, c'est renoncer, c'est abdiquer, c'est perdre, c'est admettre l'échec, le manque, l'absence de complétude, d'un sujet complet
Cesser de chercher, c'est peut-être commencer à mourir !

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vendredi 26 septembre 2008

Attendre

Attendre.....
Attendre son tour patiemment ou non, dans une salle d'attente
Attendre indéfiniment que sa vie change
Attendre que l'autre vienne
Attendre un enfant
Attendre son train

Attendre la fin
La fin de l'histoire, la fin du film,
Attendre la mort !

Que de temps passe t-on à attendre ? Mais attendre quoi ? Ou qui ?
Attendre ou espèrer ?


L'attente n'est pas toujours facile, pas toujours simple à vivre, à gérer..
Elle instaure en effet un espace de solitude, solitude encore, encore et toujours..

Attendre c'est se retrouver face à soi même, face à son être seul, et c'est parfois le plus difficile, le plus compliqué, le moins supportable..
Attendre, c'est renoncer à la satisfaction immédiate, renoncer au tout de suite. Pas maintenant.
Satisfaction d'un désir, d'un besoin. Cette satisfaction là, est différee dans le temps, un temps parfois incertain, un temps inconnu, qu'on ne mesure pas toujours, qu'on ne maitrise pas
C'est se retrouver face à l'impuissance, à la non puissance de gérer ce temps, de le ramener, ou de l'amener à une distance qui nous semblerait raisonnnable, qui nous conviendrait, qui nous serait plus supportable, moins anxiogène.

"Je n'en peux plus d'attendre...Qui ou quoi ?"... Me dit un jour une analysante. Attendre, mais quoi, peu lui importait de le savoir, mais elle savait qu'elle attendait.
Que quelque chose se passe dans sa vie, quelque chose, dont elle ne savait rien, qu'elle n'imaginait pas vraiment, mais qu'elle attendait.

Insurmontable attente, laissant le sujet seul face à un espace, un espace de temps, dont il ne sait que faire, qu'il ne sait, ou n'ose combler dans l'attente de.
Un espace temps qu'il n'ose investir, car l'évènement attendu pourrait arriver. "Alors si je commence quelque chose... Je raterai, comment savoir ?"
Comment savoir en effet ?
Mais savoir quoi ?

L'attente est un problème de sociéte, tant et si bien que la question se pose partout. Les salles d'attente, où des inconnus se croisent, se regardent, se parlent parfois....Lisant les magazines laissés là, à leur intention pour "tuer le temps", attendre sans attendre.
Comme si l'attente, cette attente là générait un ennui, une sorte de "je ne sais pas quoi faire" . Répondant à l'injonction parentale d'antan, "Ne reste pas sans rien faire" et pour aller plus loin encore "l'oisiveté est mère de tous les vices " Peut-être ?

Le temps perdu....Ou qu'on pense tel, car on aurait envie de faire autre chose que rien, ce rien qui justement s'impose là, comme ça, sans qu'on n'y puisse rien...Le temps encore est toujours qu'on croit nôtre, mais contre lequel on ne peut rien encore une fois, qui s'impose et qui se pose dans un espace que nous n'avons pas forcèment prévu, et qu'on s'obstine à meubler parce que cet espace là, on ne le veut pas vide. Un espace ne peut être vide, le vide se doit d'être comblé...

Pendant cette attente. Contre laquelle il n'y a rien à faire de plus que feuilleter machinalement la revue placée là pour ça... Les mots croisés pour se concentrer et faire passer le temps plus vite... Travailler en attendant, sur son ordinateur, sur des dossiers, afin de ne pas perdre son temps....Ou en ne faisant rien, les yeux perdus dans le vague, dans le ciel, profitant de ce temps libre pour penser, rêver, méditer... Contre tout attente !

Le temps donc ! Une question de temps...Perdu, mais qu'il ne faut cependant pas perdre, car pour certains il s'avère précieux....
La perte ! Insupportable perte.
Ce temps, qu'on tue, pour ne pas le perdre.
Curieux paradoxe !
Temps mort !
Une si longue attente...

On attend un enfant, on attend à la caisse, on attend son tour, on attend des résultats, on attend un rendez vous, on attend un événement, on attend son train, son taxi....
Quai de gare !

On attend, donc on est là à un moment a et on attend le moment b. Seulement la route n'est pas directe. Il existe un espace entre les deux, il y a un "entre" a et b.
Cet "entre" là c'est l'attente
Une sorte d'entre acte.... Pour que les acteurs se changent, reprennent leur souffle, qu'on change le décor
La vie est un théatre....
Dans ces cas l'attente est dévolue à quelque chose, à une sorte de résultat
L'enfant viendra, le train, le taxi arriveront, on finira par vider son caddie à la caisse du supermarché.
L'attente n'est pas vaine, même si ce temps là, ne sert concrétement à rien. Du moins c'est ce qu'on croit. Il n'y a qu'à regarder les files d'attente...génèrant davantage de stress qu'une joie débordante !
Donc quel est cet espace qui se situe dans l'intervalle de l'ensemble a et l'ensemble b, il n'y a pas de rencontre possible....
Si le temps est linéaire, l'intervalle serait plus ou moins long, mais serait là, mesurable, mathématiquement calculable..
Une sorte de no mans land...Un sass où il est censé ne rien se passer. Pourtant.
Il s'en passe des choses, il s'en dit des mots... On pense, on imagine, on improvise, on invente un scénario, je dirai, je dirai ça...je ferai ci je ferai ça...On refait le monde, à notre image, on se réinvente un monde, un peu meilleur, juste un peu plus adapté, un peu comme on voudrait, où on serait un peu le héros, du moins un peu moins ci, un peu plus ça...

L'attente entre les séances d'analyse....
Attentes si longues, trop longues parfois, où on pense, où on dit, on se redit, on dit à soi même, on se souvient, on ressent, encore la séance, ce qui s'est dit, pas dit, ce qu'on aurait aimé dire, ce qu'on aurait du dire, qu'on n'aurait pas du dire, qu'on a pas pu dire, on se dit les mots qu'on dira la prochaine fois... Peut-être, si on s'en souvient. Puis on pense encore aux mots qu'on a dit, qu'on a pas dit, la dernière fois...On aurait du, on a pas pu, on le dira, on le dira pas...On pense, on élabore, on échafaude, on rêve, on analyse, on fait des liens, on associe, on comprend tout, on ne comprend plus rien....On tisse des liens, on tricote, on brode, on détricote, on reprise, on ressasse, on recoud, on remet des pièces, on rafistole, notre vie, on bricole, on colmate, on reprise encore et encore avec quelques mots, lachés là, seuls qui se raccrochent peut-être encore à quelque chose, à un lien tenu, un pauvre fil suspendu, qu'on essaie de sauver, pour faire du lien, pour tisser, pour ramailler là où ça a céder....On tente encore une dernière fois, ça tient, ça tient pas, de ci de là, de ci de ça, et puis peut-être on tire encore, des plans, sur la comète, avec le fil qui ne rentre pas dans le chas de l'aiguille, le chat....Le fil qui tient et qui tient pas, qui ne tiendra pas, et on coupe ! finalement on tranche ou pas, on fruste ou pas, on castre ou pas, on censure ou pas....L'interséance... Angoisse, pas bien, nausée, malaise....
Joie, bonheur, euphorie, c'est ça tout ça, l'attente de l'autre, de la séance, la future, pas la dernière, l'attente de l'analyse, l'attente de l'analyste !

On attend la prochaine fois, le temps est long, on est en manque, en manque de la séance, en manque du dire, on manque de mots à mettre sur les émotions, les souffrances, les douleurs, les rires, les plaisirs, on manque du manque, on manque de la séance, on manque de l'analyse, on manque de l'analyste...
Mais la séance viendra, il faut être patient l'heure finit par arriver, le rendez vous finit par avoir lieu, notre tour arrive...
Quand il viendra, il se passera quelque chose, ou il ne se passera rien, ou pas ce qu'on attendait, mais on attendait quoi ? Le plan ne se déroule pas comme on l'avait prévu...Alors on attend encore, la prochaine fois, la prochaine séance, le prochain rendez-vous, la prochaine rencontre...
Pour ne pas la manquer. Cette fois, encore une fois !
Un tour, encore un tour, un tour de passe passe, le temps qui passe et qui repasse, cent fois remettre sur le métier son ouvrage !

On attend....
Je me souviens d'une expression de mon enfance... "Attendre le dégel". Elle me faisait rêver, mais ne manquait pas de m'interpeller en plein été...

Attendre quelque chose qui ne vient pas, et qui ne viendra jamais, mais attendre, telles ces femmes de marin qui attendent le retour... Un retour impossible parfois, mais qu'elles espèrent quand même, car cet espoir les maintient en vie, du moins les aide à survivre
L'attente de l'homme, du fils ou du mari, parti en mer, et pas revenu ! Naufrage, mère cruelle, qui a ravi le corps, le corps du fils ou du mari, dans l'immensité de l'océan, gouffre sans fond, sans fondement, ce qui ravive encore l'attente, l'attente du miracle...
Survivre à ça....Vivre pour attendre, attendre pour vivre, regarder la mer, qui réclame toujours plus de sacrifice sans jamais s'apaiser, qui réclame des vies pour se nourrir du désespoir et de la souffrance....Regarder le ciel, implorant la clémence des dieux, qui ne peuvent être si cruels, des dieux, qui pour une fois, peuvent ramener le fils ou le mari vivant, sur le rivage, là où les pieds de la pauvre femme errent cent fois par jour, dans l'attente d'un signe qui ne vient pas, qui ne viendra peut-être pas, mais qui peut peut-être venir !
Sa vie ne tient qu'à ça, de ci de ça, vie qui ne tient qu'au fil tenu, malingre et malicieux qui la maintient en vie, en survie, et qui se coupe, qui se brise, qui ne tient plus, qui lache, qui ne peut comme les filets de la nasse être sans cesse ravaudée
Pauvre vieille ! Pauvre femme ! Pauvre mère!
Que faire, elle n'est pas de taille pour lutter contre cette mère qui dévore tout, ses enfants et ses navires !
Mais elle attend, une si longue attende, des journées à attendre, une vie d'attente !
Cette même attente, qui se confond avec ce misèrable espoir des plus pauvres, des plus solitaires, de ceux qui souffrent, qui pensent que demain sera meilleur, si ce n 'est pour eux, il le sera peut-être, sûrement même pour leurs enfants....
Leur laissant croire, les rassurant, que finalement ils n'ont pas tort, ils ont raison d'attendre, ils ont raison de miser sur cette attente là
Qu'il finira bien par se passer quelque chose; qu'ily aura une lumière au bout du tunnel, que ça ne peut pas être sombre tout le temps, noir partout !

Alors il faut attendre, attendre encore et encore
Interminable attente !

jeudi 25 septembre 2008

La mort de l'autre

La mort de l'autre....

J'ai souvent, et j'évoque souvent la mort, la ou les problèmatiques qu'elle soulève. La douleur.
La mort, fait partie de la vie, elle en est une partie, elle en est la fin, l'issue. Irrémédiable.
Mourir est le destin de tous, un destin certain et incertain pourtant, car personne ne sait quand aura lieu cette fin, qui met définitement un terme à la vie, à notre vie....

Mais aussi à la vie de l'autre !
Mais surtout à la vie de l'autre !

Si nous pensons parfois à notre mort, sans toutefois pouvoir se l'imaginer, car c'est impensable, pas représentable, nous pensons aussi, parfois/ souvent à celle de l'autre, la mort de l'autre
L'autre aimé...
L'autre qu'on aime, et qui par là, par la mort un jour nous quittera, nous laissera, là, face à un vide, face au vide de l'absence, face au vide de son absence.
Car si on ne se représente pas la mort, on peut se représenter ses conséquences, c'est à dire l'absence de l'autre....Ce que la mort apporte, le résultat de son passage.
Elle fauche, tout !
Et nous laisse face à l'absence, face au corps de l'autre sans vie, puis à son absence...Face au vide de l'absence..
Un vide, un trou béant, qu'on ne pourra jamais vraiment combler, puisque l'autre, cet autre là, aimé est parti à tout jamais, pour toujours, sans aucun espoir de retour !

Certains s'en prennent à rêver qu'il existe peut-être, sûrement même, un espace, un paradis où on le retrouvera, où tous les êtres qui nous sont ou qui nous ont été chers, nous attendent....
Attendent notre venue, dans cet au delà....Au delà de quoi ? Au delà de qui ?

Au delà, c'est en quelque sorte quelque chose qui nous dépasse, que nous ne connaissons pas, une sorte d'espace inconnu, un territoire mystèrieux et magique peut-être aussi ?
Un espace autre, qui se situe dans une autre dimension, un autre champ que notre vision ne nous permet pas de voir, mais que notre esprit, avec un peu d'imagination, ou de la foi, nous permet d'envisager, d'entrevoir ou/et d'espèrer

Un espoir qu'on peut entretenir, pour moins souffrir, pour moins avoir mal, pour mieux supporter, la perte, la perte, de l'objet, de l'objet qui nous comblait, qui comblait notre solitude...

Sa perte ouvre le comble, la faille la terrible fissure... Le trou béant, vide et profond qui fait qu'une fois de plus peut-être on se retrouve, seul.
Seul face à soi même sans l'autre, qui nous était cher,
Cher, si cher, qui nous tenait chaud, chaud au coeur..
Qui nous tenait au chaud, éloigné du froid de la solitude, du froid glacial de l'être seul , qui nous réchauffait le coeur, qui nous réchauffait le coeur.
Face à nous même, face à notre propre solitude, face à notre être seul !
L'être cher, n'étant plus, n'étant plus là, nous sommes seul , définitivement seul..
Sans lui !
Jamais on ne s'était rendu compte hier à quel point cet être, perdu aujourd'hui, nous manque et nous manquera demain. Et nous sommes seuls !
Seul sur la route, seul sur le chemin, seul ! Définitivement seul, sans que rien ne puisse venir combler, remplir ce vide, cette solitude qui nous fait mal, qui nous terrasse, qui nous arrache, qui nous déchire.
Une partie de nous même semble partie, semble avoir été définitivement elle aussi, arrachée, déchirée, morte avec l'autre..Avec le disparu !
Quelques analysants décrivent cette perte, cet écartélement, cette amputation. "Une partie de moi est restée là, là bas, à cet endroit, à ce moment....Une partie de moi, est toujours là bas, l'autre continue, mais seule, car il manque quelque chose...Le temps semble s'être arrété là"
Arreté, laissé là... Avec l'autre qui est mort, ce temps, cette partie est morte elle aussi, partie à tout jamais avec la mort de l'autre
Cette mort qui l'a entrainée dans le gouffre terrible, dans le vide, dans ce trou sans fond, dans cet univers inconnu, ce terrain obscur, territoire inconnu et inviolé de la mort, non espace....

La mort de l'autre pétrifie, tétanise, traumatise.
Effraction terrible, qui par son intensité, sa soudaineté, son imprévisibilité pénêtre et intruse le moi, au risque de le détruire.
L'autre bout du moi, mort lui aussi avec l'autre, celui qui est parti.
Autre, membre fantôme, mais qui fait mal, comme le bras ou la jambe amputée qui continue à faire souffrir. Qui n'est plus, mais dont on sent la présence...Une présence absente.
Nulle morphine pour oublier cette douleur là...
Car l'autre n'est plus.
Disparu....
Mort !
Car disparu est un euphémisme, il ne dit pas vraiment, comme s'il n'osait pas...Il laisse presque suggérer, et c'est une erreur de croire ou de faire oou de laisser croire qu'un retour puisse etre possible
Mais la mort, signe bien cette disparition sans espoir de retour
Sans jamais revoir, retrouver, le regard, la chaleur, l'amour de l'autre, cet autre qui nous était cher. Qui parfois, était une partie de nous même "nous ne faisions qu'un" couple fusionnel, qui ne trouvait de sens qu'à travers, et grâce à l'autre, l'un et l'autre, l'un est l'autre, l'un sans l'autre ne peut être. Un presque indicible "parce que c'était lui, parce que c'était moi."

La mort de l'autre...Qui fait qu'on se retrouve alors, face à soi même, pas seulement face à sa propre mort, mais, pire, face à sa propre solitude !
La mort on ne peut pas se la représenter.. La solitude, si, pour peu qu'on l'ai déjà vécue, éprouvée, dans notre chair, au plus profond de notre coeur, de notre âme.
Pour peu que les liens sécures nous ont fait défaut, plus ou moins dans notre enfance, dans notre petite enfance...
Défaut, défectibles, défaire....Des faire.
Souvenirs, cicatrices, indélébiles, conscientes, inconscientes....Pour toujours, refoulées, retour au conscient, revenues lors de ce deuil, réactivées... A fleur de peau, à fleur de mots, à fleur de maux.
Qu'il y ait eu des manques déjà...
Cet attachement, ces liens, qui ne sont pas, qui sont peu, ou qui sont, ou ont été toxiques
Ce manque déjà, ce manque, cette absence, cet oubli qui fait que nous avons été seul, trés tôt, si tôt, trop tôt !
Solitude, seul, face à notre être seul, insupportable, insurmontable,

Nous cherchons alors dans l'autre, sujet, un objet d'amour, sécure qui sécurisera notre peur d'être seul...Qui viendra combler ce vide. Un trou béant...
L'abandon...
Revivre encore cet abandon n'est pas tenable..Encore !

Abandon et solitude, c'est complémentaire, abandonné à sa solitude...
Etre seul, face à son Etre seul, sujet abandonné à lui même, à sa solitude, à sa propre solitude,
Une solitude qui lui est insupportable, une solitude qui ne peut être pour lui que synonyme d'abandon, puisque la solitude est le résultat de l'abandon.
Une solitude qui n'est pas choisie, cherchée, recherchée.
Sans être le fruit de hasard, cette solitude là est advenue dés sa venue à la vie. Venir au monde seul, dans un monde de solitude.
Ne pas avoir de réponse, ne pas avoir de signe, demander, pleurer, crier, parler, sans être entendu....Sans la mère, sans le père, sans le ou la qui va prendre en charge, prendre en compte, ce petit être qui ne peut être seul, car l'homme est un être social, sociable, qui a besoin de l'autre pour vivre
Mais cet autre, si cet autre justement cet autre là qui est attendu, ne vient pas, ne répond pas, n'entend pas, et laisse le nouveau né, le bébé, le petit enfant, l'enfant, l'adolescent, puis l'adulte devenu seul....Irrémédiablement seul... Si l'autre, cet autre là, est sourd, muet et aveugle....

Solitude de mort, solitude de non être, solitude maudite, sans mots dits, justement, sans mot à mettre dessus... Seuls les maux peuvent alors combler cette absence de mots.
Cette solitude qu'on remplit comme un vide effroyable qui ne peut le rester sans produire de l'angoisse, une angoisse qui serre, et qui ressere, à tel point qu'on en étouffe....
Une angoisse qu'on essaie de faire passer, en remplissant le vide, comme on remplit le gouffre, avec ce qui est là, ce qui passe par là, ce qui tombe là sous la main....
La nourriture, le tabac, l'alcool, la drogue, le sexe, le net, l'autre
Qui comble, qui bouche le trou, les trous, les orifices...qui colmate pour que ça ne fuit pas, que ça ne s'échappe pas.
On retient, on serre, on ne lache pas
Tout ce qui s'échappe est une perte, un abandon encore !
Parfois il faut vider, vider, lacher, laisser, pour remplir encore, et encore et davantage, jusque n'en plus pouvoir, jusque n'en plus vouloir...

Car on revit encore cet abandon, cette solitude, traumatisme cumulatif, cet abandon là, pas prévisible, vient nourrir encore la blessure traumatique originelle, celle où pour la première fois le moi a rencontré cet éprouvé de solitude, qui est devenu un sentiment de solitude..
Rencontre terrible, terribles rencontres encore !

Alors la mort de l'autre ? De l'autre aimé, qui peut-être servait de par être, de cuirrasse, d'armure pour affronter le monde et les autres.
Cet autre "besoin" fait nécessaire, qui permettait à la asolitude de ne pas être au rendez vous.
Si cet autre, s'en va, part, vous lache...S'échappe
Pour une destination connue, mais inconnue, car nul ne sait pour où il part...Et tout le monde sait qu'aucun retour n'est possible
Cette confrontation au non retrour, à la mort del'autre, à sa propre solitude, à son être seul et non seulement anxiogène, mais mortifère....
Elle montre et démontre, nos limites, celles qu'on ne peut malgré nous et malgré tous nos efforts border, cadrées, pour être dans un espace sécure, un espace qui nous sécurise, qui apaise nos craintes et nos angoisses, une sorte de no man's land, où rien ne peut arriver, puisqu'on a mis en place tout ce qui était nécessaire. On a sécurisé le périmêtre....
Mais la mort, n'a que faire de cette sécurité là, de ce périmêtre là. Elle va et vient comme bon lui semble et seul la mort est immortelle. Elle résiste à tout, et nous n'y pouvons rien
La mort de l'autre vient nous démontrer, si nous ne le savions pas, ou si nous l'avions un peu oublié qu'on ne peut rien, qu'on n'est pas tout puissant, qu'on ne peut pas tout prévoir, et que l'imprévisible existe, que nous y sommes soumis, sans être forcément responsable. Et surtout pas responsable
Que la vie est éphèmère, courte et ne tient qu'à un fil...Que celui ci peut être coupé ou peut se couper n'importe quand, n'importe comment à chaque instant.
Incontrolable, imprévisible....
Ce sont les lois (qui ne sont pas celles des hommes) qui régentent la vie, la mort.. La nôtre et celle de ceux qui nous sont chers ! La Loi donc, celle de l'universel, l'Autre !
On ne le sait que trop, et l'oublions pour pouvoir vivre, avoir la force de continuer, seul ou avec d'autres le chemin, dur souvent, agréable parfois.
Nous allons sourire, rire, aimer encore, et encore, car nous sommes vivants, et cela fait du bien de le penser ! de le croire.
Perdre l'autre est dur, terrible, terrifiant et parfois insurmontable...Rester seul est la pire des souffrances, vivre sans cet autre, est pour certains impossible !
Il parait que la vie nous apprend. A nous d'en tirer une ou plusieurs leçons, faire de notre ou de nos expériences, une force, un appui qui nous permet d'aller plus loin encore, dans notre vie, dans notre réflexion...Sur la route.

Résilience....Résistance...Survivance....Instinct.....Pulsion....De mort....De vie....De vivre...La rage de vivre....Le désir de vivre....La pulsion de survivre....L'instinct de survie !

Tel le voyageur, le pélerin nous cheminons, notre sac, notre fardeau s'alourdit de jour en jour....Il nous fait courber l'échine chaque jour un peu plus.
Les évenèments de vie, peuvent devenir que nous y prenions garde ou pas, de terribles traumatismes, ils peuvent se réfugier au plus profond de l'inconscients, refoulés, pour nous revenir en pleine figure, quand parfois on s'y attend le moins.
Bien que...
Le hasard n'étant pas, ce rendez vous là, impromptu, n'est peut-être pas si banal et si imprévu que ça.
La réactivation du trauma, arrive peut-être quand on ne s'y attend pas, mais quand on peut, où qu'on pourra en faire quelque chose, au mieux le surmonter, pour avancer....Encore plus loin, pas forcément plus vite....
Mais la mort de l'autre, la mort de l'autre aimé, la perte à tout jamais, celle qui nous confronte à la solitude, au vide, à l'abandon et forcément à notre propre mort, un jour ou l'autre ?
Que faire de cette mort là ?
Nous apprend elle à être plus fort ? A continuer le chemin ? Seul et in mémorian.... De l'autre perdu ? Pour lui ? Pour elle ?
En sortons nous grandi ?
Pouvons nous alors relever la tête, non pour allèger ce fardeau, mais le porter de telle façon qu'il en sera moins lourd, moins encombrant ?
En ferons nous le deuil ? Et que signifie faire le deuil ?

Pour Tao.

lundi 8 septembre 2008

le mal dire

Dans un précédent article, je m'arrétais assez longuement sur les mots, leur sens, leur importance aussi.
Importants ils le sont !
Mais la place qu'ils occupent au sein de la communauté des hommes qu'ils lient ou non est essentielle.
Sans les mots, pas de parole, pas de langage, pas de possibilité de communiquer autrement que par gestes ou signes.
Une communication relativement limitée, nous pouvons en faire l'expérience quand nous rencontrons une personne qui ne parle pas notre langue, dont nous ne parlons pas la langue...
Malgré les efforts de chacun la conversation s'essouffle rapidement, l'échange reste modeste, même si nous aimerions en dire et en entendre davantage. Nous sommes frustrés, frustrés par cet échange, qui tourne court, trop court bien souvent. Car nous ne pouvons dire....Il nous manquent les mots pour le dire
Pour le dire justement, et fort justement....
Les mots nous sont donc indispensables et essentiels pour nous exprimer et exprimer ce qu'on ressent.
Ce point établi, j'aimerai à présent souligner le "mal dire".
Qu'est ce que le mal dire ? Ou dire mal...Pas avec justesse.
User des mots, oui, mais pas tout à fait selon le bon usage,
J'aurai d'ailleurs pu intituler cet article "du bon usage des mots", mais ce n'est pas seulement d'usage qu'il s'agit, mais aussi de mal traitance, de mal usage....De mésentente donc.
De mésentente qui en est le résultat, car chacun n'entend pas la même chose, le même sens, ne peut donc se faire une représentation.
Mésentente entre celui qui dit et celui qui entend, ou plus aisément, celui qui communique un message à une autre personne qui doit comprendre ce qui a été dit.
Et cela parfois ne passe pas... Ou cela passe mal, pas complétement...

Oui, mais alors pourquoi maltraiter ce mot, ou ces mots, qui n'y sont à l'origine pour rien
Comment les maltraitent-on ?
Le plus souvent sans vraiment le savoir, et sans s'en rendre compte
Pour aller plus vite, car la vitesse, est là, présente, omniprésente, jusque dans la communication et même surtout dans la communication, dans le dire à l'autre...
On use et abuse, de code et de signes, SMS ou autre, qui ne signifient rien, ou pas grand chose pour le non initié.
Encore qu'il ne s'agit pas d'être initié dans ce cas précis, le mot, le sens représenté par des signes, ou des chiffres, n'a pour objectif que l'économie de texte....Et il faut bien dire, des banalités, des rendez vous, une liste de courses, des mots d'amour ou de rupture....
Une sorte d'inventaire à la Prévert....
Vitesse et modernité ?

Mais les mots sont amputés depuis longtemps déjà, on prend le bus et on regarde la télé. .. Ce ne serait pas bien grâve si on s'en tenait à l'oral, lors d'une conversation banale....
On écrit comme on parle, et comme on parle mal, on écrit mal...
Il ne s'agit pas seulement de fautes d'ortographe, mais de barbarismes, d'incorrections, de néologismes, d'erreurs, de mots employés pour d'autres....

Comment peut-on penser ? Symboliser ? Ecrire ? Se représenter, avec un vocabulaire tronqué, erronné ? simplifié ?
Comment cela est-il possible ?
Que met-on derrière ces mots symboles, ces mots chiffres, ce mots signes ?
Quelle valeur sémantique et sentimentale ? Quel amour pour ces maux, terribles mots qui se cachent sous une carapace énigmatique, qui perdent leur identité, leur vitalité...
Qui saura quels mots véritables se cachent, vidés de leur enveloppe, de leur corps, de leur "moi peau," ils deviennent peu à peu vidés de leur substance. De leur essence.
Vampirisés par le progrés, par la technique, par la technicité, d'appareils sensés rapprocher les gens, les personnes, mais qui en réalité, ne servent qu'à les isoler, les disperser...Bref, démanteler et briser le lien social !

Comment peut-on parler d'un avenir, d'une décision en tapant un texto ?
Comment peut-on se contenter d'une telle messagerie ? D'un tel messager ?
Le mal dire en est-il l'origine ? L'avenir et la modernité sonnent t-ils le glas de l'orthographe, de la syntaxe ?
Qui ou quoi ? Quelle origine ?
Quel désir ? Quel désir surtout ?
Où se situe le désir, pas seulement de bien dire ? Mais de dire simplement ?
Le désir de traduire ce que le corps et l'esprit éprouve, de nommer des émotions, des affects, des moments de bonheur, de souffrance ou de douleur
Comment dire tout cela ? Quels mots mettre sur les maux du corps et de l'esprit, si ces mots ne sont pas ou ne sont plus ?
Si ces mots n'existent pas ou plus dans le registre de la langue du sujet ?
Si rien ne peut représenter, ni symboliser ?
Perte de la parole, du mot, du sens ?
Comment mettre du sens et faire des liens ?
Comment dire à l'autre, justement au plus juste, ce qu'on pense, ce qu'on ressent ?
Comment entendre aussi ce que l'autre voudrait dire ?
Allons nous donc tous parler une langue étrangère ? Une langue qui n'en n'est plus une, mais qui est une sommes d'anagramme, de sons, de consomnes et de chiffres sensés vouloir signifier quelque chose ?
Mais fort justement où sont le signifié et le signifiant ?
Plus d'enveloppe, plus de contenant, plus de contenu
Contenant la pensée, l'âme humaine, le mot s'il est vidé, exangue ne peut plus être, ne peut plus jouer son rôle, rôle essentiel dans le lien celui de la mère et l'enfant, celui du petit homme à l'adulte, celui du sujet au sujet
Ce langage neuf, nouveau est-il le langage du sujet ?
Quid de l'analyse, qui repose sur les mots, sur le dire...Sur le dire des mots sur les maux, pour les mettre en mots, et soulager l'âme et le corps ?

Curieux laboratoire que celui ci. Curieuses expérimentations que celles là ?
Il ne s'agit peut-être plus de mal dire, mais de "non dire" et du mal de dire, ou ne pas pouvoir dire !

dimanche 31 août 2008

Histoires de mots

J'ai toujours aimé les mots, les jeux de mots, jouer avec les mots, apprendre des mots, leur sens... J'ai appris à les aimer très tôt, très jeune. L'amour des mots m'a menée vers la littérature, l'histoire, mais aussi vers la psychanalyse : la mise en mots...Les mots qui viennent...Les mots qui disent...

C'est ma grand mère, je crois qui m'a transmis cet amour là, celui de la justesse de la langue : toujours tenter de trouver le mot qui convient pour se faire comprendre le plus justement possible, pouvoir ainsi traduire au plus juste sa pensée, ses émotions, ce qu'on veut dire...à soi d'abord puis à l'autre, justement
Le souci de l'autre ?
Je me souviens du Larousse en deux volumes, qui ne retrouvait jamais sa place dans la bibliothèque, car on l'utilisait plusieurs fois par jour...Et on ne le rangeait pas...Car on en aurait encore besoin. Un besoin qui était aussi et surtout un plaisir, celui de la découverte.
Une merveilleuse aventure..
Besoin pour vérifier l'orthographe d'un mot, le sens exact, son éthymologie, son emploi...Son histoire et son aventure à travers le temps, à travers les temps, prendre le temps de découvrir tout cela ! L'incroyable aventure des mots, de mots en mots, au fil du temps, au fil des hommes dans le temps.

Il y avait bien d'autres dictionnaires, plus neufs et plus récents, des encyclopédies, mais ces fameux dictionnnaires, j'y revenais toujours, ils me faisaient rêver, et c'est avec eux, que j'ai appris à lire et à aimer la langue. La langue de France, la langue des écrivains.
La langue, les mots, et la grammaire...

Plus tard à l'école, j'ai découvert le bonheur de jouer avec ces mots, de les assembler, d'en faire des phrases, de les mettre en ordre et dans le désordre, les conjuguer, les accorder...Mon plus grand plaisir était de faire des analyses logiques, décortiquer les phrases, trouver le verbe, les compléments différents, trouver les combinaisons, le code "secret" du discours de l'auteur .

Puis ma mère, qui aimait tout autant les mots, mais aussi et surtout la littérature m'a fait découvrir ce que les mots veulent dire si on prend la peine d'aller à la découverte de leur mystère. C'est avec elle que j'ai appris à lire et écrire des textes, des résumés, des synthèses... A exprimer ce que je ressentais... A sentir, ressentir très tôt ce besoin d'écrire.
Et de lire. Tout, les journaux, les livres, les magazines, les poésies, les fables, les essais....

Aller au devant de celui qui écrit, qui prend la peine de mettre des mots sur des émotions, des idées, pour nous les transmettre, nous les faire partager, nous les offrir, nous faire réagir. Aller à la rencontre de cet autre là, de cet autre différent, qui pense, qui ressent et qui dit !
On ne reste pas insensible aux mots, ils déclenchent toujours quelque chose chez qui prend la peine de s'y arréter. Des larmes, de la peine, du rire, du bonheur, de l'indignation, de la colère, de la joie...Et l'envie de répondre ! Les mots qui appellent d'autres mots, qui s'enchainent, qui se suivent, qui se mêlent, qui se démêlent, qui se déchainent...
Lien social, discours, dialogues....Conversation, liens des hommes, liens entre les hommes ! Liaisons qui deviennent dangereuses parfois, les mots sont une arme, ou peuvent le devenir, pour qui veut sans servir de la sorte ! La guerre des mots, la guerre en mots !
Echanges !
Mots d'amour aussi, billets tendres, liaisons.... Et change.
Mots instruments, outils pour dire, se faire entendre qui servent à construire et élaborer des plans pour argumenter, disserter, exposer ses idées . Comprendre.
Etre compris... Au mot le plus juste... Pour être compris

Par l'autre encore...
Pour l'autre !
Car nous vivons dans un monde où tout est langage, où le mot est le mot de passe du lien social, pas seulement une sorte de sésame, mais aussi et surtout, un passeur.....
Le mot de la passe, le mot de l'espace !
Passe le mot et passe le temps, le mot reste et le temps passe.

Et à mon tour, je passe, je passe et repasse les mots, l'histoire des mots, le goût des mots, l'amour des mots...Etc...
Nous sommes des passeurs, de passage, certes, mais pour passer...Dépasser aussi. La passe des mots : Etrange et bien curieuse mission que celle là !

Les mots sont peut-être pour moi une affaire de femmes, une transmission de femmes, une sorte de langue maternelle !
La langue mère de la mère, amère parfois, et la langue et la mère, et la langue de la mère, la transmission aussi ?
Une affaire de mots, de langues et de femmes, de femmes dont on dit qu'elles ont toujours la langue bien pendue !
La langue qu'on donne, qu'on offre en cadeau, à l'enfant qui vient de naître, même avant de naître cet enfant là sait que les mots existent, puisque sa mère, une femme encore lui parle...Lui dit les mots d'amour ou de tendresse, de haine ou de détresse... Mais lui dit ! dit les mots.. Les maux, les mots des maux...
Ils sont aussi l'affaire du père, du père qui parle qui dit les mots, les mots d'amour ou de haine...
Mais tout est langage, et l'enfant baigne dans ce langage ! Langue et mots qu'il sait, connait et reconnait quand il ouvre les yeux tout grands à la lumière, à la lumière de l'autre, cet autre qui lui apprendra à nommer....A être parmi les autres, et l'Autre !

En apprenant les langues anciennes, (ou simplement en s'y interressant) on ne peut qu'aimer encore davantage les mots, la langue...Et la comprendre !
On peut s'amuser à décomposer, à recomposer. N'est-ce pas à partir du latin et du grec que nous formons les mots nouveaux, ceux qui justement nous manquent parfois pour désigner quelque choses de nouveau ?
Nous parlons d'ailleurs latin, sans le savoir, comme ce brave Monsieur Jourdain...Ainsi nous regardons une vidéo (je vois) une cassette audio (j'entends) !

Comprendre le monde, son histoire, comprendre l'homme avant qu'il ne devienne un sujet
Comment l'homme a t-il forgé sa langue, tel l'artisan, qui a modelé, façonné, les mots, a retiré des lettres, en a rajouté...A ajusté les mots au contexte, a crée selon le besoin le mot qui manque pour nommer la nouveauté.
Créatif et imaginatif, mais toujours selon une certaine logique. La racine des mots, la racine du mot, son origine, le "là" d'où il vient.
Il vient de quelque part...Ainsi cette origine nous permet parfois de décomposer le mot le plus mystèrieux et inconnu qui se présente à nous pour en comprendre le sens !

Le mot est vivant, il nait, vit, et vieillit et parfois meurt !
Le vocabulaire change, parfois perd son sens, ou en prend un autre..Qu'on ne comprend pas toujours, ou qu'on ne comprend plus
Comme si les siècles les avaient patinés, mots galets, roulés par les vagues, les eaux tumultueuses des ans qui rodent et érodent sens et sang...Le sang des mots, l'âme des mots,
Les mots sont animés et prennent toute la puissance que la parole leur donne... La parole, celle qui lache le mot, l'abandonne à l'autre, à l'Autre !
Ils vivent et nous les faisons vivre. Nous naissons avec cet héritage, lointain ! Ils étaient là avant nous, et seront là encore longtemps après nous.
Les mots, la parole et la langue.
Tryptique essentiel et fondamental, trilogie de l'homme sujet qui nait, vit et meurt au milieu d'un monde parlé et parlant, qui baigne dans le langage, qui hérite et tansmet la langue, maternelle ou pas, qui apprend d'autres langues, parlée ou non, pour communiquer avec ses semblables mais aussi avec lui même
Dire et écrire, pouvoir s'exprimer, exprimer sa pensée, ses idées et ses émotions, dire à l'autre, mots qui viennent par la bouche et par la langue, organe de la parole.
Mots qui s'écrivent sur le papier, qui se tissent sur la toile...
Mots encore et encore pour dire à l'autre, qui entend ou non, mais qui peut répondre
Une adresse !
Mots qui sont des codes, langue des signes, faire signe, signal que l'homme veut dire et communiquer, attester de sa présence, de son passage, et qui passe le relais au futur, qui laisse le passé dans les mots, simplement en les disant, les écrivant mais aussi et surtout en les faisant vivre
Mots vieux, usés mais qui servent toujours, qui n'ont parfois plus tout à fait ou plus du tout le même sens que dans le passé, mais qui survivent encore

Mots vieux et dépassés, "désuets" -que ce mot est joli, léger et plein de charme- qui évoquent une époque révolue, parfois pas si lointaine !
Mots écartélés ou amputués, qui désignent une chose
Mots nouveaux, construits à partir des racines grecques ou latines pour désigner ce que la science à découvert récemment...
Mots à faire encore, car le progrés est là, et il faut nommer, mettre un mot sur la maladie, la spécialité, l'instrument...

Le mot est notre compagnon de tous les jours, des bons, des moins bons et des mauvais, il est là, et on peut se servir dans cette manne inépuisable.
Oui, mais voilà, s'en servir, mais pas n'importe comment, car si le mot est là et bien là, confortablement sur le bout de notre langue ce n'est pas une raison de le mal mener, de le mal traiter, de le blesser, de l'écorner, de l'amputer... Mais laissons là ces considérations qui feront l'objet d'une autre réfléxion...
Le mot, comme tout ce qui vit, évolue, change, son sens s'amplifie, s'atténue au fil des siècles, ne désigne pas toujours la même chose, la même émotion. Les registres de langues aussi sont différents...
Un homme du XVII° siècle comprendrait-il encore l'homme d'aujourd'hui ?
Rien n'est moins sûr !

samedi 30 août 2008

"Le passeur"

Je viens de terminer la lecture de ce livre de Lois Lowry...
Je ne l'aurai pas lu, sans les conseils de mon fils, tout simplement parce que je ne le connaissais pas, et que je lis trop peu de romans...
Qu'il soit remercié !

La lecture de cet ouvrage est facile, simple, limpide... On commence, et on se laisse prendre...On veut connaitre la suite, puis la fin !
Car on se demande quelle fin ? Si fin il peut y avoir !

A la fin de la lecture, on connait bien sûr la fin, du livre, mais pas vraiment de l'histoire, car celle ci ne peut avoir de fin, et c'est peut-être tant mieux, puisque cette fin n'est que le début de l'histoire, mais d'une autre histoire !

Mais, voilà, ce n'est pas simplement pour dire ça, que j'entreprends la rédaction de ce billet, banale somme toute que la lecture de ce roman...Mais loin d'être banal le mal aise, le questionnement, les interrogations qu'il suscite chez le lecteur...

"Tu as trouvé ça comment ?" me demande mon fils
"Terrifiant....Tout simplement terrifiant !"

Une fiction que ce livre, l'histoire d'un petit garçon, qui grandit au sein d'une famille avec un père, une mère, et une soeur...Ca commence plutôt bien.
Oui, mais voilà au fil des pages, on réalise que cette famille là, comme toutes les autres familles de l'histoire, de l'endroit de l'histoire, ne sont pas tout à fait comme les familles, enfin comme la représentation que nous avons dans notre monde réel de la famille, même si celle ci change et ne correspond parfois, plus vraiment à la représentation d'Epinal.

Et tout est ainsi, la vie, le quotidien..
Difficile d'en parler sans vraiment raconter l'histoire, ou du moins la fiction, l'aventure de ce petit garçon qui heureusement est fort curieux, et ne se contente pas de ce bonheur là, de cette vie là..Pourtant prévue, encadrée, où rien qui ne soit désagréable ne peut lui arriver, ne peut arriver.
Que pourrait-il arriver d'ailleurs, puisque le passé, le présent et même le futur sont prévus, à la mesure, des individus, des hommes, des femmes, des familles...ou des adultes seuls, des nourrissons trop petits, des adultes trop vkieux

Cela n'est pas non plus sans me rappeler un film (ou plusieurs d'ailleurs) qui m'avaient alors glacés d'effroi... Mais ils ne m'avaient peut-être pas autant interpellés, cela fait quelques années, le monde n'était pas le même, et il s'agissait d'un film...
Ici, c'est écrit ! Ah le pouvoir des mots, des mots sur le papeir, sur la page blanche, qu'ils noircissent..
Un livre, un film, à peu prés identique, du moins avec un scénario relativement proche....Qui suscitent questionnement et émotions...

Pourquoi aujourdh'ui ce quasi même scénario me semble possiblement possible, et sortir de l'état de fiction dans lequel je l'avais raisonnablement classé alors ?
L'age ? Le mien ? peut-être....vieillir rend sage ? Pas toujours et heureusement !
Le temps ? Peut-être...
Le contexte ? Plus sûrement, plus certainement...
Cette obcession de vouloir rendre tout parfait, ne former qu'une colonne, avec une seule tête, que rien ne dépasse et ceci dés la crèche !!!!
C'est cette idée qui finalement m'apparait terrifiante, stupéfiante, inquiétante, angoissante....
C'est cette idée, qui se veut pourtant rassurante.. Rassurante, assurance, prévenir, assurer contre tout, la pluie, le beau temps, la guerre qu'on voudrait propre sans mort, la tempête qu'on regarde depuis son canapé ravager des pays à des millions de km
Ca n'arrive qu'aux autres ?
C'est peut-êre ça cette impression lorsque j'ai vu le film.... Parfaitement improbable, on regarde, on se dit "quand même !" mais finalement, c'est impensable pour une réalité future, ou alors pour les siècles futurs, et on ne sera plus là, "après moi le..Déluge ?"
Les siècles futurs, on les imagine, mais on ne les rêve plus, ils font à présent peur...Pauvre planête, les hommes qui deviennent fous, le pouvoir des hommes, les hommes au pouvoir..La faim, la soif, la sécheresse
Un avenir ?
Une fiction donc, une simple fiction qui n'arrivera jamais
Et pourtant...
Ce livre est simmplement terrifiant, parce que dans les grandes lignes inévitablement possible !
Malheureusement possible...Si on continue à....?

Seul l'avenir nous le dira, peut-être ? S'il le peut, s'il en a encore le droit ?
Mais nous dire quoi ?



Le passeur de Lois Lowry, aux éditions l'école des loisirs, Médium
Il a obtenu la Newberry Medal 1994

Le Passeur, qui n'est pas non plus sans interpeller la psychanalyste, car dans ce roman, il s'agit bien de passer....
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